Question de M. DUFAUT Alain (Vaucluse - RPR) publiée le 10/11/1999

M. Alain Dufaut appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les échos parus dans la presse concernant l'éventuel redécoupage des cantons avant les élections cantonales de 2001. En effet, il semblerait, à la lecture de ces articles, que le Gouvernement envisage de ne pas procéder à un redécoupage global avant mars 2000, date butoir pour une telle opération selon les dispositions de l'article 7 de la loi nº 90-1103 du 11 décembre 1990, interdisant tout redécoupage des circonscriptions électorales dans l'année précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées concernées. Cette décision serait motivée par une fiabilité insuffisante du contenu du recensement des populations effectué cette année, ce qui semble pour le moins curieux. Par ailleurs, cette rumeur ne manque pas de surprendre si l'on se réfère à la réponse apportée par M. le ministre des relations avec le Parlement, lors d'une séance de questions orales sans débat le mardi 15 juin 1999, lequel précisait : " s'agissant des cantons, le Gouvernement étudiera également les inégalités démographiques entre cantons confirmées ou révélées par le recensement. Il pourrait être amené à corriger, par décret en Conseil d'Etat, conformément aux dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités locales, les inégalités de représentation les plus importantes. " Le Conseil constitutionnel, dans une décision des 1er et 2 juillet 1986, précisait que le découpage électoral doit être déterminé sur des " bases essentiellement démographiques ". Même si ce principe général est appliqué de manière moins stricte aux conseils généraux afin d'assurer une représentation des composantes territoriales du département, certaines inégalités sont flagrantes. C'est le cas notamment pour le département de Vaucluse, qui comprenait déjà, sur la base du recensement de 1990, 467 075 habitants, et qui, selon les estimations tirées du recensement de cette année, franchirait la barre des 500 000 habitants. Or, les conseillers généraux de Vaucluse sont seulement au nombre de vingt-quatre, dans un département pourtant essentiellement rural. Par comparaison, le département des Alpes-de-Haute-Provence compte trente conseillers généraux pour 130 188 habitants, d'après les chiffres du recensement de 1990. Cet écart démographique nécessiterait manifestement un redécoupage des cantons du département de Vaucluse allant dans le sens d'une augmentation considérable du nombre de ses représentants. Pour toutes ces raisons, il s'interroge sur les véritables motivations du Gouvernement en la matière et lui demande, si ces rumeurs sont confirmées, de reconsidérer sa position et de procéder à un redécoupage des cantons dans les départements les plus sous-représentés en nombre de conseillers généraux.

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Réponse du ministère : Petites et moyennes entreprises publiée le 19/01/2000

