Question de M. DUPONT Ambroise (Calvados - RI) publiée le 11/11/1999
M. Ambroise Dupont appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur les suites de la conférence intergouvernementale qui s'est tenue en juin dernier et dont l'un des principaux thèmes était la réduction du coût d'obtention des brevets européens. Un groupe de travail s'est mis en place et devrait rendre ses conclusions avant la fin de l'année. Il souhaiterait être tenu informé très rapidement du contenu des premiers travaux et savoir si les solutions qui se dégagent reçoivent l'assentiment du Gouvernement. Il semblerait en effet que plusieurs problèmes se posent : 1. Est-ce que la centralisation des dépôts de brevets à l'office européen des Brevets à Munich qui est proposée n'aura pas pour conséquence le dépérissement probable, voire la disparition, des conseils en propriété industrielle français ? 2. Alors que la défense de la francophonie est une des préoccupations des pouvoirs publics, est-il possible d'aller vers la suppression ou la forte réduction de la version française des brevets européens ? Même si l'on peut comprendre que l'abandon du français en matière de propriété industrielle soit souhaité par les anglophones et par certaines grandes entreprises, est-ce compatible avec le souci, par ailleurs très souvent affiché, de préserver la diversité linquistique en Europe ? Il le remercie de lui donner rapidement des informations sur ce sujet très sensible.
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Réponse du ministère : Industrie publiée le 09/12/1999
Réponse. - La conférence intergouvernementale des Etats membres de l'Organisation européenne des brevets (OEB), qui s'est tenue à Paris les 24 et 25 juin 1999, a fait suite à l'initiative annoncée par le Premier ministre le 12 mai 1998, lors des Assises de l'innovation, en vue de renforcer et de moderniser le système du brevet européen. En effet, le brevet constitue un outil stratégique pour protéger, consolider et valoriser les innovations des entreprises confrontées à la concurrence mondiale. Un rapport du Conseil économique et social, sur le rôle des brevets et des normes pour l'innovation et l'emploi, souligne ce point. Cependant, comme l'ont noté diverses études, notamment en France le rapport Lombard publié en décembre 1997, les entreprises européennes sous-utilisent le système de brevets, alors que leurs homologues américaines sous-utilisent le système de brevets, alors que leurs homologues américaines et japonaises adoptent une attitude plus offensive. En France, seulement 25 % des entreprises industrielles ont, dans leur histoire, déposé au moins un brevet. Cette situation résulte, sans nul doute, d'une prise de conscience insuffisante de l'importance économique et du rôle stratégique du brevet. Mais, comme l'a souligné le livre vert adopté par la Commission européenne en juin 1997, le système actuel de brevets peut et doit être amélioré pour mieux répondre aux besoins des déposants. C'est d'abord un enjeu européen : il est essentiel que l'Union européenne se dote d'une véritable politique de propriété industrielle. Il faut sans doute aller plus loin que l'actuel brevet européen, et passer au brevet communautaire, qui sera un puissant instrument si son coût est abordable. Cependant la mise au point d'un accord et la mise en uvre du nouvel instrument nécessiteront plusieurs années : il est impératif d'améliorer le fonctionnement du système existant sans attendre. Malgré les réductions de taxes mises en uvre par l'OEB, le coût d'obtention de la protection reste trop élevé, principalement en raison des coûts intervenant après la délivrance du titre. Ce surcoût pénalise les entreprises européennes sur leur marché principal, les conduisant à être excessivement sélectives dans le choix des inventions qu'elles protègent ou des pays dans lesquels elles demandent la protection du brevet. En dissuadant certaines PME et de nombreux chercheurs ou inventeurs indépendants d'y entrer, le système manque en partie à sa justification économique et sociale. A contrario, les caractéristiques actuelles du brevet européen n'en font pas un obstacle pour les grandes entreprises internationales, notamment américaines et japonaises. Le coût d'obtention de la protection n'est pas un réel problème pour ces entreprises, et leur organisation leur permet de défendre le brevet devant les