Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 20/10/1999
Mme Nicole Borvo appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat au logement sur les chiffres du recensement 1999 publiés par l'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) et qui indiquent qu'en neuf ans le nombre de logements vacants dans la capitale est passé de 117 561 à 137 570, ce qui représente aujourd'hui plus de 10 % du parc des logements existants à Paris. Dans le même temps, 36 000 Parisiens ont quitté la capitale et le nombre de familles en attente d'un logement social ou vivant dans des logements insalubres n'a cessé d'augmenter. De plus, malgré le cri d'alarme lancé, le 28 avril dernier, par le collectif Solidarité Paris, qui regroupe une dizaine d'associations caritatives, il manquerait toujours au minimum 300 places pour accueillir, cet hiver, les sans-abri dans les centres d'accueil d'urgence de la capitale. Les chiffres publiés par l'INSEE ne peuvent que conforter l'exigence de voir les pouvoirs publics utiliser l'ensemble des possibilités offertes par loi nº 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions de juillet 1998. Celle-ci offre, en effet, de nouveaux moyens d'intervention, notamment la procédure de réquisition des logements vacants (art. 52). De plus, l'article 51 prévoit de taxer les logements vacants sous deux conditions : la commune doit appartenir à une zone urbaine de plus de 200 000 habitants et il faut qu'il y ait un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements sociaux. Il semblerait que Paris fasse partie des communes où cette taxe est instituée. Celle-ci s'applique, depuis le 1er janvier 1999, pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives. Les logements vacants détenus par les organismes d'habitation à loyer modéré et les sociétés d'économies mixtes en sont exclus. Ainsi l'Etat a mis en place les outils nouveaux et cohérents pour lutter contre les exclusions. Comme l'ont fait récemment remarquer un grand nombre d'associations de lutte contre les exclusions, il est nécessaire et urgent de leur donner l'impulsion politique à la hauteur des problèmes posés. Pour toutes ces raisons, elle lui demande, premièrement, de lui faire connaître le nombre de logements à Paris, arrondissement par arrondissement, concernés par cette taxe prévue par l'article 52 de la loi relative à la lutte contre les exclusions ainsi que le nombre d'appartements vacants appartenant à l'OPAC (Office public d'aménagement et de construction) et à d'autres bailleurs sociaux et, deuxièmement, de prendre les mesures pour mettre en oeuvre d'urgence un plan de réquisition pour les logements inoccupés appartenant à des grands propriétaires, qui pourraient servir à loger des familles actuellement en attente d'un logement social ou en grande difficulté.
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Réponse du ministère : Logement publiée le 10/11/1999
Réponse apportée en séance publique le 09/11/1999
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux vous interroger sur les mesures exceptionnelles qu'il y a lieu
de prendre à Paris concernant le logement.
Le nombre de personnes sans domicile fixe dans mon département est évalué à 10 000 et 100 000 Parisiens se
trouvent dans une situation de précarité ; 36 000 personnes ont quitté la capitale et le nombre de familles en attente
d'un logement social ou vivant dans des logements insalubres ne cesse d'augmenter. Avec tout cela on pourrait faire
des villes !
Le recensement de 1999 indique qu'en neuf ans le nombre de logements vacants dans la capitale est passé de 117 561
à 137 570, ce qui représente aujourd'hui plus de 10 % du parc des logements existant à Paris.
Le rapprochement de ces deux données est, je crois, éloquent.
Les chiffres publiés par l'INSEE ne peuvent donc que conforter l'exigence de voir les pouvoirs publics utiliser l'ensemble
des possibilités offertes par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de juillet 1998. Cette dernière
offre, en effet, de nouveaux moyens d'intervention, notamment la procédure de réquisition-attribution des logements
vacants prévue à l'article L. 642-1 du code de la construction et de l'habitation.
