Question de M. de RICHEMONT Henri (Charente - RPR) publiée le 01/07/1999
M. Henri de Richemont attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la difficile cohabitation des canoë-kayaks et des propriétaires de berges ou de digues de moulins. Le développement de la pratique du canoë-kayak sur les rivières est tout à fait légitime car il s'agit d'un sport agréable et pratiquement sans danger qui s'excerce dans des décors le plus souvent très beaux. Mais comme il se pratique l'été, en période de basses eaux, il n'est pas pour autant sans dommage pour les berges et pour les digues ou barrages qui barrent le cours de ces rivières. Les promeneurs y accostent volontiers, y font parfois du feu, et pour continuer le fil du courant, portent leur embarcation par dessus ces digues qui à la longue perdent pierre après pierre. Or, il se trouve que les propriétaires de ces ouvrages ont la responsabilité financière de les maintenir en état et supportent de moins en moins une circulation de plusieurs dizaines de personnes chaque jour, qui chacune à son tour - et bien involontairement mais sans pouvoir l'éviter - détruisent petit à petit la digue de leur moulin. Il souhaiterait savoir s'il existe une réglementation claire sur le sujet, ou s'il entre dans les intentions du Gouvernement de la créer.
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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 16/09/1999
Réponse. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant le problème général des conséquences de l'ouverture au public d'espaces privés, s'agissant en l'occurrence des dommages susceptibles d'être causés à l'occasion de la pratique du canoë-kayak ou des autres catégories d'engins de loisirs non motorisés aux berges de cours d'eau en particulier non domaniaux ainsi qu'aux digues et barrages - le plus souvent anciens donc fragiles - qui en barrent le cours. En effet, l'article 6 de la loi nº 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau subordonne, en l'absence de schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), la libre circulation des engins de loisirs non motorisés sur les cours d'eau - y compris non domaniaux puisqu'en l'occurrence la disposition est générale - au respect des lois et règlements de police et des droits des riverains. Toutefois, cette disposition de la loi manifeste une claire volonté du législateur (JO, Débats Sénat du 6 décembre 1991, pages 7369 à 7372) d'accorder aux pratiquants des sports nautiques considérés une liberté de circulation dans le cadre ainsi défini, cela d'autant que la loi précise en outre dans son article 2 que " l'usage de l'eau appartient à tous ", fût-ce là encore " dans le cadre des lois et réglements ainsi que des droits antérieurement établis ". Une jurisprudence postérieure à la loi (cour d'appel de Riom, 4 juin 1992, arrêt nº 317) prend acte de cet important changement dès lors qu'antérieurement à la loi de 1992 le juge reconnaissait aux propriétaires riverains le droit de s'opposer, sous réserve de droits acquis, à la circulation en bateau sur les cours d'eau non domaniaux. A cet égard, si la Cour d'appel de Riom rappelle que les propriétaires riverains ne peuvent faire obstacle à la libre circulation sur le cours d'eau qui " implique, en cas de nécessité, de pouvoir prendre pied ponctuellement et de manière instantanée sur le lit ou sur les berges de la rivière ", elle n'en énonce pas moins les limites en précisant qu'" un piétinement continu du lit, un embarquement ou débarquement sur les berges sont de nature à constituer un trouble manifestement illicite en portant atteinte au droit de propriété des riverains ". Par ailleurs, modifiant l'article 6 de la loi du 3 janvier 1992, la loi nº 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement (article 27) est venue supprimer la présomption de responsabilité qui pesait au titre de l'article 1384 du code civil sur le propriétaire riverain ou le propriétaire d'ouvrage, en cas de dommage survenant à un tiers, sauf acte fautif du propriétaire. Corrélativement, rien ne s'oppose à ce qu'un propriétaire riverain dont l'ouvrage aurait été dégradé par des pratiquants de sports nautiques puisse mettre en jeu leur responsabilité civile et demander réparation des dommages subis, sous réserve toutefois de l'établissement d'un lien de causalité entre leur passage et le dommage constaté. Ces dernières années, dans les zones connaissant une fréquentation importante, les préfets ont été très souvent amenés à édicter des réglementations, comme la loi les y autorise, en vue de concilier les intérêts des différentes catégories d'utilisateurs des cours d'eau. L'action ainsi entreprise localement par le biais de la police administrative contribue à limiter les inconvénients énumérés ici, mais il n'est pas prévu de modifier les règles du code civil à cet égard.
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