Question de M. LE GRAND Jean-François (Manche - RPR) publiée le 21/01/2000
M. Jean-François Le Grand attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'inquiétude des élus du département de la Manche face aux évolutions de la carte hospitalière régionale : fermeture des urgences à Carentan, transfert de la chirurgie et de la maternité de l'hôpital de Valognes à Cherbourg, transfert de la maternité de la clinique Saint-Jean vers l'hôpital de Saint-Lô, avenir de la clinique de Coutances et un manque de moyens humains et financiers sur l'ensemble du département, avec pour conséquence un manque d'efficacité et d'égalité devant les soins, voire même de sécurité sanitaire la plus élémentaire.
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Réponse du ministère : Droits des femmes publiée le 23/02/2000
Réponse apportée en séance publique le 22/02/2000
M. Jean-François Le Grand. Madame le secrétaire d'Etat, dans la Manche, comme d'ailleurs dans le reste du pays,
la situation est catastrophique en matière de sécurité, d'efficacité et surtout d'égalité des citoyens devant les soins.
Le nouveau schéma d'orientation sanitaire de Basse-Normandie est un aveu criant d'une absence totale de volonté
politique. Le centre hospitalier de Valognes n'ayant pu recruter un obstétricien, un chirurgien et un anesthésiste, les
deux commissions médicales d'établissement de Valognes et de Cherbourg ont décidé de transférer la maternité, le
bloc opératoire et la chirurgie du site de Valognes vers le centre hospitalier de Cherbourg alors même que les effectifs
médicaux dans les disciplines précitées sont actuellement déficitaires dans le site cherbourgeois et que celui-ci va
devoir absorber l'activité du centre hospitalier des armées.
Je sais que le chiffre de 13 millions de francs a été avancé pour venir en aide au centre hospitalier de Cherbourg. Mais il
sera de toute façon en deçà des besoins liés à la restructuration du centre hospitalier et, ensuite, du transfert du site de
Valognes sur Cherbourg.
A cela s'ajoute le transfert de la maternité et d'une grande partie des services de chirurgie de la clinique de Carentan
vers la clinique de Saint-Lô.
La conséquence directe de cette décision est la création, entre Cherbourg et Bayeux, communes qui sont éloignées de
près de 140 kilomètres, d'un véritable désert en matière d'urgences, alors même que ce territoire est traversé par une
voie importante, l'autoroute A 13.
Madame le secrétaire d'Etat, pouvez-vous cautionner le fait que les urgences et les besoins de sécurité sanitaire
élémentaires ne puissent plus être assurés ?
La pénurie des médecins dans les spécialités déjà citées n'est qu'un début ; la grave pénurie va se généraliser dans
l'ensemble du pays. Surtout, rien n'est fait actuellement pour augmenter de manière suffisante le nombre des médecins
formés et pour réformer les études médicales, notamment les accès aux spécialités.
Rien n'est fait non plus pour amorcer une revalorisation salariale des spécialistes, afin de réduire sensiblement les
écarts de rémunération entre le secteur public et le secteur privé.
Que comptez-vous faire, madame le secrétaire d'Etat, pour éviter que la Manche ne devienne un département sinistré
s'agissant du recrutement des médecins hospitaliers ? Ne pourrait-on imaginer des mesures incitatives visant à faciliter
le recrutement de ces spécialistes, au moyen de primes, d'évolutions de carrière plus rapides, d'augmentations
salariales ou d'avantages liés, par exemple, à l'attribution de logements de fonction ?
L'évolution de la carte hospitalière régionale s'apparente surtout à une planification sommaire pratiquée dans l'urgence
pour masquer un manque de moyens endémiques, que vous ne souhaitez pas corriger, semble-t-il, car, si vous le
vouliez, vous le pourriez.
Je vous poserai donc quatre questions, madame le secrétaire d'Etat.
Allez-vous réformer les études de médecine, sachant qu'il faudra attendre dix ans pour voir les effets d'une décision
prise aujourd'hui ?
Allez-vous augmenter le nombre des postes de médecin et d'infirmier dans les hôpitaux en général, dans ceux de la
Manche en particulier.
Allez-vous tenir compte des spécificités des zones rurales ? En effet, comme je l'ai déjà indiqué, aucune structure ne
traite les urgences entre Cherbourg et Bayeux, et, dans certains cantons du sud de la Manche, les populations se
trouvent à plus de trois quarts d'heure ou d'une heure d'une maternité. Imaginez l'angoisse d'une parturiente en difficulté
quand elle est éloignée d'un centre de soins !
Enfin, allez-vous laisser la France devenir le pays d'Europe où, en dehors des centres hospitaliers et universitaires, il
n'existera plus d'hôpitaux de proximité ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Vous me permettrez tout
d'abord, monsieur le sénateur, de donner une réponse officielle au nom de Mme Dominique Gillot au volet local de votre
question. Ensuite, mais à titre personnel, puisque je ne connaissais pas l'autre partie de votre question, j'apporterai
quelques éléments de précision sur les études médicales et le problème du recrutement des gynécologues. Je le
répète, je ferai cette réponse à titre personnel, car je n'étais pas mandaté pour m'exprimer sur ce point.
Concernant le premier sujet, vous avez rappelé avec beaucoup de précision une situation locale que vous connaissez
bien mieux que moi, monsieur le sénateur ; vous me permettez simplement d'y faire de nouveau allusion dans cette
réponse officielle.
