Question de M. GRIGNON Francis (Bas-Rhin - UC) publiée le 11/11/1998
M. Francis Grignon attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la législation relative à la prise illégale d'intérêts. L'article 432-12 du nouveau code pénal stipule que, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire, peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le tranfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel de 100 000 francs. En outre, dans ces communes, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire, peuvent acquérir une parcelle d'un lotissement communal pour y édifier leur habitation personnelle ou conclure des baux d'habitation avec la commune pour leur propre logement. Dans les mêmes conditions, les mêmes élus peuvent acquérir un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle. Or, dans une décision récente, le trésorier principal d'Erstein a considéré que " l'article 432-12 ne permet pas à ces élus de communes de moins de 3 500 habitants de prendre à bail des terrains agricoles appartenant à la commune sauf s'ils l'ont déjà fait avant leur élection mais, dans ce cas, ils ne peuvent renouveler le bail ". Cette différence d'interprétation du code pénal pose problème. C'est pourquoi, il lui demande d'éclaircir ce point et de préciser notamment quelle est la règle spécifiquement applicable en matière de prise à bail de terrains agricoles.
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Réponse du ministère : Justice publiée le 10/02/1999
Réponse apportée en séance publique le 09/02/1999
M. Francis Grignon. Ma question, madame la ministre, concerne les maires des communes de 3 500 habitants et
moins.
L'article 432-12 du nouveau code pénal dispose que ces maires, leurs adjoints ou leurs conseillers délégués peuvent
réaliser des transactions immobilières ou traiter des marchés de services avec la commune dont ils sont élus jusqu'à
hauteur de 100 000 francs. Ils peuvent même acheter des terrains pour y édifier leur habitation principale ou contracter
des baux de location, toujours pour leur habitation principale.
Or il se trouve que, dans ma région, la trésorerie principale a indiqué que les maires agriculteurs ne pouvaient
contracter, après leur élection, des baux de location de terrains agricoles. Ces baux peuvent être contractés avant leur
élection, mais pas après, et ne peuvent pas non plus être prolongés.
J'aimerais savoir quelle est votre interprétation des textes, madame le garde des sceaux.
Je me permets de vous demander si, par assimilation, on ne pourrait pas permettre à ces maires de contracter des
baux ruraux, à condition que la location ne dépasse pas 100 000 francs par an, par exemple.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu
m'interroger sur la législation relative à la prise illégale d'intérêt, ce dont je vous remercie, car c'est une question
importante.
Je vous rappelle - comme vous l'avez fait vous-même - que l'article 432-12 du code pénal n'autorise effectivement pas,
dans les communes de moins de 3 500 habitants, les élus à prendre à bail des terres agricoles appartenant à la
commune.
Ce texte prévoit toutefois des dérogations au profit des élus de ces communes : pour le transfert de biens mobiliers ou
immobiliers, dans la limite de 100 000 francs par an, pour la fourniture de services, dans la même limite, pour
l'acquisition d'une parcelle d'un lotissement communal, pour la passation de baux d'habitation et pour l'acquisition de
biens à usage professionnel.
La prise à bail de terres agricoles communales n'est pas visée par ce texte.
La décision du trésorier principal que vous avez évoquée, monsieur le sénateur, est donc, dans son principe, conforme
au droit positif.
On peut toutefois considérer que, si les terres ont été louées avant l'élection, les personnes concernées peuvent
renouveler le bail après cette élection si le bail ne subit pas de modifications significatives de ses conditions. En effet,
dans une semblable hypothèse, il n'y aurait pas de nouvelle prise d'intérêt au sens du code pénal.
De plus, il convient de rappeler qu'à la suite de la proposition de loi votée par le Sénat le 10 février 1998, la Chancellerie
a créé, notamment avec des membres du Sénat, un groupe de travail chargé d'examiner très précisément les
conditions de mise en oeuvre du délit de prise illégale d'intérêt en matière de baux ruraux et de mettre en place une
prévention plus efficace de ce type de délit.
En accord avec le rapporteur de la proposition de loi, le rapport de ce groupe de travail a été transmis aux parquets par
circulaire du 7 avril 1998, ainsi que, pour information, aux préfets.
Ce rapport - que je vais vous faire remettre - contient une étude approfondie du délit de prise illégale d'intérêt appliqué à
la passation et au renouvellement des baux ruraux et conclut, en substance, que le respect de quelques précautions
devrait permettre aux élus concernés de ne pas encourir de poursuites du fait de ce chef d'accusation.
Compte tenu de ces éléments, il m'apparaît que la plupart des difficultés rencontrées en ce domaine devraient être
réglées assez facilement et donc que la modification de la loi au bénéfice d'une catégorie particulière de personnes,
notamment dans le sens que vous suggérez dans votre question, ne se justifie pas.
J'ajoute que l'exception prévue dans le code pénal en matière de logement de l'élu dans sa commune est difficilement
transposable à la passation de baux ruraux, qui concernent l'exercice d'une activité lucrative.
M. Francis Grignon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Madame le garde des sceaux, je vous remercie de vous être déplacée pour répondre à cette
petite question. Je vous remercie également pour votre réponse très positive.
J'ajoute que je vais analyser en détail le rapport que vous venez de me faire remettre, car j'ai cru comprendre qu'il me
permettra de trouver une réponse précise à ma question.
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