Question de M. FAURE Jean (Isère - UC) publiée le 01/12/1999
M. Jean Faure attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la situation dans laquelle se trouvent certaines communes devant l'inadéquation qui perdure entre les objectifs du Gouvernement en matière de diversification énergétique et les outils financiers mis en oeuvre pour assurer la réalisation de ces objectifs. Chacun s'accorde, en effet, à reconnaître l'intérêt de la production décentralisée d'énergie en termes d'aménagement du territoire et, notamment, de la filière Bois très développée dans le département de l'Isère. Or, les communes rurales, qui sont pourtant les mieux placées pour mettre en oeuvre d'ambitieux projets de diversification, se trouvent dans une situation ubuesque : en effet, les projets énergétiques qu'elles ont mis à l'étude sont jugés excellents, techniquement et économiquement. Par exemple, la mise en place de chaufferies à plaquettes leur ferait économiser des sommes importantes sur leur budget de fonctionnement, les temps de retour de ces investissements étant très courts (de l'ordre de quelques années). Elles obtiennent des subventions diverses au titre des politiques énergétiques menées par l'Etat, l'Europe et les collectivités régionales et départementales. Pourtant, elles ne trouvent aucune structure financière pour assurer l'autofinancement restant à leur charge, qu'elles ne sont pas en mesure d'avancer. Car ces communes sont confrontées à des besoins urgents en matière de voirie, de sauvegarde du patrimoine ou à des dépenses obligatoires qui leur interdisent tout investissement autre, aussi rationnel et porteur d'avenir soit-il. Or, ces communes rurales sont mises en demeure de résorber leur déficit structurel et d'abonder leur capacité d'autofinancement. A l'heure de l'adoption du budget de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), il lui demande si le Gouvernement a l'intention de doter cette agence d'une structure financière capable soit de financer directement les projets n'ayant pu être pris en charge dans le cadre de financements traditionnels, soit de se porter caution auprès des prêteurs traditionnels. Il lui rappelle que c'est à ce prix que la politique de diversification énergétique et de valorisation de la forêt française pourra obtenir des résultats significatifs.
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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 09/02/2000
Réponse apportée en séance publique le 08/02/2000
M. Jean Faure. Au moment où nous examinons les projets du Gouvernement en matière de financement de la filière
bois à la suite des dégâts consécutifs à la tempête de décembre dernier, je souhaite attirer votre attention, madame la
ministre, sur la situation dans laquelle se trouvent certaines communes en raison de l'inadéquation qui perdure entre les
objectifs du Gouvernement dans le domaine de la diversification énergétique et les outils financiers mis en oeuvre pour
la réalisation de ces objectifs.
Chacun s'accorde à reconnaître l'intérêt de la production décentralisée d'énergie en termes d'aménagement du territoire,
notamment pour ce qui est de la filière bois, très développée dans mon département de l'Isère. Or les communes
rurales, qui sont pourtant les mieux placées pour mettre en oeuvre d'ambitieux projets de diversification, se trouvent
dans une situation extrêmement difficile. En effet, les projets énergétiques qu'elles ont mis à l'étude sont jugés
excellents sur les plans technique et économique, mais elles ne peuvent les mettre en oeuvre. Par exemple, la mise en
place de chaufferies à plaquettes leur permettrait d'économiser des sommes importantes sur leur budget de
fonctionnement, les temps de retour de ces investissements étant très courts puisqu'ils sont de l'ordre de quelques
années.
Ces communes rurales obtiennent des subventions diverses au titre des politiques énergétiques menées par l'Etat,
l'Europe ou les collectivités régionales et départementales, mais elles ne trouvent aucune structure financière pour
assurer l'autofinancement restant à leur charge, qu'elles ne sont pas en mesure d'avancer car elles sont confrontées à
des besoins urgents en matière de voirie, de sauvegarde du patrimoine, ou à des dépenses obligatoires qui leur
interdisent tout investissement autre, si rationnel et porteur d'avenir soit-il.
Or ces communes rurales sont mises en demeure de résorber leur déficit structurel et d'abonder leur capacité
d'autofinancement.
Aussi, à l'heure de la préparation du prochain budget de l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie, avez-vous, madame la ministre, l'intention de doter cette agence d'une structure financière capable soit de
financer directement les projets n'ayant pu être pris en charge dans le cadre de financements traditionnels, soit de se
porter caution auprès des prêteurs traditionnels ?
C'est à ce prix que la politique de diversification énergétique et de valorisation de la forêt française - à laquelle vous et
moi sommes également attachés - pourra aboutir à des résultats significatifs.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, mon
département, le Jura, est, comme le vôtre, en pointe pour ce qui est du développment de l'usage du « bois énergie »,
par les collectivités locales comme par les particuliers.
