Question de M. BALARELLO José (Alpes-Maritimes - RI) publiée le 17/06/1999
Suite à l'attentat de Lockerbie, en Ecosse, contre le Boeing de la Pan Am, la Libye a accepté d'extrader les deux coupables présumés qui seront jugés aux Pays-Bas par des juges écossais. En ce qui concerne l'attentat contre le DC 10 d'UTA au-dessus du désert du Ténéré, il n'y a eu aucune extradition mais un jugement par contumace. M. José Balarello souhaiterait savoir, en premier lieu, si cela résulte du fait que, la France n'extradant pas ses nationaux, elle n'a pu demander à la Libye la réciprocité, ou bien s'il s'agit d'un moyen utilisé par ce pays pour retarder la procédure ; en second lieu, par qui les victimes vont être indemnisées et si le gouvernement lybien a pris des engagements dans ce sens. Par ailleurs, il demande à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, quelles mesures législatives pourraient être envisagées permettant de lutter plus efficacement contre le terrorisme international afin que les coupables de ces crimes ne restent pas impunis. N'est-il pas opportun que la France reconnaisse, à nouveau, comme obligatoires les décisions de la Cour internationale de justice de La Haye, ce qu'elle ne semble plus faire depuis le 10 janvier 1974, suite aux plaintes australiennes et néo-zélandaises après les essais nucléaires français ?
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Réponse du ministère : Justice publiée le 11/11/1999
Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice fait connaître à l'honorable parlementaire que sa question a retenu toute son attention. Si la Libye ne procède pas, conformément à sa législation, à l'extradition de ses nationaux, les six ressortissants de ce pays, accusés de s'être rendus complices, le 19 septembre 1989, de la destruction volontaire par explosifs d'un avion DC 10 de la compagnie UTA survolant le désert du Ténéré (République du Niger), ont été condamnés par contumace, le 19 mars 1999, par la cour d'assises de Paris, à la peine de réclusion criminelle à perpétuité. Ces condamnations ont été par la suite rapidement diffusées aux fins de recherche et d'arrestation provisoire des six intéressés ; d'une part, pour les pays de l'espace Schengen, via le système d'information Schengen (Sirène France) et, d'autre part, via le dispositif Interpol pour les 170 pays affiliés. Par ailleurs, les autorités françaises ne manquent pas de demander aux autorités libyennes comment elles entendent traduire les décisions pénales et civiles des autorités judiciaires françaises, dans le souci constant que les coupables soient sanctionnés et que l'ensemble des obligations à l'égard des victimes soient acquittées. L'indemnisation intégrale de l'ensemble des victimes et de leurs ayants droit, pour laquelle l'Etat lybien a affectué des versements correspondant au montant des dommages-intérêts fixés par l'arrêt civil de la cour d'assises, est actuellement en cours. Sur un plan plus général, il convient de rappeler que la France s'est dotée progressivement d'une législation pénale anti-terroriste spécifique et complète, sur le fondement de laquelle elle poursuit avec constancee, au plan opérationnel, une politique très active de vigilance et de démantèlement systématique de toute structure à vocation terroriste implantée sur son territoire. Parallèlement aux évolutions successives du droit interne intervenues ces dernières années, le ministère de la justice veille particulièrement, eu égard à la dimension transnationale de plus en plus affirmée des réseaux terroristes, à poursuivre l'élaboration du dispositif juridique international existant en la matière et déjà couvert par onze conventions internationales relatives au terrorisme. A ce sujet, il convient notamment de rappeler que la France a été l'un des principaux artisans de l'élaboration de la nouvelle convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, votée par l'assemblée générale de l'ONU le 12 janvier 1998 et ouverte à la signature le même jour. De plus, elle se trouve aujourd'hui à l'origine d'un nouvel instrument international relatif au financement des activités terroristes, dont les négociations sont particulièrement avancées. De même, envisageant de parachever la ratification de l'ensemble des instruments internationaux précités auxquels il n'aurait pas encore pu souscrire, notre pays participe activement aux démarches internationales qui tendent, tant dans le cadre du G 8 que sous l'égide de l'ONU, à engager les pays non signataires à reconnaître et à ratifier l'ensemble de ces conventions internationales spécifiques. Enfin, s'agissant de la juridiction de la Cour internationale de justice, il y a lieu de rappeler que le principe reste celui d'une juridiction facultative. En effet, conformément à un principe fondamental de droit coutumier, le consentement des Etats est nécessaire à la saisine de la Cour. Il résulte des articles 16 et 20 de ces conventions que tout différend entre les Etats parties concernant l'interprétation ou l'application de ces textes internationaux peut être à l'origine d'une saisine de la Cour internationale de justice et d'un arrêt à caractère obligatoire et définitif. Si l'article 36, paragraphe 2 du statut de la Cour prévoit que les Etats peuvent, à tout moment, déclarer reconnaître comme obligatoire, la juridiction de la Cour, cette faculté ne peut être exercée qu'à l'égard d'un autre Etat acceptant la même obligation. La juridiction obligatoire de la Cour sur le fondement de l'article 36, paragraphe 2 n'est donc établie que si les deux Etats parties au litige sont liés par leur déclaration d'acceptation respective. Or, en l'état actuel, parmi les membres du Conseil de sécurité de l'ONU, seul le Royaume-Uni demeure lié par la déclaration d'acceptation de compétence obligatoire faite en application de cet article. Dès lors, une démarche identique de la France aurait une portée très limitée et ne présenterait plus le même intérêt que par le passé. Cependant, les clauses spécifiques peuvent être insérées dans des conventions internationales pour reconnaître la compétence obligatoire de la Cour internationale de justice et tel est précisément le cas de la convention contre la prise d'otages du 17 décembre 1979 ou de celle relative à la répression des attentats terroristes à l'explosif, en date du 12 janvier 1998.
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