Question de M. PELLETIER Jacques (Aisne - RDSE) publiée le 10/11/1999
M. Jacques Pelletier appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur la situation des victimes de l'hépatite C contractée lors de transfusions sanguines. Il lui indique le cas malheureux d'une personne de son département qui, ayant subi plusieurs transfusions en 1986 suite à un accident de la circulation, a découvert en 1990, à l'occasion d'une intervention chirurgicale, qu'elle était porteuse du virus de l'hépatite C. Selon les experts qui se sont penchés sur le dossier, il ne peut y avoir d'autre cause de contamination que la transfusion. C'est pourquoi, il lui demande si, comme pour les victimes du sida et selon l'avis du Conseil d'Etat, une indemnisation des victimes de l'hépatite C contractée lors d'une transfusion sanguine est prévue ?
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Réponse du ministère : Santé publiée le 22/12/1999
Réponse apportée en séance publique le 21/12/1999
M. Jacques Pelletier. Madame la secrétaire d'Etat, j'attire votre attention sur la nécessité de créer un fonds
d'indemnisation des victimes de l'hépatite C lorsque ce virus a été contracté lors d'une transfusion sanguine.
J'ai le cas malheureux dans mon département, mais il y en a beaucoup d'autres, d'une personne qui a subi plusieurs
transfusions en 1986 à la suite à d'un accident de la circulation. C'est en 1990, à l'occasion d'une intervention
chirurgicale, que l'on découvre qu'elle est porteuse du virus de l'hépatite C.
Dans le cadre du procès que cette personne a intenté contre le centre de transfusion sanguine, les experts chargés de
son dossier ont conclu à l'absence d'autre cause de contamination. Et pourtant, les jugements ont établi que, en
l'absence de preuve formelle du lien de causalité entre la transfusion et l'hépatite, le requérant ne pourrait bénéficier de
l'indemnisation laissée aux soins des tribunaux. Cette personne se voit de plus dans l'obligation de pourvoir aux frais de
justice des deux parties, ce qui me semble un comble.
Les victimes du sida contaminées par des produits sanguins bénéficient d'un fonds d'indemnisation. Depuis 1992, 4 000
dossiers ont été traités et les victimes perçoivent une indemnité importante.
L'hépatite C est un problème de santé publique, elle touche tous les milieux sociaux et au premier rang les milieux les
plus défavorisés et les exclus.
Selon les estimations, entre 130 000 et 200 000 personnes auraient été contaminées, en France, par l'hépatite C suite
à une transfusion sanguine.
Ces victimes présentent des séquelles physiques et psychologiques qui nuisent considérablement à leur bien-être et
amenuisent de manière significative leur espérance de vie.
En l'état actuel des choses, l'indemnisation des victimes de l'hépatite C est laissée à la seule appréciation des
tribunaux.
Or, la différentiation entre la jurisprudence civile, pour les victimes transfusées dans un centre privé, et la jurisprudence
administrative, pour les transfusés des centres publics, crée une iniquité dans le traitement des affaires.
En effet, au sein des tribunaux administratifs, il appartient aux centres d'apporter la preuve que le sang qu'ils ont
transmis était exempt de vice, tandis qu'au sein des tribunaux civils, c'est à la victime de fournir la preuve de sa
contamination.
Il semble évident, vous en conviendrez, que les malades ne sont pas en mesure de choisir le centre de transfusion,
privé ou public. Mais ils subissent, en conséquence, une réelle iniquité dans les jugements de leurs recours.
De plus, nombre de ces victimes voient leurs recours en justice traîner et les réponses des gouvernements successifs
sont insatisfaisantes.
Devons-nous laisser les malades dans le flou alors qu'ils ont subi un préjudice grave dont la faute ne leur incombe
évidemment pas ?
La création d'un fonds d'indemnisation, oeuvre de solidarité nationale, aurait le mérite, en outre, de pallier cette inégalité
et de remédier à la longueur du traitement judiciaire.
Même si Mme la ministre de la justice oeuvre - nous lui en sommes très reconnaissants - pour accélérer les délais
d'instruction, l'attente de nombreux jugements est encore très longue, trop longue.
Comme pour le processus d'indemnisation des victimes du sida, fondé sur la présomption de causalité, les victimes de
l'hépatite C devraient apporter la preuve de leur chronicité hépatique et leur justification qu'ils ont subi une transfusion
sanguine.
