Question de M. ABOUT Nicolas (Yvelines - RI) publiée le 18/12/1998

Question posée en séance publique le 17/12/1998

M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur par intérim.
Dimanche dernier, deux policiers de Toulouse ont été mis en garde à vue et un autre policier a été suspendu pour avoir
fait usage de leur arme, alors que deux jeunes délinquants, pris en flagrant délit de vol de voiture, tentaient de forcer le
barrage de police qui venait d'être mis en place.
C'est vrai - nous ne pouvons que le déplorer - un jeune a été tué lors de cette intervention, mais, jusqu'à preuve du
contraire, l'enquête n'a révélé aucun élément intentionnel dans ce geste malheureux, et la mise en examen d'un des
policiers ne porte que sur un « homicide involontaire ».
Depuis, la banlieue toulousaine connaît une flambée de violence sans précédent, dont les premiers visés sont bien
entendu les policiers eux-mêmes. Comment pourrait-il en être autrement ? Bafoués dans l'exercice quotidien de leur
métier,...
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Nicolas About. ... trop désavoués par leur hiérarchie, lorsqu'ils osent se servir de leurs armes,...
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Nicolas About. ... que peuvent les policiers face aux débordements de violence de bandes qu'aucune autorité
n'impressionne plus ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Nicolas About. Dans ces zones de non-droit que sont devenues certaines de nos cités, quelle légitimité aura
désormais la police nationale si, alors même qu'elle est la seule autorisée à se servir de ses armes, elle n'offre plus
l'image que d'une autorité désarmée, condamnée à subir sans pouvoir répliquer ?
Pourquoi tant de délits ne sont-ils pas poursuivis, ce qui donne aux coupables un sentiment d'impunité et aux policiers
un sentiment d'inutilité, voire de honte ?
En entretenant une telle attitude qui consiste à mettre en garde à vue les policiers et à laisser agir les délinquants, on
prend aujourd'hui un très grand risque, celui de voir légitimée la violence et de bafouer toute autorité. Donnons aux
policiers français les moyens de faire respecter l'ordre, de se défendre et de défendre la sécurité de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, ma question est double : quand seront prises des mesures pour que l'autorité policière soit, enfin,
respectée dans notre pays ? Quels moyens allez-vous mettre en oeuvre pour que la police retrouve sa dignité et sa
légitimité et pour que les citoyens soient réellement protégés lorsqu'ils respectent le droit et non lorsqu'ils le bafouent ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 18/12/1998

Réponse apportée en séance publique le 17/12/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur le sénateur, vous
avez rappelé les événements qui se sont déroulés à Toulouse. Une patrouille de police, comprenant quatre hommes,
dont un policier auxiliaire, et conduite par un brigadier, est intervenue lors d'un vol de voiture commis à trois heures par
des mineurs.
M. Alain Gournac. On peut être mineur et voyou !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Ces policiers
accomplissaient leur mission qui consiste à faire respecter la propriété des biens d'autrui.
Cela dit, un jeune a été malheureusement tué à l'issue de cette intervention. Le rôle du ministre de l'intérieur est donc
de vérifier si les policiers ont bien respecté les règles en vigueur en matière d'intervention policière.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Hélène Luc. Telle est bien la question !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. A cette fin, il existe une
institution qui s'appelle l'Inspection générale de la police nationale. Une délégation de celle-ci s'est rendue à Toulouse et
a procédé aux auditions nécessaires ; les avocats des deux parties l'ont reconnu.
Sur cette base, elle m'a proposé, lundi, une mesure de suspension à l'encontre du brigadier qui conduisait la patrouille,
ce dernier n'ayant pas respecté les règles en vigueur en matière d'intervention policière.
M. Alain Gournac. Il aurait mieux valu qu'il se fasse tuer !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. L'Inspection générale de la
police nationale a estimé, sans présumer de l'action de la justice, qu'il y avait eu un manquement aux règles en vigueur
dans la police nationale.
Si la police doit être respectée, elle doit également respecter, lors de ses interventions, les règles en vigueur, qui sont
aussi la garantie des libertés des citoyens.
M. Christian Bonnet. La police veut aussi être couverte !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur le sénateur, vous
siégez au sein de la Haute Assemblée. Vous savez que la justice procède des lois en vigueur. En l'occurrence, l'action
diligentée par le procureur de la République et l'instruction judiciaire qui a été menée ensuite l'ont été sur la base des
textes en vigueur. A partir du moment où une personne a été tuée, il est logique que la justice se saisisse de l'affaire et
qualifie cette infraction à nos règles fondamentales.
Je tiens à dire, avec la plus grande clarté, que les policiers exercent un métier difficile. Ils sont souvent les seuls agents
publics en contact avec les jeunes dans les quartiers difficiles. Cela exige de leur part une compétence en matière
d'intervention, mais cela soulève surtout les problèmes de leur formation et de leur qualification. Je respecte le métier de
policier. Mais, en même temps, car il s'agit d'une règle élémentaire pour notre droit républicain, la police doit obéir à
des principes. Il ne convient pas de transformer les événements en affrontements permanents entre les policiers et les
jeunes. Ne rentrons pas dans cette caricature qui peut d'ailleurs être aussi vécue par les jeunes qui font la chasse aux
policiers, car elle est, à mon avis, mortelle pour notre société.
Notre société a besoin d'une police, d'une police républicaine qui remplisse sa mission. Et c'est ainsi que je le conçois.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux. Une police respectée !

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