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2000

M. Alain Dufaut. Madame le secrétaire d'Etat, vous savez que les élections, tous scrutins confondus, sont plus
nombreuses, et donc moins espacées, que les recensements de population dans notre pays.
Les requêtes d'élus locaux - ils se plaignent à juste titre d'inégalités flagrantes dans la représentation de certains
départements - revenant avant chaque échéance électorale depuis plusieurs années, il nous était permis d'espérer que
le Gouvernement profiterait du recensement de la population organisé en 1999 pour procéder enfin à un redécoupage
des cantons et, ainsi, à un rééquilibrage de la représentation cantonale en fonction de l'évolution démographique de
chacun des départements.
Or malgré, semble-t-il, de nombreuses hésitations, il est acquis, maintenant, que le Gouvernement ne procédera pas à
un redécoupage cantonal global avant mars 2000, date butoir, d'après la loi du 11 décembre 1990, pour qu'une telle
opération puisse s'appliquer au renouvellement cantonal de mars 2001.
Cette décision ne manque pas de surprendre si l'on se réfère à la réponse apportée par M. le ministre des relations
avec le Parlement, lors d'une séance de questions orales sans débat au Sénat, le mardi 15 juin 1999. Le ministre
précisait en effet : « S'agissant des cantons, le Gouvernement étudiera également les inégalités démographiques entre
cantons, confirmées ou révélées par le recensement. Il pourrait être amené à corriger, par décret en Conseil d'Etat, les
inégalités de représentations les plus importantes. » Cela était d'ailleurs tout à fait conforme aux engagements pris par
le ministre de l'intérieur lui-même devant l'ensemble des présidents de conseils généraux, réunis en congrès du 7 au 9
avril 1999 à Deauville.
De plus - je connais assez bien les textes sur le sujet - le Conseil constitutionnel, dans une décision des 1er et 2 juillet
1986, a précisé que le découpage électoral doit être déterminé sur des « bases essentiellement démographiques ». Il
faut donc connaître les résultats du recensement.
Même si l'on sait que ce principe général est appliqué de manière moins stricte aux conseils généraux, certaines
inégalités, madame le secrétaire d'Etat, sont flagrantes et ne peuvent plus durer. C'est le cas, notamment, pour mon
département, le Vaucluse, qui comprenait déjà, sur la base du recensement de 1990, 467 075 habitants et qui, selon
les derniers chiffres du recensement de 1999, vient de franchir la barre des 500 000 habitants. Or, les conseillers
généraux de Vaucluse sont seulement au nombre de vingt-quatre, dans un département pourtant foncièrement rural. Par
comparaison, le département limitrophe des Alpes-de-Haute-Provence compte trente conseillers généraux pour moins
de 150 000 habitants.
Par ailleurs, les départements de l'Ain, de la Drôme, du Doubs et de la Manche, qui comptent à peu près le même
nombre d'habitants que le Vaucluse, comprennent respectivement quarante-trois, trente-six, trente-cinq et
cinquante-deux cantons. A contrario, les départements de l'Ariège, du Cantal, de la Corse-du-Sud, de la Creuse, de
l'Indre et de la Lozère, dont le nombre de cantons est à peu près identique à celui du Vaucluse, ont une population qui
ne dépasse pas 137 000 habitants.
Ces écarts démographiques nécessiteraient manifestement un redécoupage des cantons du département de Vaucluse
allant dans le sens d'une augmentation considérable du nombre de ses représentants.
Pour toutes ces raisons, j'aimerais que vous m'expliquiez, madame le secrétaire d'Etat, pour quelles raisons le
Gouvernement a modifié sa position.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
Monsieur le sénateur, il s'agit effectivement d'un dossier très discuté.
Le Gouvernement n'a bien sûr, pas mis en cause la fiabilité des chiffres du recensement pour reporter après les
élections cantonales de 2001 le remodelage cantonal rendu nécessaire par les évolutions démographiques.
Il a simplement constaté, à l'automne dernier, que l'INSEE n'avait rendu publics que les chiffres provisoires du
recensement général de la population de 1999 pour les régions, les départements et les communes. On pouvait,
naturellement, en tirer des chiffres provisoires pour la population des cantons composés d'un nombre entier de
communes, mais ces chiffres n'étaient pas utilisables pour entamer un remodelage des cantons, et ce pour deux
raisons.
D'abord, il s'agissait de chiffres provisoires, et l'Etat ne peut prendre en compte, à l'occasion de la saisine des conseils
généraux et du Conseil d'Etat, qu'il doit consulter avant d'adopter des décrets de remodelage cantonal, que les chiffres
définitifs du recensement homologués par décret, faute de quoi ce remodelage cantonal pourrait être affecté d'un vice de
forme - et vous savez comme l'on aime traquer les vices de forme dans notre pays !
Ensuite, les chiffres provisoires alors donnés par l'INSEE ne permettaient pas de connaître la population des cantons
dont les limites sont infra-communales. Or, ces cantons sont, dans la plupart des cas, des cantons urbains dont le
poids démographique est déterminant pour mesurer les inégalités de représentation au sein d'un département.
Dès lors, le Gouvernement ne peut que se fonder sur les chiffres définitifs de la population par canton issus du
recensement, chiffres qui viennent d'être rendus publics et homologués par décret publié au Journal officiel du 30
décembre 1999.
Par ailleurs, la loi du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des
conseils régionaux a prévu, dans son article 7, qu'il ne peut être procédé à aucun redécoupage des circonscriptions
électorales dans l'année précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées concernées, vous l'avez
rappelé. Les élections cantonales devant se dérouler en mars 2001, il est ainsi interdit de modifier les limites
cantonales après le 29 février 2000.
Le Gouvernement ne disposait donc, entre la date de publication des chiffres officiels du recensement, le 30 décembre
1999, et le 29 février 2000, que de deux mois à peine pour élaborer un projet de remodelage cantonal, consulter les
conseils municipaux intéressés, consulter les conseils généraux, suivant la procédure prévue à l'article L. 3113-2 du
code général des collectivités territoriales, rédiger les décrets, les soumettre au Conseil d'Etat pour avis, prendre en
compte les éventuelles modifications liées à ces avis et publier ces décrets.
Le Gouvernement a estimé qu'il n'était pas possible, en si peu de temps, de mener à bien cette réforme importante de
la carte cantonale. Nombreux sont ceux qui le regrettent, dans tous les rangs des assemblées départementales, car il
n'y a là, au moins, aucun clivage entre nous.
Enfin, vous évoquez la décision des 1er et 2 juillet 1986 du Conseil constitutionnel à l'appui d'une argumentation en
faveur du rééquilibrage du nombre des conseillers généraux par département, ce qui est un peu différent, en fait, d'un
simple redécoupage.
Le Conseil constitutionnel, dans plusieurs décisions de 1985 et 1986, a posé le principe selon lequel une assemblée
représentative doit être élue sur des bases essentiellement démographiques. Ce principe n'est que la conséquence du
principe constitutionnel d'égalité du suffrage. Il s'applique, avec les atténuations à cette règle qu'a consenties le juge
constitutionnel, à la délimitation des cantons, lesquels constituent les circonscriptions électorales. Mais il n'implique
pas que le nombre de conseillers généraux soit proportionnel à la population de chaque département, puisque c'est non
pas ce nombre qui est déterminant pour le respect de l'égalité du suffrage, mais la seule délimitation des
circonscriptions au sein de chaque département.
Par conséquent, même si nous sommes nombreux au sein du Gouvernement à comprendre votre argumentation,
encore faut-il que tout cela soit fait en heure et en temps et, s'agissant de l'augmentation du nombre de sièges soumis
auparavant aux conseils généraux eux-mêmes, puisque ce sont eux qui auraient à gérer ce nouvel état de fait ou de
droit le cas échéant.
M. Alain Dufaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Madame le secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas être virulent dans ma réponse, mais vous
comprendrez aisément que vos arguments ne peuvent me donner entière satisfaction.
Comment peut-on arguer de cette mauvaise connaissance des résultats du recensement, alors que l'INSEE avait publié
les premiers chiffres dès le mois d'août 1999 et qu'on connaissait très bien, dans les grandes proportions, les évolutions
démographiques des principaux départements ? Au moins, pour les cas les plus flagrants, comme celui du Vaucluse,
on aurait pu envisager une augmentation provisoire du nombre de cantons !
Vous savez fort bien - j'en ai discuté avec M. le ministre de l'intérieur - qu'il est impossible de faire fonctionner le conseil
général d'un département d'un demi-million d'habitants avec vingt-quatre conseillers généraux. C'est insuffisant au regard
tant de la représentativité que de l'accomplissement des missions.
Je le répète, il est dommage que l'on n'ait pas corrigé au moins les plus grosses anomalies. Nous attendrons donc le
renouvellement de 2004 !

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