De plus, elle prévoit de taxer les logements vacants sous deux conditions : la commune doit appartenir à une zone
urbaine de plus de 200 000 habitants et un déséquilibre marqué doit exister entre l'offre et la demande de logements
sociaux. Paris semble correspondre à cette définition. La loi s'applique depuis le 1er janvier 1999 pour chaque logement
vacant depuis au moins deux années consécutives. Toutefois, comme l'ont fait remarquer un grand nombre
d'associations de lutte contre l'exclusion, les textes ne suffisent pas et il est nécessaire et urgent de donner l'impulsion
politique correspondant à l'ampleur des problèmes posés.
Dans ce cadre, j'apprécie bien sûr positivement le fait que le Gouvernement ait annoncé la création de 10 000
logements sur cinq ans pour accueillir prioritairement ceux qui sont logés dans les hôtels meublés vétustes et
insalubres. Cela devrait donner une impulsion nouvelle et tranche avec l'immobilisme de la Ville de Paris qui, jusqu'ici,
se contentait de reconduire les mêmes mesures alors que les besoins sont croissants. Par ailleurs, nous continuons à
penser qu'il serait juste que, pour toutes les expulsions liées à un problème social, un moratoire s'applique. Nous
l'avons défendu lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions et continuons à penser qu'il est
nécessaire.
Je ne pense pas que l'on puisse en rester là. La mise en oeuvre d'un plan de réquisition pour les logements inoccupés
appartenant à de grands propriétaires institutionnels, qui pourraient servir à loger des familles actuellement en attente
d'un logement social et en grande difficulté, paraît nécessaire.
Monsieur le ministre, connaissez-vous le nombre de logements concernés par la taxation des logements vacants à
Paris, en particulier arrondissement par arrondissement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Madame la sénatrice, votre question comporte plusieurs aspects
relatifs à l'hébergement et au logement des personnes démunies à Paris.
S'agissant de l'hébergement, je souhaite vous confirmer que les capacités de l'hiver dernier ont été reconstituées. Pour
l'Ile-de-France, près de 5 500 places sont ouvertes ou prêtes à ouvrir, dont 3 000 à Paris, et 500 places peuvent être
mobilisées du jour au lendemain si nécessaire, notamment en cas de grand froid, dont 350, voire un peu plus s'il le faut,
à Paris.
A cet égard, je voudrais vous indiquer que dans la quasi-totalité des villes de France, ce sont plutôt les collectivités qui
se mobilisent pour dégager les moyens de l'hébergement. Elles ont beaucoup plus de facilités pour le faire que l'Etat,
qui n'a pas l'exercice du droit de préemption urbain et qui ne peut pas suivre à leur place l'évolution du marché foncier et
immobilier. A Paris, on se tourne effectivement beaucoup vers l'Etat. Il a fait ce qu'il pouvait. Les deux acteurs doivent
au moins être mobilisés simultanément.
Le Gouvernement agit aussi à plus long terme, pour renforcer le dispositif d'hébergement, le pérenniser, l'humaniser et
l'adapter aux besoins nouveaux.
C'est le sens du plan de création, sur cinq ans, de 10 000 logements en résidences sociales en Ile-de-France, que j'ai
rendu public jeudi 28 octobre dernier. Ce plan devrait bien sûr accroître les possibilités de sortie de ce dispositif vers de
véritables solutions de logement.
Votre question porte aussi sur l'utilisation des outils créés par la loi relative à la lutte contre les exclusions pour
mobiliser les logements vacants.
Il faut tout d'abord rappeler que les logements vacants, recensés à un moment donné par l'INSEE, le sont pour des
raisons diverses et, par voie de conséquence, depuis des durées variables. Une simple accélération du nombre des
transactions immobilières et de la mobilité résidentielle accroît automatiquement le nombre de logements vides pendant
l'espace qui sépare deux occupations.
Ce point mérite d'être précisé, car la vacance visée par les nouveaux dispositifs de la loi relative à la lutte contre les
exclusions est la vacance de longue durée : deux ans pour l'application de la taxe sur les logements vacants et dix-huit
mois pour les réquisitions.
Le nombre de logements concernés en 1999 par la taxe sur les logements vacants n'est pas encore connu. En effet,
les services fiscaux viennent tout juste d'envoyer aux propriétaires concernés les avis d'imposition.
