Question de M. VALLET André (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 28/10/1999
M. André Vallet attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la révision de la carte judiciaire, notamment quant à ses implications dans les Bouches-du-Rhône. Il lui rappelle, qu'au vu des solutions envisagées par la commission en charge de la révision, l'avenir de la juridiction salonnaise paraît très compromise, alors que la qualité de son activité n'est nullement en cause, tant au plan quantitatif - 1467 affaires contentieuses ont pris fin en 1997 -, qu'au plan qualitatif - 95 % des jugements sont rendus à moins d'un mois, avec un taux d'appel d'à peine 8 % et une inversion des résultats concernant 2 % des dossiers. Il lui rappelle également que la vitalité du bassin économique placé sous la compétence du tribunal de commerce de Salon justifie pleinement le maintien de cette juridiction, et que la suppression de ce tribunal n'aurait aucune cohérence alors que la Chambre de commerce de Marseille vient d'installer une structure à Salon de Provence, que la Chambre des métiers va prochainement y implanter une partie de ses activités, que cette ville a été la commune ayant créé le plus grand nombre d'emplois en 1998 pour l'ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il lui indique en outre que cette éventuelle disparition serait également supportée par le justiciable qui, outre des frais de déplacement supplémentaires, se verrait imposer des délais de traitement des affaires plus longs et que cette situation serait tout à fait contraire à la politique tendant à développer une justice de proximité. Dès lors, il lui demande quelles raisons objectives seraient de nature à justifier la suppression, ou la forte diminution, de l'activité du tribunal de commerce de Salon-de-Provence.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 10/11/1999
Réponse apportée en séance publique le 09/11/1999
M. André Vallet. Madame la ministre, le 11 octobre, à la préfecture des Bouches-du-Rhône, a été examinée la
situation des tribunaux de commerce de ce département.
Cette réunion, à laquelle nous étions convoqués par M. le préfet, était annoncée comme une réunion de concertation et
de dialogue.
M. le président. Monsieur Vallet, « invités » et non « convoqués » !
M. André Vallet. Je rectifie bien volontiers, monsieur le président.
Cette réunion de concertation et de dialogue était en réalité une vraie fausse concertation puisque votre délégué,
madame le ministre, annonçait la fusion des tribunaux de commerce d'Arles et de Tarascon au profit d'Arles et la
possible disparition du tribunal de commerce de Salon-de-Provence au profit du tribunal de commerce
d'Aix-en-Provence.
Permettez-moi d'exprimer ma stupéfaction face à l'éventualité de la suppression du tribunal de commerce de
Salon-de-Provence, trente-troisième de France quant aux procédures collectives traitées en 1998, plus important que
les tribunaux de commerce de Brest, de Limoges, de Poitiers, de Reims, de Clermont-Ferrand, et égal à l'activité du
tribunal de commerce d'Avignon, stupéfaction aggravée lorsque je considère la qualité de l'activité du tribunal de
commerce de Salon-de-Provence : 95 % des jugements sont rendus en moins d'un mois avec un taux d'appel d'à peine
8 % et une inversion des résultats pour 2 % des dossiers !
Salon-de-Provence, madame la ministre, a été en 1998 la ville qui a créé le plus d'emplois dans la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pour les villes de plus de 30 000 habitants, c'est la commune des Bouches-du-Rhône qui
a obtenu, lors du dernier recensement, la plus forte augmentation en pourcentage. La chambre de commerce de
Marseille vient d'inaugurer une annexe à Salon. La chambre de métiers va également s'y installer. C'est une
reconnaissance du dynamisme économique de notre cité.
Il n'est pas tolérable, madame la ministre, à un moment où vous voulez, à juste titre, développer la justice de proximité,
que les justiciables du ressort du tribunal de commerce de Salon - ils sont 230 605 - soient contraints à de plus
importants déplacements et à des délais de jugement beaucoup plus longs.
La suppression du tribunal de commerce de Salon risque aussi, nous le craignons fortement, d'entraîner la disparition
du tribunal des prud'hommes et du tribunal d'instance, faisant ainsi disparaître toute activité judiciaire dans notre
commune.
Dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire rationnelle, celle que le Gouvernement préconise par ailleurs,
il est indispensable, voire vital, que la juridiction des tribunaux de commerce des villes moyennes, et notamment de
Salon-de-Provence, soit maintenue afin que la vocation judiciaire de cette commune soit renforcée. Nous n'osons
penser, madame le ministre, que vous puissiez en décider autrement.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, tout d'abord il nous faut
moderniser le fonctionnement de la justice commerciale en France. Cette modernisation passe par la réforme des
tribunaux de commerce, que je présenterai au conseil des ministres avant la fin de l'année.
Cette réforme vise à introduire des magistrats professionnels dans les tribunaux de commerce, à augmenter les
garanties en matière de déontologie, à la fois pour le fonctionnement des tribunaux de commerce et pour les
professions de mandataire-liquidateur judiciaire, et comprend également la réactualisation de la carte judiciaire, qui n'a
pas été revue depuis le début du xixe siècle.
