Question de M. RAFFARIN Jean-Pierre (Vienne - RI) publiée le 23/12/1999
M. Jean-Pierre Raffarin attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la vision française du territoire européen. La grande Europe est en marche. En 2002 les procédures de l'élargissement seront définies. L'Histoire de l'Europe changera à nouveau sa géographie. Quelles sont les conséquences de cette évolution pour les régions françaises ? Les premiers messages sont négatifs : l'Europe freine ses soutiens aux territoires de l'Ouest et du Sud pour mieux accueillir et davantage développer ses nouvelles terres de l'Est. La baisse est proche de 25 %. Malgré ce recul, l'Europe restera, à égalité avec l'Etat, un partenaire majeur du développement régional. Qu'adviendra-t-il de ces soutiens en 2006 ? L'Union nous a déjà fait savoir que la rupture serait forte ; toutefois, elle ouvre un espoir avec un nouveau programme : " Interreg ". L'Europe propose à la France d'inscrire dans une perspective européenne, interrégionale et transnationale, l'aménagement de son territoire. C'est ici que le train déraille. La délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) prend le dossier en mains et libère ses fantasmes de découpages... La France s'engage alors dans une politique du court terme, dans une logique des guichets. On n'oublie que l'argent ne suffit pas aux bonnes alliances. Plutôt que de rechercher dans l'espace français les caractéristiques auxquelles l'Europe donnerait de la force, on redessine la France pour accrocher nos territoires à la force de nos voisins. Ainsi, selon les propositions de nos professeurs en technologies territoriales, la région Midi-Pyrénées serait rattachée à la péninsule ibérique dans un grand ensemble interrégional dont le centre est à Madrid. Notre Midi deviendrait aussi la périphérie de la Lombardie. Le Centre français serait l'extrême frontière de la grande région des capitales, la Bretagne équilibrerait la Bavière (!). Dans un grand espace Nord-Ouest dont les grands ports du Nord seraient le centre... Pourquoi démanteler ainsi nos territoires ? Parce que nous ne pourrions recevoir de l'argent qu'en nous plaçant à la périphérie des voisins ? Un grand pays ne se définit pas par rapport au voisinage. Franchement, il faudrait être très fort pour créer des espaces interrégionaux de 60 millions d'habitants, lieux d'efficacité pour des projets régionaux, qui seraient plus pertinents que... les actuels Etats ! Ce n'est pas en fondant ses atouts dans ceux des voisins que la France des territoires valorisera ses forces. La chance de la France est de prendre conscience de la part d'Europe qui est en elle. Les messages européens que portent nos territoires sont nombreux. Quand la France défend l'espace méditerranéen, elle intéresse l'Europe sans nuire à ses intérêts. Quand la France rappelle à Bruxelles qu'il faut équilibrer " l'Est obsession " par un véritable programme de développement de l'Arc Atlantique, elle gagne des alliés sans renoncer à elle-même. Quand notre pays se mobilise pour promouvoir sa maritimité, affirme son attachement à ses montagnes, valorise sa ruralité et ses villes à taille humaine, il favorise un aménagement du territoire européen à la française. Un pays ne peut composer qu'avec des causes qui lui sont supérieures. Ainsi, quelles sont les propositions de la France quant aux espaces interrégionaux éligibles à Interreg ?
- page 4188
Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 16/03/2000
Réponse. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement se réjouit de l'intensité et de la fertilité du débat, provoqué en France par l'élaboration du programme d'intérêt communautaire (PIC) Interreg III pour la période 2000-2006, autour de la vision française du territoire européen. Elle souligne tout d'abord une convergence de vues sur un certain nombre de points, qui s'est notamment manifestée dans le cadre du Conseil national pour l'aménagement du territoire et de l'environnement (CNADT), en particulier sur la nécessité de favoriser des cadres de coopération européens qui tiennent compte des spécificités du territoire français et des intérêts propres de chacune de nos régions. La ministre partage non seulement cette analyse, mais également sa déclinaison territoriale. Le Gouvernement a soutenu, dans le cadre d'Interreg III, la poursuite de la coopération dans le cadre d'un espace méditerranéen, conforme à la vocation méditerranéenne de notre pays. Il a souhaité, et obtenu, la possibilité pour quatre régions françaises. Provence - Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes, Franche-Comté et Alsace, de participer à l'espace alpin en favorisant ainsi une gestion plus intégrée des principales zones de massif européennes et des questions de transport et d'environnement auxquelles elles sont confrontées. Elle a souhaité, défendu et obtenu non sans difficultés, face à certains partenaires réticents et grâce au soutien de la Commission, le maintien d'un espace Atlantique, afin de jouer l'atout que constituent nos façades maritimes pour équilibrer l'ouverture de l'Europe à l'est, en s'appuyant sur l'identité naturelle et culturelle vivace de cet espace, et sur la dynamique de projet à l' uvre. Il est ici contesté, en revanche, le principe des deux autres espaces de coopération concernant la France, qui existaient déjà dans le précédent programme Interreg II C, et que la Commission a proposé de reconduire en élargissant leur assiette. S'agissant de l'aire métropolitaine du Nord-Ouest, le Gouvernement considère que cet ensemble central au plan géographique comme économique, mérite une politique d'aménagement mieux coordonnée au plan européen, afin de réguler les phénomènes de métropolisation et de concentration des flux qui y sont à l' uvre. L'inclusion de l'est français et du sud-ouest allemand permettra une réflexion globale sur le bassin rhénan ; celle de l'ouest français, souhaitée par bon nombre d'acteurs locaux, notamment dans le cadre du CNADT, permettra d'affirmer la vocation des ports français en relation avec le c ur de l'économie européenne ; celle du bassin parisien est indispensable à la réflexion globale sur l'armature urbaine du nord-ouest européen. S'agissant du sud-ouest européen, la France a accepté la proposition de la Commission de saisir dans un seul espace la péninsule Ibérique et le sud-ouest français, qui paraît mieux à même que la " diagonale continentale " du programme Interreg II C, de traiter globalement les questions relatives au rôle de notre sud-ouest dans l'articulation de l'Espagne et du Portugal avec l'ensemble du continent européen, et particulièrement le franchissement des Pyrénées. L'appartenance de certaines régions françaises à plusieurs de ces espaces européens, loin d'être un handicap, doit au contraire permettre de développer une large gamme de partenariats européens dans des cadres géographiques les plus souples et les moins figés possibles, afin de conserver au programme Interreg son caractère expérimental.
- page 955
Page mise à jour le