Question de M. RAFFARIN Jean-Pierre (Vienne - RI) publiée le 05/08/1999
M. Jean-Pierre Raffarin attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le projet d'un " espace universitaire ". Réunis le samedi 19 juin à Bologne, les ministres de vingt-quatre pays européens ont signé une nouvelle déclaration commune dans laquelle ils promettent de s'engager à la construction d'un " espace universitaire européen ". Quelles sont les réformes pour la France qu'implique la signature par notre pays de ce " manifeste " ? Où en est le projet de création d'un " mastaire ", diplôme professionnalisé à Bac p 5, qui regrouperait des diplômes déjà existants (le DESS notamment), qui semble s'inscrire dans la ligne de la déclaration de Bologne ?
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Réponse du ministère : Éducation publiée le 28/10/1999
Réponse. - Dès l'été 1997, le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie a souhaité que des réflexions et des débats s'engagent sur les voies et moyens d'adapter l'enseignement supérieur français aux enjeux européens et internationaux. C'est ainsi qu'une mission a été confiée à Jacques Attali dont les réflexions ont permis de préparer les initiatives françaises à prendre au niveau européen. Le 25 mai 1998, à l'occasion du 800e anniversaire de l'Université de Paris, les quatre ministres en charge de l'enseignement supérieur en Allemagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni ont, en Sorbonne, signé une déclaration commune par laquelle ils s'engageaient dans un effort commun de création d'un espace européen de l'enseignement supérieur et appelaient les autres Etats membres de l'Union européenne et les autres pays de l'Europe à les rejoindre dans cet objectif. Depuis un an, un large débat s'est développé en France et en Europe associant les universités et les autres institutions d'enseignement supérieur mais aussi les représentants des grands intérêts économiques, sociaux et culturels. Ce débat a confirmé l'importance des enjeux pour l'Europe tout entière, pour sa place et son rayonnement dans le monde. Dans la dernière période, il a été marqué : au niveau européen, par la conférence intergouvernementale de Bologne ; en France, par un plan d'action comportant de premières mesures significatives. A. - De la Sorbonne à Bologne : l'effet mobilisateur de la déclaration de la Sorbonne a été pleinement confirmé. Après les quatre Etats initiateurs, six autres Etats (Belgique, Bulgarie, Danemark, République tchèque, Roumanie, Suisse) se sont engagés et ont signé la déclaration. Le 19 juin 1999, la conférence intergouvernementale de Bologne a rassemblé vingt-neuf Etats : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l'Estonie, l'Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Islande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Suisse, soit l'ensemble des quinze pays de l'Union européenne auquel se sont joints quatorze autres pays. Les ministres en charge de l'enseignement supérieur de ces vingt-neuf Etats ont adopté une nouvelle déclaration commune donnant ainsi à l'initiative des quatre premiers Etats réunis à la Sorbonne une dimension globale embrassant l'ensemble du continent. A Bologne, les objectifs suivants ont été réaffirmés et amplifiés : l'Europe du savoir doit donner une dimension intellectuelle, culturelle, sociale et technologique à la construction de l'Europe. Dans cette perspective, les universités et les autres institutions d'enseignement supérieur doivent jouer un rôle central ; l'enseignement supérieur européen doit former des hommes et des femmes capables de relever les défis du 3e millénaire en s'appuyant sur des valeurs partagées et sur l'appartenance à un espace culturel et social commun ; la libre circulation des étudiants et des enseignants doit devenir une réalité et l'Europe doit retrouver l'attractivité et la compétitivité qui furent les siennes dans le passé ; face à l'évolution des savoirs et des techniques, d'une part, de l'emploi, d'autre part, l'enseignement supérieur doit offrir une large palette de formations professionnalisées, s'ouvrir largement à la formation continue, à l'éducation et la formation tout au long de la vie. Afin d'atteindre ces objectifs et de surmonter les obstacles existants, des mesures de portée générale ont été adoptées : 1. Une architecture commune de référence pour les formations et les diplômes est retenue, sur la base de cursus et de degrés internationalement lisibles et comparables. C'est ce qui a été appelé communément le " 3-5-8 " ou " l'harmonisation européenne ". En réalité, il ne s'agit nullement d'uniformiser les contenus et les durées des dispositifs de formation mais, dans le respect des identités de chacun, d'améliorer la lisibilité des diplômes, de faciliter la mobilité et de favoriser l'insertion dans l'emploi. C'est l'espace européen tout entier qui doit être en harmonie, comme dans un orchestre où chacun joue sa partition avec son génie propre mais où l'ensemble forme un tout cohérent et structuré. 