Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 01/12/1998
Mme Marie-Claude Beaudeau demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de lui exposer les moyens envisagés de modifier la loi nº 92-677 du 17 juillet 1992, afin que la directive du Conseil des Communautés européennes 91/680/CEE complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de la suppression des contrôles aux frontières, la directive 77/388/CEE et la directive 92/12/CEE relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accise, ne s'applique pas. Elle attire plus particulièrement son attention sur les effets négatifs de la suppression des ventes hors taxes menaçant 140 000 emplois en Europe, 14 000 en France, dont 3 700 sur le seul littoral calaisien.
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Réponse du ministère : Budget publiée le 20/01/1999
Réponse apportée en séance publique le 19/01/1999
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, dans le rapport fait au nom de la commission des
finances concernant les crédits du tourisme pour 1999, j'avais attiré l'attention du Gouvernement sur la nécessité
d'abolir la directive de la Communauté européenne prévoyant l'arrêt, à la date du 30 juin 1999, des ventes hors taxes
réalisées lors des voyages à l'intérieur de l'Union européenne.
Nous n'avons plus que cinq mois pour décider. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons donc une réponse claire
de la part du Gouvernement que vous représentez ici : le Gouvernement est-il favorable à la suppression de cette date
butoir et à l'adoption d'une disposition nouvelle pour maintenir les ventes hors taxes ? Quelle action mène-t-il
actuellement pour réussir ?
En effet, une telle décision répondrait aux intérêts européens, à ceux des prix et à ceux de l'emploi. Elle aurait, à
l'échelon national et même, bien entendu, européen, des conséquences décisives pour le maintien d'une activité
française de haut niveau.
Une telle décision est-elle favorable à l'Europe ? Je le crois.
Les voyageurs peuvent acheter des achats de produits de qualité dans un environnement de qualité ; le prestige de nos
produits concourt au rayonnement de notre pays.
Cette décision est-elle intéressante en matière de prix ?
Le commerce est intégré aux rituels du voyage. Il participe au financement des aéroports et des compagnies. Sa
suppression, vous le savez, entraînerait la hausse du prix des billets. Ainsi, entre Calais et la Grande-Bretagne, la
société de ferry Sea-France réalise 55 % de son chiffre d'affaires avec le duty free. Sans lui, le doublement du prix du
billet serait à prévoir.
Pour l'aéroport de Tarbes, ce type de commerce représente 70 % des recettes et pour Aéroports de Paris, 17 %, soit
800 millions de francs. Sa disparition représenterait un manque à gagner de 240 millions de francs. Comment faire pour
se passer de telles recettes ? Là aussi, des hausses du prix des billets sont à prévoir !
Est-ce l'intérêt de l'emploi de maintenir les ventes hors taxes ?
En Europe, 140 000 personnes participent à cette activité. Les compagnies maritimes emploient, par exemple, 3 500
personnes dans le Pas-de-Calais.
Ce ne sont pas seulement les villes maritimes ou possédant un aéroport qui sont concernées ; seront touchées de
grandes régions françaises, celles qui produisent du cognac - qui le sont déjà fortement - ainsi que celles qui produisent
le champagne et les parfums, c'est-à-dire une bonne dizaine de départements, dont les Alpes-Maritimes, les
Hautes-Pyrénées, le Finistère, l'Ille-et-Vilaine, Cherbourg, Caen, la Champagne et les Charentes, notamment.
Par ailleurs, le transport aérien est sous la menace de la suppression de 4 000 emplois, notamment parmi les
personnels navigants commerciaux.
Où est l'intérêt de notre pays ?
Je me limiterai à ce propos à noter que 40 % des ventes hors taxes réalisées dans le monde concernent des produits
français.
Tout le monde reconnaît les graves conséquences qu'aurait l'application de la directive au mois de juillet 1999. MM.
Jospin et Blair ont d'ailleurs exprimé leur refus de retenir cette date. Mais ce n'est pas suffisant.
Les Quinze, au sommet de Vienne, se sont donnés jusqu'à la fin du mois de mars pour prendre une décision.
Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, avez reconnu les conséquences sur l'emploi et l'économie de certaines
régions françaises. Mais, évidemment, ces déclarations ne suffisent pas.
Alerté par les salariés de ces secteurs, mon groupe a déposé une proposition de loi tendant à ne pas appliquer cette
directive le 30 juin 1999. Cette suppression permettrait de revoir l'ensemble des problèmes posés en toute sérénité, de
prévoir une modification des conditions d'exercice du commerce hors taxes par la préparation d'une nouvelle directive et
de définir la ressource substitutive à inscrire au code général des impôts.
