Question de M. ESNEU Michel (Ille-et-Vilaine - RPR) publiée le 24/06/1999
M. Michel Esneu attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme de la carte judiciaire. Après avoir appris, par la presse, que cette réforme entraînerait la disparition de 109 tribunaux de commerce sur les 227 actuellement en activité, nous découvrons aujourd'hui que certains tribunaux de taille moyenne tels que Saint-Malo, Autun, Senlis et Calais sont menacés de disparition en dépit de toute cohérence économique ou administrative et au mépris de l'intérêt des impératifs de l'aménagement du territoire et de ceux des justiciables et du service public de la justice. De surcroît, les décisions relatives à la réforme de la carte judiciaire seront prises par décret en Conseil d'Etat, procédure permettant de contourner les oppositions parlementaires. Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNG) avait pourtant proposé à la chancellerie un projet de réforme de la carte judiciaire cohérent qui, tout en permettant de réduire le nombre de tribunaux de commerce à 185, recueillait l'adhésion de tous. Mais, la concertation avec les professionnels a été inexistante. Ainsi, après la disparition programmée des agences de la Banque de France, des sites militaires, des gendarmeries, des maternités, des hôpitaux et des bureaux de poste, une centaine de villes de " petite importance " vont être confrontées à la fermeture de leur tribunal de commerce et de son greffe et au déclin de l'activité commerciale générée par sa présence. L'allongement de la distance entre l'usager et le tribunal de commerce dont il dépend serait-il inversement proportionnel à la qualité du service dispensé ? Voilà qui révolutionnerait l'adéquation entre qualité et proximité du service dispensé ? Voilà qui révolutionnerait l'adéquation entre qualité et proximité des services publics. Il lui demande comment le Gouvernement envisage de compenser l'impact économique et social de la disparition d'un tribunal de commerce sur les petites villes comme, par exemple, Pézenas, Castelnaudary, Saumur, Menton, Provins, Saint-Valery-sur-Somme ou Joigny. Comment expliquera-t-il aux populations locales les critères qui ont déterminé ses choix ? Comment permettra-t-il que, faute de prendre en compte l'intérêt des zones rurales françaises, la logique nationale puisse, à nouveau, générer l'hémorragie des emplois et un accroissement des déséquilibres économiques en zone rurale ? Il lui demande, aussi, de revenir sur le fait que ces décisions soient prises par le Conseil d'Etat à l'abri des oppositions parlementaires.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 30/09/1999
Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le programme de réforme de la justice commerciale et de l'environnement juridique de l'entreprise, qu'elle a annoncé conjointement avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le 14 octobre dernier, concerne à la fois l'organisation, le fonctionnement et l'implantation territoriale de la justice consulaire. Sur ce dernier point, le souci de concilier la logique fonctionnelle et l'efficacité de la justice avec l'aménagement du territoire a conduit madame le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une part à nommer un délégué à la réforme de la carte judiciaire, auprès du directeur des services judiciaires, d'autre part à lui demander de pratiquer une concertation approfondie sur le terrain avant toute proposition de réforme. Cette concertation aura lieu dans le ressort de la cour d'appel de Rennes en septembre 1999 et se poursuivra dans le ressort d'autres cours d'appel afin que les décisions concernant l'ensemble des tribunaux de commerce soient prises avant la fin de l'année 1999. A ce jour seule la suppression de 36 tribunaux de commerce a été décidée, dont 34 dans les six cours d'appel qui en comptaient le plus grand nombre, c'est-à-dire celles de Caen, Dijon, Montpellier, Poitiers, Riom et Rouen. Dans toutes les cours d'appel concernées par les premières révisions, une concertation préalable a eu lieu, dans chaque département, avec les magistrats, les juges consulaires, les greffiers des tribunaux de commerce, les représentants des professions judiciaires et les élus politiques, maires, conseillers généraux et, bien entendu, parlementaires. Le dialogue avec les greffiers des tribunaux de commerce s'est donc déroulé au plan local, en présence des intéressés et des délégués régionaux du conseil national des greffiers, mais aussi au plan national, à l'occasion des réunions quasi mensuelles avec cette organisation. Enfin, les chiffres avancés quant au nombre de juridictions à supprimer sont sans fondement. Le pragmatisme de la démarche entreprise a justement consisté à ne pas s'assigner d'objectifs quantitatifs ni même à fixer de normes d'activité qui déboucheraient sur des décisions contraintes. C'est ainsi qu'il s'est avéré possible de maintenir quelques juridictions fragiles, en les consolidant par l'adjonction de petites juridictions voisines et en évitant la concentration systématique aux chefs-lieux de départements, ce qui serait en effet contraire à un souci d'aménagement du territoire totalement pris en compte par le ministère de la justice. Enfin, il convient de rappeler qu'en application de l'article 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, la procédure de création ou de suppression de juridictions relève du pouvoir réglementaire. Le recours à un décret en Conseil d'Etat ne vise donc pas à éviter un débat parlementaire qui, en tout état de cause, aura lieu sur l'organisation de la justice commerciale.
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