Question de M. DÉRIOT Gérard (Allier - UC) publiée le 27/05/1999
M. Gérard Dériot attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les préoccupations des avocats à l'égard de l'interprétation faite par la jurisprudence des dispositions de l'article 138, alinéa 2-12º du code de procédure pénale. Au terme de ce texte, introduit par la loi nº 93-2 du 4 janvier 1993 : " Le juge d'instruction peut ordonner une interdiction provisoire d'exercice lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des activités professionnelles. " Cependant, " lorsque l'activité concernée est celle d'un avocat, le juge d'instruction doit saisir le Conseil de l'ordre qui statue comme il est dit à l'article 23 de la loi nº 71-1130 du 31 décembre 1971 ". En effet, la fonction d'avocat entraînant nécessairement des affrontements procéduraux avec le Parquet, donc l'accusation, justifie un minimum de protection en matière de suspension provisoire d'exercice. Pourtant, la Chambre criminelle de la Cour de cassation soutient que le juge d'instruction a la possibilité de prononcer une interdiction d'exercice d'un avocat sans que le Conseil de l'ordre ait statué. En conséquence, il lui demande quelles mesures elle compte prendre pour assurer cette garantie légitime.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 02/12/1999
Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, appelle l'attention de l'HOnorable parlementaire sur le fait que les dispositions pertinentes du code de procédure pénale, prises en leur intégralité, sont rédigées comme suit : " Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d'instruction si la personne mise en examen encourt une peine d'emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave. Le contrôle astreint la personne concernée à se soumettre selon, la décision du juge d'instruction, à une ou plusieurs obligations ci-après énumérées : 12º Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice de mandats électifs ou de responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise. Lorsque l'activité concernée est celle d'un avocat, le juge d'instruction doit saisir le conseil de l'ordre, qui statue comme il est dit à l'article 23 de la loi nº 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. " La chambre criminelle de la Cour de cassation considère, de manière constante, que la disposition précitée impose au magistrat instructeur, lorsqu'il interdit à un avocat l'exercice de sa profession, d'en informer le conseil de l'ordre (Cass. Crim., 30 juin 1993 ; Cass. Crim., 22 octobre 1997). Ainsi que vous le savez, il n'appartient pas au garde des sceaux de porter une quelconque appréciation sur les décisions prononcées en toute souveraineté par la haute juridiction. En revanche, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut assurer l'honorable parlementaire qu'il partage son souci de préserver les garanties nécessaires à l'exercice des droits de la défense. A cet égard, il peut être observé que ces arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation, tout en indiquant que la décision d'un juge d'instruction ne saurait être subordonnée à celle d'une instance disciplinaire professionnelle, ont entendu également rappeler que la loi nº 93-2 du 4 janvier 1993 avait reconnu le rôle prééminent dévolu au conseil de l'ordre en matière disciplinaire. En toute hypothèse, cette question fait actuellement l'objet d'un débat devant le Parlement, puisque l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, à l'occasion de l'examen en première lecture du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, un amendement réécrivant l'article 138 du code de procédure pénale afin de confier au seul conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction, le pouvoir d'interdire à un avocat placé sous contrôle judiciaire le droit d'exercer son activité. Cette disposition n'ayant pas été adoptée en termes conformes par les deux assemblées, elle devra être à nouveau débattue par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi en deuxième lecture, qui devrait intervenir au début de l'année prochaine. A cette occasion, comme elle l'a déjà indiqué au cours des débats, la ministre de la justice souhaite que puisse être retenue une solution qui permettra de concilier le respect de l'exercice des droits de la défense avec l'efficacité de la procédure pénale et le rôle des autorités judiciaires.
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