Parce que, trop souvent, la victime ne peut fournir la preuve irréfutable du lien de causalité entre le virus et la transfusion
et parce que le doute doit toujours bénéficier à la victime, la présomption de causalité doit être identique.
Comme le préconise le Conseil d'Etat dans son rapport annuel de 1998, « lorsqu'une affection frappe un grand nombre
de personnes - ce que l'on appelle le risque sériel dont l'exemple est celui de l'hépatite C - sans qu'aucune faute soit
imputable à quiconque, il paraît souhaitable que l'indemnisation soit prise en charge au nom du principe de solidarité qui
est du ressort de législateur ».
Même si l'indemnisation des personnes contaminées est un sujet complexe et financièrement lourd, il existe, à n'en
pas douter, une parade à l'obstacle du coût imputé à l'Etat par la fixation éventuelle d'un plafond d'indemnisation.
Cette solution offre l'avantage de répondre au problème de l'indemnisation tout en l'insérant dans des limites
raisonnables et connues par avance.
C'est pourquoi je souhaiterais, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous disiez si le Gouvernement entend
prochainement favoriser une indemnisation par l'Etat des victimes de l'hépatite C contractée lors d'une transfusion
sanguine.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, il est vrai que plusieurs
de nos concitoyens sont aujourd'hui porteurs du virus de l'hépatite C, alors qu'ils ont subi par le passé des transfusions
sanguines qui ont pu être à l'origine de la contamination. Mais, dans le cas que vous exposez, la preuve n'en a pas été
apportée, et c'est une des difficultés que rencontre votre administré.
Plus généralement, le problème des accidents médicaux qui surviennent dans le cadre de la dispensation de soins est
effectivement préoccupant, au-delà de la transmission de l'hépatite C. Comme vous le savez, ils ne sont pas l'apanage
exclusif de la transfusion sanguine. Ils peuvent survenir à l'occasion de tout acte médical, diagnostique ou thérapeutique
comportant un geste invasif.
La médecine n'est pas infaillible. Le risque médical existe. Son augmentation récente est la contrepartie des progrès de
la médecine et de sa plus grande efficacité globale. Lorsqu'il y a faute, il doit y avoir réparation. Mais il existe aussi un
aléa médical, des accidents sans faute. La jurisprudence des tribunaux admet, dans certains cas, l'indemnisation du
préjudice subi. Le Gouvernement est en train de travailler ardemment sur la question de l'indemnisation du risque
thérapeutique dans la perspective du projet de loi qu'il présentera au début de l'année 2000.
Cela dit, je tiens à vous rappeler que, depuis la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits
défectueux, « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un
contrat à la victime ». La difficulté est évidemment de prouver la responsabilité du producteur.
A ce titre, les centres de transfusion sanguine sont réputés responsables des contaminations, notamment par le virus
C, dont il serait prouvé qu'elles sont secondaires à un acte transfusionnel. Ainsi, dès aujourd'hui, et sans attendre les
prochains textes législatifs, une victime peut, auprès de la juridiction compétente, demander et obtenir réparation d'un
tel préjudice si elle l'a subi.
L'exemple que vous citez montre bien, et nous en sommes conscients, que l'accès à la réparation par ce procédé est
difficile du fait de la lourdeur de la procédure qu'il faut engager et du coût qu'elle représente pour le plaideur. Le rapport
de l'IGAS et l'IGSJ qui a été remis récemment au Gouvernement ainsi qu'au Parlement nous incite à réfléchir à une voie
d'accès facilitée, pré-contentieuse, à l'expertise et à la réparation pour toutes les victimes d'accidents médicaux.
La manière dont vous avez argumenté votre question et la parfaite connaissance que vous avez montrée de ce cas
difficile me laissent présager, monsieur le sénateur, que vous serez l'un des ardents défenseurs de cette idée.
M. Jacques Pelletier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Je voudrais remercier Mme la secrétaire d'Etat de sa réponse qui, loin d'être négative, est
encourageante.
Je pense que nous pourrions profiter de l'embellie économique et financière que nous connaissons actuellement pour
essayer de régler définitivement ce problème.
Ce qui me heurte beaucoup, c'est la différence de traitement entre la jurisprudence civile et la jurisprudence
administrative ; suivant que l'on va devant tel ou tel tribunal, on obtient une réponse différente. J'avais été saisi à
plusieurs reprises de cette iniquité lorsque j'étais Médiateur de la République ; il faudrait y mettre un terme.
Il s'agit là d'une question de solidarité à laquelle le Gouvernement et le Parlement ne peuvent pas rester insensibles.
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