Question de M. de VILLEPIN Xavier (Français établis hors de France - UC) publiée le 21/10/1999
M. Xavier de Villepin attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le traité d'interdiction complète des essais nucléaires en cours de discussion au Congrès américain. Quelles seraient les conséquences d'une non-ratification par les Etats-Unis ou d'un report de longue durée ? Il demande, par ailleurs, si le système d'inspection prévu par les dispositions du traité peut être considéré comme performant. Que peut-on penser des sanctions prévues dans le cas de violation du traité ? Quels sont les moyens envisagés pour contraindre un pays récalcitrant à respecter les sanctions ? La meilleure façon de garantir le caractère opérationnel d'un arsenal vieillissant est-elle d'effectuer des essais réels ou bien peut-on y parvenir par des simulations fiables ?
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Transmise au ministère : Affaires étrangères
Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 16/12/1999
Réponse. - Les questions soulevées par l'honorable parlementaire appellent les réponses suivantes : 1. Quelles seraient les conséquences d'une non-ratification par les Etats-Unis ou d'un report de longue durée ? L'entrée en vigueur du TICE risque d'être compromise. Même si le Sénat américain reste techniquement saisi du dossier et peut donc en théorie revenir sur son vote négatif, cette perspective reste pour l'heure très incertaine. Les Etats ayant signé, mais non ratifié (Russie, Chine, Israël) et ceux n'ayant pas encore signé (Inde, Pakistan, Corée du Nord) ne seront pas incités à y adhérer. La dynamique qui devait conduire à une entrée en vigueur du TICE risque donc d'être freinée. La question de l'avenir de l'Organisation du traité (sise à Vienne) chargée de préparer la mise en place du système de vérification, qui a débuté ses travaux en 1997, et à laquelle les Etats-Unis apportent actuellement le quart de ses ressources, peut également se poser. Certains Etats pourraient arguer de l'inutilité du système de surveillance international tant que le traité n'est pas en vigueur, puisqu'en cas d'événement douteux aucune procédure d'inspection sur place ne pourra être engagée ni aucun moyen juridique contraignant ne pourra être utilisé à l'égard d'un Etat supposé avoir effectué des essais. D'autres conséquences pourraient apparaître. Les Etats non dotés d'armes nucléaires risquent de contester le régime de non-prolifération nucléaire dont le traité de non-prolifération (TNP) constitue la pierre angulaire. Certains Etats pourraient être tentés de reprendre des essais nucléaires. Ainsi, cumulé avec le projet américain de défenses antimissiles (NMD), ce rejet peut être un facteur de relance de la course aux armements. Au-delà, c'est l'ensemble du processus de désarmement et de lutte contre la prolifération à travers les instruments multilatéraux qui sera fragilisé par l'attitude des Etats-Unis. 2. Le système de vérification du traité peut-il être considéré comme performant ? Le système de vérification est dissuasif. Le système de vérification prévu par le traité d'interdiction complète des essais nucléaires couvre l'ensemble de la surface du globe, assurant ainsi la surveillance de l'atmosphère, des continents et des océans, et permettra de détecter une explosion nucléaire dégageant une énergie supérieure à 1 kilotonne, sur 90 % de la surface du globe. Pour des explosions dégageant une énergie inférieure à 1 kilotonne, son efficacité sera variable selon les régions où se produirait l'explosion : dans cette hypothèse, les moyens techniques nationaux assureront à la France une capacité de jugement accrue et indépendante en cas de litige. Le système de vérification du TICE comprend un centre international de données et un système de surveillance international reposant sur quatre techniques de détection, à chacune desquelles est associé un réseau de stations ou de laboratoires nationaux : les stations de surveillance sismologique s'articulent en deux réseaux, l'un constitué de 50 stations primaires, l'autre de 120 stations secondaires ; les stations de surveillance des radionucléides servent à mesurer les radionucléides de l'atmosphère. Ce réseau comprendra 80 stations capables de détecter les particules pertinentes dans l'atmosphère, à terme quarante d'entre elles seront aptes à détecter la présence de gaz rares. Ce réseau