En réformant la carte judiciaire, je veux éviter la dispersion des activités judiciaires, améliorer la formation des
magistrats professionnels et, bien entendu, faire en sorte que les populations soient mieux servies. Cela demande un
examen des situations locales afin que les décisions ne soient pas seulement fondées sur des critères quantitatifs et
statistiques.
Dans ce cadre, j'ai créé à la chancellerie une mission pour la réforme de la carte judiciaire, mission qui s'est rendue
dans les Bouches-du-Rhône le 11 octobre 1999 pour y procéder à une large concertation avec les professionnels et les
élus au cours d'une réunion à laquelle vous avez été invité par le préfet - et non pas convoqué, car ce terme
comminatoire n'entre pas dans mon vocabulaire...
M. André Vallet. C'était un lapsus !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... et à laquelle vous avez d'ailleurs participé.
Cette réunion de concertation n'avait pas pour objectif de préjuger les décisions que je pourrais prendre. Sa raison d'être
était de recueillir les points de vue des différents acteurs.
A cette occasion, la mission pour la réforme de la carte judiciaire a notamment entendu la demande de nombreux
acteurs économiques, en particulier de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille, qui est très favorable à une
rationalisation judiciaire. Beaucoup d'entreprises ne paraissent comprendre ni se satisfaire de la compétence conjointe
de quatre tribunaux de commerce sur les activités du port autonome de Marseille, qui conduit à des hésitations sur la
détermination du juge compétent en des matières où l'importance des enjeux et l'urgence à trancher les litiges sont
évidemment particulièrement fortes.
La mission pour la réforme de la carte judiciaire a cru percevoir, de la part de beaucoup d'acteurs, notamment de la
chambre de commerce que vous avez citée dans votre question, une demande très forte d'unification dans un seul lieu
des contentieux liés au port autonome de Marseille.
Une partie des difficultés vient du fait que les tribunaux d'Aix-en-Provence et de Salon-de-Provence ont à connaître des
contentieux liés à l'activité maritime de l'étang de Berre.
Plusieurs solutions ont été proposées : soit le rattachement de ce contentieux au tribunal de Marseille, soit le
rattachement de ce contentieux à l'un des deux tribunaux précités, ce qui aurait pour avantage de diminuer les conflits
ou les hésitations de compétences mis en avant par les acteurs économiques.
Certains ont soutenu que la fusion des tribunaux d'Aix-en-Provence et de Salon-de-Provence serait logique, sans aller
jusqu'à la dévolution de contentieux supplémentaires au tribunal de Marseille, qui compte déjà parmi les plus actifs de
France.
Il a également été souligné que la distance de 35 kilomètres qui sépare ces deux villes, de surcroît reliées par une
autoroute, n'est pas suffisante pour compromettre l'exercice d'une justice de proximité.
Voilà où nous en sommes. Ces différents avis ont été recueillis, le vôtre aussi, bien entendu. La mission qui s'est
rendue dans les Bouches-du-Rhône me fera ses propositions et j'arrêterai ma décision au début de l'année 2000.
Je veux également faire remarquer que lorsqu'elle est décidée - mais, encore une fois, rien n'est fait - la fusion des
tribunaux de commerce permet à des magistrats du tribunal supprimé de siéger dans le tribunal de rattachement. En
outre, des audiences peuvent se tenir dans des villes autres que la ville du siège de la juridiction et, naturellement, rien
n'interdit de se poser la question de l'existence d'un greffe annexe.
Vous le voyez, ce type d'organisation en réseau peut aller dans le sens de la modernisation de l'institution judiciaire et,
partant, de l'intérêt du justiciable. Elle ne serait pas éloignée de la proposition faite par la chambre de commerce et
d'industrie des Bouches-du-Rhône, qui est elle-même organisée en réseau et que vous avez citée en exemple.
Dans l'esprit que je vous ai indiqué et compte tenu de ces différents paramètres, je prendrai ma décision au vu du
rapport que m'aura fait la mission pour la réforme de la carte judiciaire à partir de cette réunion du 11 octobre.
M. André Vallet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Madame le ministre, je ne suis pas, bien sûr, complètement satisfait de votre réponse, vous le
comprendrez, car vous n'avez pas abordé la particularité du tribunal de commerce de Salon-de-Provence, qui est le
trente-troisième de notre pays. Je vous ai indiqué l'importance qu'il représentait pour tout le bassin qui relève de sa
juridiction, et je vous avoue que notre population est très étonnée que l'on puisse envisager de supprimer l'un des plus
importants tribunaux de notre pays.
Je fais remarquer - j'en parlais tout à l'heure avec M. le maire d'Aix-en-Provence - que le tribunal de commerce de cette
ville n'a jamais demandé que Salon soit rattaché à cette juridiction. C'est important et je crois qu'il faut le souligner. On
ne comprendrait pas, madame la ministre, que le tribunal de commerce de Salon-de-Provence soit supprimé et que
celui d'Elbeuf par exemple, cent quatre-vingt-neuvième tribunal de commerce de notre pays, soit maintenu puisque cela
a été annoncé. Il est vrai qu'il est représenté par une personnalité éminente, mais j'ose penser que ce n'est pas ce qui
guidera vos choix.
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