Pour Paris, ce nombre d'avis est de l'ordre de 30 000, sans qu'il soit à ce jour possible de disposer de données
détaillées par arrondissement. Mais la loi donne aux propriétaires la faculté d'apporter la preuve que la vacance du
logement n'est pas de leur fait, puisque la taxe vise à pénaliser les comportements de vacance volontaire et durable de
logements. Les services fiscaux devront alors se prononcer sur l'application ou non de la taxe aux logements
concernés, dont le nombre précis ne sera connu que dans quelques mois, après que les propriétaires auront pu,
éventuellement, faire valoir leurs arguments.
Enfin, en ce qui concerne le parc locatif HLM, le taux de vacance recensé par les bailleurs sociaux à Paris est de 2,9
%, c'est-à-dire un peu moins que la moyenne régionale ou nationale qui est de 3 %. Une part très majoritaire de ces
logements sont vacants depuis moins de trois mois. Dans la plupart des cas, il s'agit donc d'une vacance entre deux
occupations.
En ce qui concerne les réquisitions, M. Jean-Claude Gayssot et moi-même sommes actuellement dans une phase
importante de consolidation des réquisitions existantes, antérieures à 1997. Nous faisons tout ce que nous pouvons
pour qu'elles soient transformées en logements sociaux définitifs. Il serait en effet peu concevable de produire de
nouveau de la précarité pour les personnes qui ont bénéficié de cette procédure. On perçoit bien là les limites des
réquisitions : elles ne peuvent pas constituer une solution pérenne.
La nouvelle procédure prévue par la loi relative à la lutte contre les exclusions est applicable puisque les textes
d'application nécessaire sont parus. Lorsque des logements correspondant aux critères de la loi nous seront signalés,
nous déciderons la mise en application de la nouvelle procédure, en respectant les modalités prévues. Mais je dois
vous dire que, jusqu'à ce jour, même des associations qui militent très activement pour des réquisitions, et auxquelles
nous avons dit que nous étions disponibles pour en réaliser, n'ont pas su nous indiquer de propriétés institutionnelles
remplissant les conditions de la loi. Nous lançons donc un appel à tous ; notre disponibilité est entière.
En conclusion, consolidation de l'hébergement, plan de construction de résidences sociales, mobilisation des
logements vacants, le Gouvernement agit sur ces trois plans, en complément de son action, que vous connaissez, pour
la relance du logement social. Dans le cadre de l'élaboration du projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'habitat et aux
déplacements, M. Jean-Claude Gayssot et moi-même proposerons des mesures nouvelles pour la résorption de
l'habitat insalubre. Nous nous doterons ainsi d'outils permettant de mieux traiter les problèmes que vous avez exposés
au début de votre question.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Je remercie aussi M. le ministre
de l'équipement, des transports et du logement, qui est présent au banc du Gouvernement.
Si j'ai posé cette question, c'est parce que, selon moi, la politique de la ville n'est pas satisfaisante et que le
Gouvernement a des responsabilités, la question du logement étant un facteur très important d'exclusion.
L'année dernière, nous avons voté le projet de loi relatif à la loi de lutte contre les exclusions, qui, dans l'esprit - il serait
souhaitable que ce soit aussi dans la lettre - a pour objet de s'attaquer résolument aux phénomènes cumulatifs
d'exclusion. Il s'agit d'assurer un minimum de droits fondamentaux à nos concitoyens.
Dans la capitale, nous sommes évidemment aux premières loges pour constater chaque jour le phénomène
d'exclusion. Les mesures doivent effectivement être coordonnées pour mieux s'attaquer à ce problème.
Les associations, auxquelles je transmettrai votre réponse, rencontrent en effet quelques difficultés pour procéder
elles-mêmes à une évaluation de la vacance des logements. On évalue à quelque 115 000 le nombre de logements
inoccupés, d'immeubles et de bureaux vides à Paris. Certes tous n'entrent pas dans le champ d'application de loi, mais
il y a tout de même de quoi faire.
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