tribunaux de multiples pays. L'objectif poursuivi dans le cadre du processus engagé par la conférence est donc de rendre le brevet européen plus attractif, en rendant le ticket d'entrée moins coûteux et en améliorant la sécurité juridique procurée. La conférence intergouvernementale a adopté un mandat, dont la question du coût constitue la première partie. Elle a ainsi créé un groupe de travail coprésidé par la France, le Portugal et la Suède et chargé de remettre aux gouvernements des Etats membres un rapport contenant des propositions ayant pour objectif de réduire de l'ordre de 50 % les coûts liés aux traductions. C'est sur la base de ce rapport, que les gouvernements décideront de s'engager au second semestre 2000. La démarche française a été établie après une plus large concertation, tant au niveau interministériel qu'avec les milieux intéressés, notamment les conseils en propriété industrielle représentés par la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI). Cette concertation se poursuivra pour préparer les positions que notre pays sera amené à prendre et qui seront guidées par l'impératif de concilier la défense de la langue française, le respect du principe d'égalité de traitement des langues nationales et le réalisme économique. Il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de proposer l'adoption d'une mesure conduisant à ne plus disposer des traductions en français des brevets déposés par la procédure européenne. L'une des propositions mises à l'étude par la Conférence, et confiée au groupe de travail, consiste néanmoins à limiter l'obligation de traduction à la partie " signifiante " du fascicule du brevet, le texte " signifiant " ayant pour objectif de rendre les revendications intelligibles. Cette proposition, qui ne supprime pas l'obligation de traduction, devra être expertisée par le groupe de travail. D'autres propositions sont envisagées pour atteindre l'objectif de réduction des coûts. Parmi les solutions étudiées, figure une option permettant aux Etats qui la retiendraient d'accepter le dépôt de la traduction à l'Office européen des brevets, qui vaudrait dépôt auprès du service de la propriété industrielle du dit Etat contractant. En effet, actuellement la grande majorité des Etats membres mettent en uvre la possibilité ouverte à l'article 65 (1) de la Convention sur le brevet européen d'exiger la traduction du brevet européen pour que celui-ci prenne effet sur son territoire. Les Etats membres pourraient accepter que le demandeur de brevet, s'il le souhaite, puisse, par un dépôt unique à l'OEB de l'ensemble des traductions, s'acquitter de cette obligation de produire des traductions dans les Etats désignés par sa demande. L'OEB se chargerait dans un délai déterminé et bref d'informer les Etats concernés et de diffuser les textes des traductions, y compris par la voie électronique. Ce dépôt unique permettrait au titulaire du brevet de faire l'économie tant des taxes nationales de publication que des surcoûts résultant de l'obligation, faite aux déposants dans certains Etats (mais ce n'est pas le cas en France), de recourir à des mandataires nationaux agréés pour procéder au dépôt des traductions. Il constituerait également une simplification des formalités. Laissant intactes les exigences nationales en matière de traductions, le dépôt unique des traductions auprès de l'OEB ne saurait rencontrer aucune objection tirée du rôle et du statut juridique des langues nationales dans les différents Etats membres. Il ne conduirait donc nullement à la disparition de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) ou de la profession des conseils en propriété industrielle français. La méthode envisagée par la Conférence intergouvernementale permettra aux Etats de se rallier, " à la carte " et selon les priorités politiques de chacun, à telle ou telle mesure permettant de réduire globalement le coût du brevet européen. Ainsi, la France gardera sa marge de man uvre dans tout ce processus. Cependant, la réduction du coût demeure au centre des préoccupations du Gouvernement. L'expertise d'un grand nombre de solutions, chacune susceptible d'être mise en uvre dans un groupe de pays membres, permettra de déboucher sur une réduction effective du coût d'accès au brevet européen, tout en préservant les intérêts stratégiques de la France.
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