Question de M. ARNAUD Philippe (Charente - UC) publiée le 30/12/1999
M. Philippe Arnaud rappelle à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que l'obligation de déclarations - loi nº 98-546 du 2 juillet 1998 - à Tracfin et au procureur de la République confère aux officiers publics que sont les notaires une responsabilité particulière en tant qu'acteurs de la lutte contre le blanchiment. Toutefois, lorsque l'immeuble est détenu par une société de personnes et, spécialement par une société civile, il souligne que les transferts qui s'opèrent alors par le biais de la cession des droits sociaux, presque toujours par acte sous seing privé, se font sans intervention ni contrôle d'un officier public. En conséquence, il lui demande s'il ne lui apparaît pas nécessaire de réformer les actuelles conditions de transferts en prévoyant, d'une part, que les actes notariés mentionnent obligatoirement les comptes d'où proviennent les fonds servant au financement de l'opération et, d'autre part, que la notion de société à prépondérance immobilière soit le critère de référence, afin que l'introduction d'un élément mobilier dans le capital ne permette pas d'échapper aux exigences de la loi.
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Transmise au ministère : Justice
Réponse du ministère : Justice publiée le 25/05/2000
Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les termes mêmes de sa question supposent qu'il ait été préalablement décidé, comme le souhaite le Conseil supérieur du notariat, que les statuts ainsi que les cessions de parts de capital des sociétés civiles à prépondérance immobilière doivent être dressés par acte authentique. Or, cette proposition ne semble pas de nature à renforcer efficacement la lutte contre le blanchiment de capitaux. En effet, d'une part, la " société civile à prépondérance immobilière " est une notion fiscale reposant sur des données comptables, aux contours juridiques mal déterminés, qui ne permettrait pas de distinguer les situation dans lesquelles l'acte authentique serait obligatoire de celles dans lesquelles il ne serait que facultatif. D'autre part, les sociétés civiles ne sont pas des supports juridiques uniques de cessions d'immeubles, puisque ces dernières peuvent également être opérées au moyen de cessions de parts de sociétés commerciales. Ainsi, soumettre à l'obligation de l'acte authentique les seules constitutions et cessions de parts de sociétés civiles immobilières ne serait pas très efficace dans la mesure où les concontractants pourraient contourner la difficulté par la création de sociétés commerciales et peut-être même d'associations. Au surplus, les règles applicables au sein de l'Union européenne permettent à quiconque de créer une société dans n'importe quel Etat membre selon les règles applicables dans cet Etat. C'est pourquoi, le recours à l'acte authentique n'empêcherait nullement les auteurs d'opérations de blanchiment de venir opérer sur des territoires où n'existe pas ce type de réglementation, par exemple au Royaume-Uni, où la fonction notariale n'existe pas. Enfin, les avantages attachés à la forme authentique ne permettent pas réellement de répondre à l'objectif recherché, consistant à contrôler l'origine des fonds. En tout état de cause, la seule mention des comptes d'où proviennent les fonds ne peut constituer une réponse efficace aux actions de blanchiment, actions qui supposent un concours d'opérations, dont celle de l'empilage, qui procède d'un système complexe de transactions financières successives impliquant le recours à des sociétés-écrans ou à des centres financiers " off-shore ", rendant particulièrement difficile l'identification de l'origine des fonds. Par ailleurs, même si le notaire obtient des renseignements à ce sujet, celui-ci ne dispose pas des moyens nécessaires à la vérification de leur véracité. Il faut constater, au surplus, que le contrôle d'origine des fonds n'est pas exigé pour la rédaction d'un acte authentique et que le paiement du prix peut se faire hors la vue du notaire. Il reste, cependant, que des travaux tendant au renforcement de la lutte contre le blanchiment sont actuellement conduits au sein de différentes enceintes internationales. C'est à la lumière de ceux-ci que des voies nouvelles pourront être explorées pour répondre le plus efficacement aux objectifs poursuivis. D'ores et déjà, le ministère de la justice souhaite favoriser, en droit interne, une plus grande transparence des sociétés civiles, en rendant obligatoire l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de celles qui ont été créées avant 1978. Un telle formalité permettrait de lever l'opacité actuelle, soulignée par la profession.
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