est appuyé par des laboratoires homologués ; les stations de surveillance hydroacoustique seront constituées par un réseau de 6 stations à hydrophones et 5 stations à détection des phases T ; les stations de détection des infrasons constitueront un réseau de 60 stations. Ces stations détectent les ondes de pression produites par une explosion nucléaire ; le coût de l'installation et de la construction du réseau international est estimé par les experts à plus de 200 millions de dollars. La construction du réseau devrait s'étaler jusqu'à environ 2002, si le rythme d'installation actuel est maintenu (fin 1999, une centaine de stations ont déjà été construites et émettent leurs données vers le prototype du centre international de données à Vienne). 3. Que peut-on penser des sanctions prévues dans le cas de violation du traité ? Quels sont les moyens envisagés pour contraindre un pays récalcitrant à respecter les sanctions ? Tant que le traité n'est pas entré en vigueur, aucune sanction prévue par le traité ou relevant du droit international ne pourrait être prise à l'encontre d'un Etat qui aurait violé les obligations de l'article I du traité, même si celui-ci l'a signé ou même ratifié. Si un Etat partie violait le traité après son entrée en vigueur, cette violation pourrait être considérée comme une menace à la paix et à la sécurité internationales et relèverait alors de la responsabilité du Conseil de sécurité des Nations unies qui pourrait prendre les mesures prévues par la Charte de l'ONU. L'article V du TICE prévoit deux autres types de mesures : dans le cas où des problèmes se posent quant au respect du traité par un Etat (sans qu'il y ait pour autant nécessairemeant violation de l'article I) la Conférence des Etats parties peut notamment décider de restreindre ou suspendre l'exercice par l'Etat concerné de ses droits et privilèges au titre du Traité ; dans des cas similaires mais pouvant porter préjudice à l'objet et au but du Traité, la Conférence peut recommander aux Etats parties (et non décider) des mesures collectives conformes au droit international. 4. La meilleure façon de garantir le caractère opérationnel d'un arsenal vieillissant est-elle d'effectuer des essais réels ou bien peut-on y parvenir par des simulations fiables ? L'arrêt des essais nucléaires ne nous empêchera pas de pérenniser notre capacité de dissuasion grâce à la simulation. La simulation devra permettre de faire face au vieillissement des armes actuelles, puis de garantir la fiabilité et la sûreté des charges qui remplaceront les armes arrivant en fin de vie. Elle assurera donc le caractère opérationnel de l'arsenal nucléaire à long terme. A ce titre, la principale caractéristique des futures têtes nucléaires résidera dans le fait qu'elles seront dotées de charges " robustes " dérivées des résultats des essais nucléaires passés ; c'est-à-dire présentant des marges de tolérance importantes vis-à-vis des fluctuations des paramètres physiques et technologiques. Leurs performances ne seront pas fondamentalement différentes de celles des armes actuelles. La fabrication à l'identique des charges actuelles est exclue. En effet, avec le temps, d'inévitables modifications interviendront, dues à l'évolution de l'environnement technique (matériaux, procédés,...) et des compétences humaines. L'effet de petites modifications que devront subir nécessairement les objets expérimentés sera évalué par la simulation, qui fournira la garantie de leur fiabilité et de leur sûreté. Pour atteindre ces objectifs, le programme Simulation vise avant tout à donner aux nouvelles équipes, qui ne pourront pas recourir aux essais, des outils leur permettant de maîtriser tous les aspects du fonctionnement d'un engin nucléaire. Le programme comporte trois volets : la modélisation de la physique du fonctionnement des armes nucléaires, le calcul numérique et la validation expérimentale. Cette dernière reposera sur les résultats des essais nucléaires passés et utilisera deux instruments principaux : la machine radiographique AIRIX (simulation de la phase prénucléaire du fonctionnement des amorces) dont la construction est terminée et le laser Mégajoule (simulation des phases de haute densité d'énergie du fonctionnement thermonucléaire) dont la première phase appelée " LIL (ligne d'intégration laser) " est en cours de construction.
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