Question de M. CHARASSE Michel (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 19/11/1998
M. Michel Charasse indique à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, qu'à l'occasion d'une récente émission intitulée " Zone interdite ", diffusée par M6 et consacrée aux brigades d'intervention de la douane française, les téléspectateurs ont constaté, avec surprise, que la police judiciaire ne donnait pas toujours suite aux renseignements et éléments qui lui sont transmis par la douane, notamment en matière de stupéfiants. C'est ainsi que ce reportage a révélé que le service spécialisé de la police parisienne n'avait donné aucune suite à une enquête douanière révélant l'envoi régulier depuis l'étranger, de quantités de drogues non négligeables à un destinataire parisien dûment localisé et identifié. Alors que la lutte contre le trafic de drogue reste une des priorités de la politique pénale du Gouvernement, on ne peut que s'étonner d'une telle situation qui n'est pas nouvelle. C'est ainsi que dans des zones considérées comme sensibles, notamment proches des frontières habituelles de passage des trafiquants de drogue, des procureurs généraux auraient prescrit par écrit aux agents de la douane de s'abstenir de saisir la police judiciaire lorsqu'à l'occasion d'interpellations de passeurs les quantités de drogue saisies ne dépassent pas une certaine quantité en poids, cette quantité variant naturellement selon la nature de la substance saisie. Cette attitude a pour effet de limiter la sanction infligée aux passeurs à la confiscation des substances interdites et à une simple amende douanière sans aucune autre conséquence au plan pénal. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître quelle appréciation elle porte sur les faits révélés par le reportage télévisé précité et si les instructions données localement par les parquets généraux en ce qui concerne les limites de poids à partir desquelles l'autorité judiciaire se saisit de l'affaire relèvent d'initiatives locales ou d'instructions plus générales adressées par la Chancellerie à l'ensemble des parquets de France. Il lui demande enfin de lui indiquer si cette manière de procéder est bien conforme à la politique gouvernementale de lutte contre les trafics de drogue.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 18/02/1999
Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice partage pleinement l'analyse de l'honorable parlementaire sur la nécessaire mobilisation des autorités judiciaires et des services répressifs dans les zones frontalières du territoire français, qui sont des zones habituelles de passage des trafiquants de drogue. En la matière, les contrôles effectués par les services répressifs et tout particulièrement par les services douaniers sur les axes de circulation dans ces régions conduisent de fait les parquets à traiter un volume particulièrement important d'interpellations de personnes trouvées en possession de produits stupéfiants. Les investigations effectuées à la suite de ces interpellations font apparaître une grande diversité de situations, allant de la détention de stupéfiants en vue d'une consommation personnelle jusqu'aux faits de trafic international. Face à cette diversité, les parquets s'emploient à utiliser pleinement l'ensemble des mesures légales qui leur paraissent appropriées. C'est dans cette perspective que le recours à la seule poursuite douanière est envisagé. Cette mesure, dont la mise en uvre fait l'objet d'une concertation étroite avec les services douaniers, peut s'appliquer aux faits les plus minimes tels que l'usage occasionnel de produits stupéfiants, pour lesquels une sanction pécuniaire immédiate et la confiscation de produits stupéfiants s'avèrent les sanctions les plus appropriées. En revanche, le recours à la seule procédure douanière ne s'applique pas en présence d'autres circonstances, et notamment lorsque les investigations effectuées ou la quantité de stupéfiants trouvée sur la personne laissent présumer l'existence d'un usage régulier ou d'un trafic, aussi réduit soit-il, ou encore lorsque la personne a déjà été interpellée pour des faits similaires. Une procédure judiciaire est alors engagée à la suite de la procédure douanière. Le garde des sceaux n'a pas adressé d'instructions générales en la matière. Il appartient aux parquets et aux parquets généraux d'apprécier les orientations pénales les plus appropriées en fonction des situations qui leur sont soumises et de l'évolution des flux de personnes transitant sur leurs ressorts. Le garde des sceaux tient à souligner l'investissement significatif des parquets et des parquets généraux des ressorts frontaliers dans les actions de coopération menées en liaison avec la chancellerie pour lutter contre les trafics transfrontaliers. Cette coopération, conduite sur les plans bilatéral et multilatéral avec leurs homologues néerlandais, belges, luxembourgeois et allemands notamment, et en concertation avec les services répressifs, vise à organiser des opérations de contrôles conjoints de part et d'autre des frontières, à mettre en place des systèmes d'échanges réguliers d'informations et à améliorer le fonctionnement de l'entraide judiciaire entre les pays frontaliers en fonction des particularités des systèmes de droit respectifs.
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