Question de M. CHARASSE Michel (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 13/05/1999
M. Michel Charasse signale à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, qu'au nombre des autorités publiques chargées d'assurer la sécurité générale, l'ordre et la tranquillité des citoyens figurent les maires qui sont, souvent, en première ligne. Or, dans le climat actuel de beaucoup de communes, il est fréquent que les maires soient l'objet, de la part de certains de leurs administrés, de menaces verbales, d'injures, voire de violences sur leur personne, leurs biens ou leurs proches. Cette attitude d'une partie de la population - et pas seulement des plus jeunes - conduit certains magistrats municipaux à déposer plainte pour " outrage " à la fois pour réagir à titre personnel mais aussi pour protéger et faire respecter leur fonction. Il s'agit la plupart du temps de simples plaintes, comme celles formulées parfois par des fonctionnaires ou agents publics, y compris les magistrats et, dans un très grand nombre de cas, ces plaintes ne sont même pas examinées par le parquet qui, pour des raisons inexpliquées ou trop explicables jugées méprisantes pour les maires, les classe purement et simplement sans suite. Dans la situation actuelle d'insécurité et de violences, qui réclame la plus grande fermeté, toutes les autorités publiques doivent être mobilisées et agir ensemble sous la protection des lois de la République dont l'application revient à l'autorité judiciaire. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître, pour les années 1996, 1997 et 1998 : 1º Combien de plaintes, avec ou sans constitution de partie civile, ont été déposées par des maires agissant ès qualité pour les motifs visés ci-dessus, en distinguant chacune des deux catégories de plaintes. 2º Combien de plaintes ont été classées sans suite par les parquets et combien de condamnation (par catégorie de plaintes) ont été prononcées et à quel niveau (amendes, avec ou sans sursis, emprisonnement avec ou sans sursis, rejet de la plainte, TIG >travail d'intérêt général>, etc.). 3º Quelles mesures elle compte prendre pour inviter les parquets à instruire désormais toutes les plaintes de l'espèce qui leur sont adressées ès qualité par des maires, en insistant sur le fait que faute d'y donner suite et de requérir avec sévérité, beaucoup de magistrats municipaux, qui sont volontaires et bénévoles, renonceront à solliciter le renouvellement de leur mandat tandis que beaucoup de citoyens préféreront ne pas briguer la fonction municipale si celle-ci est aussi peu considérée et protégée par ceux qui sont les " gardiens de la liberté individuelle " à laquelle les maires ont droit comme tous les citoyens.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 16/03/2000
Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, porte à la connaissance de l'honorable parlementaire, d'une part, que les statistiques dont dispose la chancellerie relatives aux plaintes, simples ou avec constitution de partie civile, et aux classements sans suite ne distinguent pas selon les infractions alléguées et, d'autre part, que le casier judiciaire national n'enregistre des condamnations qu'en fonction de la nature des infractions sanctionnées. Il en va ainsi en matière de violences, d'outrages et de menaces, pour lesquels le casier judiciaire retient, relativement à la qualité de la victime, la circonstance aggravante de " personne dépositaire de l'autorité publique ", sans pouvoir isoler les fonctions spécifiques de maire. Cette circonstance aggravante désigne aussi bien les préfets, les fonctionnaires de police que les militaires de la gendarmerie, par exemple. A ces réserves près et à titre d'information, le nombre de condamnations prononcées en 1996, 1997 et 1998 et restant inscrites à ce jour au casier judiciaire est le suivant : s'agissant du délit de menace de commettre un crime ou un délit contre une personne dépositaire de l'autorité publique, prévu et réprimé à l'article 433-3, alinéa 1er du code pénal : 0 en 1996, 10 en 1997, 33 en 1998 ; s'agissant du délit de violences sur une personne dépositaire de l'autorité publique, prévu et réprimé par les articles 222-11, 222-12, alinéa 1er, 4º et 222-13, alinéa 1er, 4º du code pénal : 2 103 en 1996, 2 072 en 1997, 1 939 en 1998 ; s'agissant du délit d'outrage envers une personne dépositaire de l'autorité publique prévu et réprimé par l'article 433-5, alinéas 2 et 3 du code pénal : 7 870 en 1996, 8 019 en 1997, 9 277 en 1998. En tout état de cause, il est inexact de prétendre que dans un très grand nombre de cas les plaintes émanant de maires ne seraient même pas examinées par les magistrats du parquet qui les classeraient sans suite purement et simplement. Il convient d'observer à cet égard : en premier lieu que, toutes infractions confondues, dans la grande majorité des procédures, les motifs de classement sans suite sont communiqués aux plaignants et ne relèvent pas de la pure opportunité des poursuites mais de considérations juridiques objectives (auteur inconnu, prescription de l'action publique, infraction non caractérisée, par exemple) ; en second lieu, que dans un certain nombre de procédures où la gravité des faits et les antécédents de l'auteur l'autorisent, les maires, élus de proximité, bénéficient d'une réparation satisfaisante de leur préjudice par le biais de procédures alternatives aux poursuites telles que la réparation, la médiation - ou, lorsque les décrets d'applicationn de la loi du 23 juin 1999 seront publiés, la composition pénale -, qui constituent autant de moyens susceptibles de mettre rapidement fin au trouble à l'ordre public et de prévenir la récidive, en assurant la protection juridique des élus municipaux, dont le mandat exige un légitime respect de la part de leurs administrés.
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