2. L'architecture commune est fondée essentiellement sur deux cursus, avant et après la licence. Le premier cursus, d'une durée moyenne de trois ans, comprend également des formations et des diplômes à vocation professionnelle, adaptés au marché de l'emploi. Le second cursus conduira au mastère et au doctorat comme dans beaucoup de pays européens. 3. L'organisation des enseignements en " crédits " et en semestres sera progressivement généralisée pour faciliter la mobilité et la validation des acquis. 4. Les principaux obstacles à la mobilité seront supprimés : pour les étudiants, accès aux formations et aux services qui leur sont liés ; pour les enseignants, possibilités normales d'exercice, pour des périodes déterminées, dans les autres pays sans préjudices pour leurs droits statutaires. 5. Un effort particulier sera fait pour introduire la dimension européenne dans les formations, pour multiplier les coopérations et les programmes intégrés, pour améliorer l'évaluation de la qualité de l'enseignement supérieur, confronter les expériences et les méthodologies et favoriser l'innovation. La construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur doit respecter l'autonomie des universités. C'est pourquoi un appel a été lancé à Bologne aux universités européennes et aux autres institutions d'enseignement supérieur pour que le relais soit pris par les acteurs eux-mêmes et que les initiatives se multiplient. La coopération intergouvernementale sera poursuivie et approfondie. Une prochaine conférence sera réunie à Prague dans un délai de deux ans pour évaluer les progrès accomplis et définir les prochaines étapes. L'Union européenne, notamment par les programmes communautaires Socrate et Erasmus a fortement contribué à la mobilité des jeunes en Europe et a jeté ainsi les bases de l'Europe du savoir. La présidence que la France exercera au second trimestre de l'an 2000 sera l'occasion privilégiée de donner à l'enseignement supérieur européen une impulsion nouvelle, et de proposer l'adoption d'un plan pour faire disparaître les obstacles techniques qui entravent la mobilité des étudiants, des professeurs et des chercheurs. B. - Le plan d'action français : dans ce contexte, la France doit jouer un rôle moteur pour valoriser ce qui fait la force, les valeurs et l'originalité de son système d'enseignement supérieur. C'est pourquoi, depuis un an, une concertation approfondie a été menée, tant avec les établissements d'enseignement supérieur et leurs conférences représentatives qu'avec les partenaires économiques et sociaux. Des notes d'orientation ont été largement diffusées et de nombreuses contributions des divers acteurs ont été recueillies. Plusieurs débats ont eu lieu au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette concertation a permis de finaliser un plan d'action, destiné à marquer la volonté de notre pays de rester aux premiers rangs de l'initiative commune. Ce plan d'action contribuera à mettre en place l'architecture commune définie à la Sorbonne et à Bologne en " surlignant " les niveaux retenus pour les deux cursus et en facilitant le développement des passerelles entre les diverses filières de formation et les diverses catégories d'établissements. 1. La lisibilité souhaitée par les ministres européens sera, en France, obtenue en recourant à la notion de grade. Le grade est juridiquement un concept générique signifiant un niveau d'études et de formation, indépendamment des diverses spécialités et structures de formation. Le grade est conféré par l'obtention d'un diplôme dont l'intitulé précise la spécialité. Ainsi le diplôme de licence en droit confère-t-il le grade de licence. L'Etat a, de par la loi, le monopole de la collation des grades et titres universitaires. Il est habilité à les définir par décret et à préciser les conditions de leur obtention. Tous les diplômes ne confèrent pas un grade. Ces grades sont à l'heure actuelle au nombre de trois : le baccalauréat (bac p 0), la licence (bac p 3) et le doctorat (bac p 8). L'architecture des grades est ainsi bien adaptée au projet européen dès lors qu'il sera créé un grade nouveau à bac p 5. 