Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 24/12/1998
M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les attaques de moutons imputables aux loups dans les Alpes-Maritimes, les Hautes-Alpes et en Savoie. Il souhaiterait savoir quel a été en 1998 le nombre de moutons qui ont été attaqués par des loups et quel a été le montant des indemnisations versées par son ministère aux éleveurs concernés par ces pertes. Quelle est son action pour la prévention de ces agressions de loups et l'éradication de ce mal ? Combien de loups ont été abattus en 1998 ? Combien devraient l'être en 1999 ?
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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 29/04/1999
Réponse. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, des questions relatives au retour du loup en France et aux attaques de moutons qui lui seraient imputables dans les Alpes-Maritimes, les Hautes-Alpes et en Savoie. Afin de prévenir les conséquences sur le pastoralisme de la présence du loup dans le Mercantour, un premier plan d'action a été mis en place de 1993 à 1996 par le ministère chargé de l'environnement avec l'appui du Parc national. Il a permis d'établir un recueil de données sur l'espèce et d'élaborer une cartographie permanente des observations, d'expertiser les proies sauvages ou domestiques susceptibles d'avoir été tuées par le loup, d'adapter à la présence du loup des techniques employées pour garder les troupeaux, de mettre en place un dispositif d'indemnisation et d'aide au pastoralisme pour réduire la prédation subie par les troupeaux de moutons. Ces premières mesures ont été reprises et amplifiées dans le cadre d'un programme communautaire (financement LIFE pour trois ans de 1997 à 1999, pour un montant de 8 millions de francs dont 50 % sont financés par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement). L'objectif de ce programme était d'accompagner le retour du loup dans les Alpes du Sud en améliorant la connaissance sur l'espèce, sa répartition, son évolution, son impact sur la faune sauvage et domestique, et de mettre en place des mesures d'accompagnement en faveur du pastoralisme : compensation des dommages, mise en place de chiens de protection, de parcs de contention la nuit, mise à disposition de bergers auxiliaires pour améliorer la garde noctune des troupeaux. Ces mesures ont prouvé leur efficacité comme en témoignent les données sur les attaques de loups dans les Alpes-Maritimes qui, pour la première fois en 1998, ont vu une baisse du nombre d'animaux indemnisés (691 contre 789 en 1997), alors que la population de loups était en légère augmentation (20 en janvier 1998 contre 19 un an auparavant). Avec les premières observations du loup dans les Alpes du Nord, le réseau de suivi et d'observation a été mis en place dans les départements concernés. Les dispositifs d'indemnisaiton et de prévention des dégâts ont été étendus dans les départements du nord des Alpes. Un dossier de candidature pour une nouvelle opération LIFE destinée à poursuivre et amplifier l'opération en cours vient d'être déposé à la Commission européenne. Les dégâts imputables aux loups en 1998 ont été les suivants : dans les Alpes-Maritimes, 28 attaques et 691 ovins ou caprins indemnisés, pour un montant de 907 199 francs ; dans les Hautes-Alpes, 31 attaques et 241 ovins ou caprins indemnisés, pour un montant de 242 750 francs ; en Savoie, 21 attaques en cours d'expertise susceptibles de porter sur 110 à 150 ovins tués ou blessés, pour un montant de l'ordre de 150 000 francs ; dans les Alpes-de-Haute-Provence, 5 attaques et 7 ovins tués ou blessés, pour un montant de 13 550 francs ; en Isère, 35 attaques, 161 brebis tuées ou blessées, pour un montant de 178 660 francs. S'il est possible, après avis du Conseil national de protection de la nature, d'autoriser par décision conjointe des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement la destruction ou la capture d'un loup en application de l'arrêté de protection des mammifères du 17 avril 1981 modifié par l'arrêté du 10 octobre 1996, notamment pour prévenir des dommages importants aux cultures ou à l'élevage, à condition qu'il n'existe pas d'autres solutions satisfaisantes et que cela ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable de la population de loups concernée, aucune autorisation de ce type n'a été accordée ni en 1997 ni en 1998. En 1998, les ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture ont engagé une concertation avec tous les acteurs concernés sur une stratégie nationale de conservation du loup liée à un pastoralisme durable. Lors d'une première réunion tenue le 15 juin 1998, les deux ministères ont soumis à la discussion un projet de stratégie sur le loup et le pastoralisme durable recueillant les positions des différents interlocuteurs. Les représentants du monde agricole, et notamment ceux de l'élevage ovin, ont manifesté leur désaccord sur ce texte. C'est en partie sur la base de ce constat que les ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture ont confié à un inspecteur général de l'agriculture une mission sur la cohabitation entre l'élevage et le loup. Ce dernier a été notamment chargé de procéder à l'évaluation de l'ensemble des actions conduites par l'Etat, les éleveurs et les autres partenaires, tant sur le plan national que local. Sur la base de ce bilan, il a été chargé d'élaborer des propositions en matière de pastoralisme et de conservation et gestion du loup en France. Il a déposé à la mi-février 1999 ses conclusions qui font l'objet d'une expertise interministérielle. L'arrivée du loup dans notre pays a mis en évidence, en les accentuant, les difficultés structurelles de l'élevage ovin en montagne dont le loup n'est pas le seul responsable. L'objectif des deux ministères est de traiter de l'ensemble des problèmes de la filière ovine en tenant compte de la présence du loup. L'" intérêt public " du loup relève de la conservation d'un patrimoine naturel. La nature, ensemble des systèmes écologiques, perpétue une coexistence cohérente d'espèces animales et végétales qui entretiennent entre elles des relations complexes dont la plus commune est une relation de consommation, une espèce servant de proie à l'autre. L'ensemble des espèces et de leurs relations constituent la diversité biologique. Le retour naturel du loup, prédateur d'animaux sauvages (mouflons, bouquetins, chamois, chevreuils, cerfs, sangliers...) permet notamment, en rétablissant l'ensemble de la chaîne alimentaire, de reconstituer les comportements que ces derniers avaient perdus. Au-delà de cette valeur écologique, et sans méconnaître les atteintes qu'il peut porter à l'élevage, le loup possède également une valeur symbolique et culturelle, et pourrait même devenir, comme c'est le cas dans d'autres pays, un facteur de développement économique à travers le tourisme de nature.
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