Les établissements de santé du département de la Manche sont dans une situation analogue à celle d'autres
établissements de la région. La Basse-Normandie connaît en effet une faible densité médicale, accentuée par des
difficultés de recrutement de personnel médical, et fait partie des régions globalement moins dotées par rapport à la
moyenne nationale. Consciente de ces spécificités, l'agence régionale de l'hospitalisation de Basse-Normandie s'est
engagée dans une politique de mise à niveau budgétaire des hôpitaux de la Manche et crée chaque année plus de 40
postes de médecin titulaire. Elle est contrainte aussi de faire face à des situations d'urgence afin de garantir les
conditions de sécurité adéquates, qui conduisent parfois à repenser les circuits de la prise en charge des patients.
Les urgences de Carentan sont actuellement assurées par la clinique de la ville, qui a présenté un projet de fusion avec
la clinique Saint-Jean de Saint-Lô. Une nouvelle répartition des activités entre les deux sites est envisagée qui doit
notamment conduire au transfert de la chirurgie sur Saint-Lô dans deux ans, délai à l'issue duquel elle doit fermer son
service d'urgences. Dans cette perspective et pour préparer cette échéance, l'agence régionale de l'hospitalisation
réfléchit, avec les médecins de ville et les médecins pompiers, aux meilleurs moyens d'assurer la permanence des
soins sur Carentan, notamment les urgences.
Le centre hospitalier de Valognes, quant à lui, rencontre des difficultés pour recruter du personnel médical. Il ne dispose
que d'un seul obstétricien et, depuis le 14 février, il n'a plus ni anesthésiste ni chirurgien. Dans ce contexte, aucun
praticien n'ayant souhaité rejoindre l'établissement, l'hôpital est dans l'impossibilité de maintenir, pour des raisons de
sécurité, ses activités d'accouchement et de chirurgie. C'est pourquoi, en prenant en compte les besoins de la
population du secteur sanitaire qu'il dessert, une organisation visant à assurer la prise en charge des patients et des
parturientes par le centre hospitalier de Cherbourg a été mise en place. Dans les semaines qui viennent, un projet de
rapprochement plus substantiel entre les deux établissements devrait être présenté, permettant d'assurer la pérennité
de l'hôpital de Valognes. Le principe en a été accepté par les conseils d'administration des deux établissements.
La fermeture de la maternité de la clinique Saint-Jean à Saint-Lô est effective depuis le 31 décembre 1999, faute pour
l'établissement d'avoir trouvé un obstétricien. C'est désormais l'hôpital Mémorial de Saint-Lô qui se charge des
parturientes.
L'avenir de la clinique de Coutances est aujourd'hui assuré. Suite à son redressement judiciaire, le tribunal a, en effet,
décidé que les conditions de poursuite de l'activité de cet établissement étaient aujourd'hui réunies. Par ailleurs, un
projet médical commun entre cette clinique et l'hôpital de Coutances est à l'étude. Il devrait permettre aux deux
établissements de poursuivre leurs activités de manière complémentaire.
Monsieur le sénateur, voilà la réponse officielle que je pouvais vous faire au nom de Mme Dominique Gillot.
Si vous le permettez, monsieur le président, je répondrai maintenant en quelques mots aux autres aspects de
l'intervention de M. Le Grand. Ce dossier étant directement géré par Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé
et à l'action sociale, je le ferai à titre personnel, la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation
professionnelle ayant, bien sûr, un regard très particulier sur cette question.
Ce que vous avez dit est malheureusement exact : nous risquons une pénurie de gynécologues-obstétriciens comme
de gynécologues médicaux. Devant ce constat, Mme Martine Aubry et Mme Dominique Gillot ont demandé que, dès
1999, un contingent supplémentaire de 30 places de gynécologue soit ouvert, qui sera repris pour les années 2000,
2001 et 2002.
En 2002, nous pensons - c'est en tout cas l'objectif que nous avons - être à même de former 150 gynécologues, tant
obstétriciens que médicaux, afin d'éviter la pénurie sur dix ans que vous dénoncez et qui serait prévisible sans les
réajustements d'effectifs que je viens de citer.
Vous n'ignorez pas non plus, monsieur le sénateur, qu'il existe une inquiétude encore plus marquée des milieux de la
gynécologie médicale. C'est pourquoi, dans la réforme en cours et dans les négociations qui sont sur le point d'être
achevées, on s'orienterait vers un diplôme d'études supérieures spécialisées à deux options, l'une de
gynécologie-obstétrique, l'autre de gynécologie médicale, de deux ans chacune après un tronc commun d'études de
trois ans. Nous allons ainsi dans une bonne direction. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. Jean-François Le Grand. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Je voudrais vous remercier, madame le secrétaire d'Etat de votre réponse officielle, mais
surtout de la réponse que vous avez eu la gentillesse de faire au pied levé à titre personnel à la deuxième partie de ma
question.
Votre réponse sur les obstréticiens et les gynécologues, va, je crois, effectivement dans le bon sens, car il est
nécessaire d'augmenter le nombre des médecins spécialisés.
Il reste le problème des anesthésistes, des chirurgiens, des urgentistes et des établissements qui doivent accueillir les
ayants droit de la santé. Là, il y a une véritable pénurie.
Je souhaite que les propos que vous avez tenus, et que j'apprécie, sur les obstétriciens soient suivis d'effets s'agissant
des autres aspects de la santé en général.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
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