Notre proposition est donc, monsieur le secrétaire d'Etat, très responsable.
La décision prise en 1991 s'accompagnait d'un engagement touchant à l'harmonisation fiscale. Huit années plus tard,
où en sommes-nous ? La commission des finances du Sénat n'est encore informée de rien. Une étude serait pourtant
urgente.
L'Irlande, l'Allemagne, l'Espagne, la Belgique, la Finlande sont concernées et, comme la France, s'inquiètent des
conséquences de la fin du duty-free. Par ailleurs, l'Italie a décidé de reporter l'application de cette mesure en 2002.
Pourquoi pas nous ?
Ce délai permettrait d'étudier une solution d'ensemble préservant l'emploi, valorisant et assurant la pérennité du
commerce hors taxes, selon des règles nouvelles qui garantiraient les prix et le rayonnement de notre pays.
Ma question est donc simple, monsieur le secrétaire d'Etat : que comptez-vous faire et où en sommes-nous aujourd'hui
?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur les ventes hors taxes.
Vous avez, dans un exposé très clair, rappelé que des directives communautaires prises en 1991 prévoient la
suppression du régime des ventes hors taxes entre pays de l'Union européenne - et non à l'égard des pays extérieurs à
l'Union européenne - à compter du 30 juin 1999.
Le Gouvernement auquel j'appartiens a immédiatement compris quelles difficultés sociales pouvaient résulter de la
suppression, maintenant imminente, de ce régime dérogatoire. C'est pourquoi il a agi et continuera à agir.
Vous savez que le Premier ministre a, dès le 2 mars 1998, demandé à M. Capet, qui est député du Pas-de-Calais et
qui connaît particulièrement bien le sujet, d'examiner les conséquences économiques et sociales de cette suppression.
M. Capet a mis en évidence, dans son excellent rapport, que la suppression brutale des ventes hors taxes aurait des
conséquences dommageables en matière d'emploi, notamment pour le Calaisis, mais pas seulement pour celui-ci.
En conséquence, il a proposé un dispositif progressif de taxation aux droits d'accise, pour laisser le temps aux
professionnels de s'adapter.
Le Gouvernement français soutient activement cette proposition devant la Commission de Bruxelles.
Comme vous l'avez rappelé, cette question a notamment été abordée lors du récent conseil franco-britannique entre les
deux Premiers ministres et lors du conseil des chefs d'Etat et de Gouvernement qui s'est tenu à Vienne, les 11 et 12
décembre 1998.
Vous voyez donc que le Gouvernement est particulièrement déterminé à trouver une solution. Sa recherche est en
cours et la représentation nationale sera évidemment tenue informée de l'évolution de cette question.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La réponse que vous venez de m'apporter, monsieur le secrétaire d'Etat, est très
imprécise ; elle ne me satisfait donc pas pleinement.
Nous sommes à cinq mois de la date butoir. Or, alors que l'Europe souhaitée par le Gouvernement - et M. le Premier
ministre l'a confirmé hier, devant le Congrès, à Versailles - a comme priorité l'emploi, l'une des premières décisions
tendrait à en supprimer 140 000.
J'ai lu que le Gouvernement faisait référence à un éventuel moratoire. Je souhaiterais savoir ce qu'il en est.
J'ai également lu que le président Jacques Santer avait déclaré : « Si prorogation il y a, elle sera très limitée. » Il n'a
donc été question que d'une prorogation de quelques mois.
Or, je persiste à croire, je tiens à le redire, qu'il faudra quelques années pour redéfinir ces ventes hors taxes. Je persiste
également à croire que l'ensemble du secteur est concerné et pas seulement le trafic transmanche.
Nous avions été satisfaits du rapport de M. Capet, qui contenait un constat et quelques propositions. Mais celles-ci
n'ont pas été complètement prises en compte. S'en tenir, comme je l'ai lu, au seul trafic transmanche serait très
insuffisant pour notre pays.
Je tiens à rappeler qu'il s'agit de productions qui font vivre des milliers de personnes ; je pense notamment au
champagne, aux parfums de la Côte d'Azur et au cognac des Charentes.
Exclure les vols aériens de toute décision prorogeant les ventes hors taxes au-delà de juin 1999 se traduirait par des
déficits pour les aéroports et par des suppressions d'emplois.
Le commerce hors taxes est un test pour l'Europe de l'emploi et du progrès social, je tiens à le répéter. Avec ce
problème, nous quittons la théorie : le Gouvernement sera jugé sur ses actes et il serait dommageable que cette
nouvelle Europe commence avec la suppression de 140 000 emplois !
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