Question de M. COURTOIS Jean-Patrick (Saône-et-Loire - RPR) publiée le 28/10/1999
M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les revendications de la chambre des notaires de Saône-et-Loire, s'agissant du contrôle des cessions de parts de sociétés civiles à prépondérance immobilière. La loi nº 98-546 du 2 juillet 1998 a imposé une obligation de déclaration à Tracfin, aux personnes qui réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations immobilières. Les notaires y sont soumis, toute vente immobilière exigeant la forme authentique. Mais lorsque l'immeuble est détenu par une société de personnes, et spécialement par une société civile, son transfert s'opère par le biais de la cession de droits sociaux, presque toujours par acte sous seing privé, sans intervention ni contrôle d'un officier public. La forme sous seing privé permet ici diverses fraudes qui facilitent le blanchiment. Par ailleurs, les sociétés civiles constituées avant le 1er juillet 1978 peuvent, tout en conservant leur personnalité morale, ne pas se faire immatriculer. Elles échappent ainsi à toute formalité de publicité. Afin de lutter efficacement contre le blanchiment en matière de sociétés immobilières de personnes, la chambre des notaires de Saône-et-Loire souhaite que soient établies par acte authentique les cessions de droits sociaux des sociétés françaises ou étrangères, de forme non commerciale, dont l'actif brut total est constitué, pour plus de la moitié d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France et les cessions de droits sociaux de sociétés françaises de forme non commerciale, dont l'actif brut total est constitué pour plus de la moitié de participations dans une ou plusieurs de ces sociétés. Sur la base de ces propositions, il lui demande de lui préciser quelle mesure elle envisage de prendre.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 15/06/2000
Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il se félicite de la proposition du Conseil supérieur du notariat qui atteste de la volonté de la profession de s'associer à l'action conduite par les pouvoirs publics en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. Il s'avère toutefois que cette proposition, tendant à ce que les statuts ainsi que les cessions de parts de capital des sociétés civiles à prépondérance immobilière soient dressés par acte authentique, ne semble pas de nature à répondre aux objectifs recherchés. En effet, d'une part, la " société civile à prépondérance immobilière " est une notion fiscale reposant sur des données comptables, aux contours juridiques mal déterminés, qui ne permettrait pas de distinguer les situations dans lesquelles l'acte authentique serait obligatoire de celles dans lesquelles il ne serait que facultatif. D'autre part, les sociétés civiles ne sont pas des supports juridiques uniques de cessions d'immeubles, puisque ces dernières peuvent également être opérées au moyen de cessions de parts de sociétés commerciales. Ainsi, soumettre à l'obligation de l'acte authentique les seules constitutions et cessions de parts de sociétés civiles immobilières ne serait pas très efficace dans la mesure où les cocontractants pourraient contourner la difficulté par la création de sociétés commerciales et, peut-être même, d'associations. Au surplus, les règles applicables au sein de l'Union européenne permettent à quiconque de créer une société dans n'importe quel Etat membre selon les règles applicables dans cet Etat. C'est pourquoi le recours à l'acte authentique n'empêcherait nullement les auteurs d'opérations de blanchiment de venir opérer sur des territoires où n'existe pas ce type de réglementation, par exemple au Royaume-Uni où la fonction notariale n'existe pas. Enfin, les avantages attachés à la forme authentique ne permettent pas réellement de répondre à l'objectif recherché, consistant à contrôler l'origine des fonds. Même si le notaire obtient des renseignements à ce sujet, il ne dispose pas, en effet, des moyens nécessaires à la vérification de leur véracité. Il faut constater en outre que le contrôle d'origine des fonds n'est pas exigé pour la rédaction d'un acte authentique et que le paiement du prix peut se faire hors la vue du notaire. Il reste, cependant, que des travaux tendant au renforcement de la lutte contre le blanchiment sont actuellement conduits au sein de différentes enceintes internationales. C'est à la lumière de ceux-ci que des voies nouvelles pourront être explorées pour répondre le plus efficacement aux objectifs poursuivis. D'ores et déjà, le ministère de la justice souhaite favoriser, en droit interne, une plus grande transparence des sociétés civiles, en rendant obligatoire l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de celles qui ont été créées avant 1978. Une telle formalité permettrait de lever l'opacité acctuelle, soulignée par la profession.
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