2. Un grade nouveau - le mastère - est créé à bac p 5 pour rendre mondialement lisible le cursus français post-licence. Le décret nº 99-747 du 30 août 1999 publié au Journal officiel le 2 septembre dernier crée le grade de mastère entre la licence et le doctorat. Le grade de mastère est conféré à tout titulaire d'un diplôme faisant l'objet à bac p 5 d'une habilitation par l'Etat (DESS, titre d'ingénieur diplômé, DEA) ou de titres ou diplômes de niveau analogue figurant sur une liste fixée par arrêté. Aucun diplôme existant n'est supprimé ; de nouvelles formations et de nouveaux diplômes pourront être créés pour répondre à des besoins particuliers. Le grade de mastère est conféré, y compris lorsque les diplômes précités ont été obtenus par validation d'études, d'acquis professionnels ou personnels et de périodes d'études ou de stages dans un pays européen. Ce texte avait reçu un accueil favorable au CNESER auquel il a été soumis le 21 juin dernier, en même temps qu'a été présenté devant cette instance le résultat de la conférence de Bologne. La création du grade de mastère concerne l'ensemble de l'enseignement supérieur français - universités et écoles - quel que soit le ministère de tutelle des établissements ou formations. Pour la première fois, une même référence est offerte aux universités et aux grandes écoles ce qui, tout en préservant l'identité de chacune des composantes du système français d'enseignement supérieur, en offre une meilleure lisibilité, favorise le développement des coopérations entre universités et écoles, ouvre de nouvelles perspectives de mobilité et d'insertion aux étudiants français et accroît pour les étudiants étrangers l'attrativité de nos établissements, de nos formations et de nos diplômes. 3. Une licence professionnelle sera créée. Ce nouveau diplôme permettra de compléter la palette des diplômes à bac p 3 et d'atteindre les objectifs fixés au cursus prélicence. La licence professionnelle est conçue pour faciliter l'insertion dans la vie active des étudiants issus de formations générales (DEUG) ou de formations technologiques courtes (BTS, DUT...). Définie en liaison étroite avec les milieux professionnels, la nouvelle licence visera, en formation initiale et en formation continue, des emplois intermédiaires entre techniciens supérieurs et ingénieurs ou cadres supérieurs. Elle ne remet pas en cause la possibilité de sorties positives après un BTS ou un DUT. Un groupe de travail, rassemblant les diverses parties prenantes, a pour mission de préciser les caractéristiques de cette nouvelle licence. Le texte réglementaire nécessaire sera soumis à l'automne au CNESER. Les premières formations seront ouvertes à la rentrée 2000. La licence professionnelle permettra à son titulaire d'obtenir le grade de licence. 4. Des mesures complémentaires : ce plan d'action structurant sera complété par des initiatives nationales pour un développement de l'apprentissage des langues vivantes étrangères, par des mesures spécifiques d'aide à la mobilité pour les étudiants issus des milieux modestes et par une politique incitative visant à multiplier les coopérations transnationales entre les établissements. Ainsi, au niveau européen dans son ensemble, et en France tout particulièrement, un profond mouvement est-il engagé dans l'enseignement supérieur. Il est porté par une grande ambition : retrouver ce qui fit hier la grandeur de l'université européenne pour répondre aux nouveaux enjeux. Réussir la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur est décisif pour les étudiants, les enseignants, les établissements d'enseignement supérieur et, au-delà, pour la compétitivité de l'économie, pour sa capacité d'innovation, pour la défense de la culture européenne, pour la place de la France dans l'Europe et celle de l'Europe dans le monde. Ces orientations ont fait l'objet d'une communication du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie en conseil des ministres le 7 juillet 1999.
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