Je partage tout à fait votre analyse sur les difficultés auxquelles restent exposées les collectivités locales qui désirent
mettre en oeuvre des projets techniques et économiques intervenant dans le domaine énergétique, et plus
particulièrement pour la réalisation de chaufferies au bois, souvent accompagnées de petits réseaux de chaleur.
L'autofinancement est, en effet, un problème important, auquel se heurtent les élus locaux du fait, en particulier, des
contraintes légales qui existent en matière de taux d'endettement des collectivités. Il prend une particulière acuité
aujourd'hui à cause des tempêtes qui ont ravagé les forêts de notre pays.
Le développement de la valorisation énergétique du bois permettrait d'élargir les débouchés pour le volume considérable
des arbres abattus. Il s'intégrerait, en outre, dans le programme de lutte contre l'effet de serre que le Gouvernement
vient d'arrêter.
L'ADEME n'est pas, vous le savez, une structure financière. Elle ne peut donc ni se porter elle-même caution auprès
des prêteurs traditionnels des collectivités locales ni se substituer à ces organismes.
En revanche, dans le domaine du développement des énergies nouvelles et renouvelables, tout particulièrement dans
celui des chaufferies au bois, elle peut apporter des aides significatives, grâce aux 500 millions de francs annuels
destinés au développement des énergies renouvelables dont elle dispose depuis 1999.
Ces aides peuvent atteindre 90 % de subvention pour les prédiagnostics et 50 % pour les études. Dans le domaine des
investissements, les subventions peuvent atteindre 30 %, tant pour la chaufferie que pour le réseau de chaleur qui lui
est généralement associé.
Pour le développement de ces réseaux, le Gouvernement vient de décider de demander à la Commission européenne
l'autorisation de baisser à 5,5 % le taux de TVA qui les concerne.
Plus généralement, au travers des contrats de plan, un effort tout particulier devrait être mis en place pour des
opérations exemplaires et démonstratives dans le domaine de la mise en valeur des énergies nouvelles et
renouvelables. L'élaboration des schémas de service collectif de l'énergie, réalisée au plan régional, a permis de mieux
apprécier le gisement des énergies nouvelles et renouvelables. Ce travail devrait servir à élaborer des contrats
spécifiques entre les régions, l'Etat et l'ADEME.
Avant de conclure, je rappellerai pour mémoire la convention de partenariat qui a été passée entre mon ministère et le
groupe Caisse des dépôts - Dexia. Il s'agit de mettre en place au service des collectivités locales des produits leur
permettant de mieux développer leurs activités dans le domaine de la protection de l'environnement. Je vous invite donc,
monsieur le sénateur, à examiner de façon concrète avec ce groupe les modalités qui pourraient permettre de donner
un coup de fouet à la filière bois au-delà de la dimension expérimentale, qui ne suffit plus : le moment est venu de
constituer concrètement une filière économiquement performante.
Je crois beaucoup au développement de cette filière, et c'est d'ailleurs l'une des opportunités que nous offre la tempête
de décembre, qui aura eu paradoxalement quelques effets bénéfiques.
En conclusion, la mise en valeur des énergies nouvelles et renouvelables, en particulier de la valorisation énergétique du
bois, est un sujet auquel le Gouvernement est très attaché en ce qu'il participe tout à la fois : de la nécessaire
diversification énergétique, de la lutte contre l'effet de serre et du développement local, tant au travers de la valorisation
des ressources locales que de la création d'emplois qui y est associée dans une filière bois dramatiquement frappée
par les récentes tempêtes.
M. Jean Faure. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Madame la ministre, vos propos sont certes très intéressants, mais il y manque quand même un
élément de réponse : comment faire face à l'autofinancement des investissements envisagés par les communes ?
A ceux qui connaissent l'étendue des dégâts et le volume de bois qui va pourrir dans les deux ou trois ans qui viennent
dans les forêts, parce que nous n'aurons pas les moyens de le dégager et parce que nous n'en avons pas l'utilisation, la
filière bois doit apparaître - ainsi que vous l'avez dit, madame la ministre, et je vous rends hommage sur ce point -
comme un atout. Il faut profiter de l'opportunité offerte par la destruction de la forêt pour trouver d'autres débouchés à la
filière bois, notamment en matière d'énergie.
J'espère, madame la ministre, que les responsables du groupe Caisse des dépôts - Dexia, auquel vous avez fait
allusion, seront bien disposés lorsqu'ils nous recevront.
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