Question de M. HUCHON Jean (Maine-et-Loire - UC) publiée le 06/11/1998
Question posée en séance publique le 05/11/1998
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé. Elle concerne les inquiétudes exprimées
par les médecins anesthésistes.
Force est de constater que l'on assiste actuellement à une réelle dégradation des conditions de travail de ces
praticiens. Une telle situation risque de remettre gravement en cause la qualité et la pérennité des soins dispensés
dans notre pays, de ces soins auxquels chaque patient a droit.
Il semble en effet de pratique courante pour un médecin anesthésiste d'exercer dans des conditions à la limite de la
légalité. Il en va ainsi, notamment, de l'ampleur de leurs heures de travail, qui sont souvent très excessives et
représentent parfois quarante-huit heures d'affilée pour un même praticien !
Par ailleurs, les médecins doivent faire face à des normes de sécurité de plus en plus draconiennes, dont la mise en
oeuvre reste délicate en raison d'une charge de travail trop lourde.
En outre, l'accroissement des actions contentieuses à l'encontre des médecins, qui est lié à la détérioration des
conditions de travail, engendre une véritable pénurie dans une discipline ô combien indispensable à l'exécution des
actes chirurgicaux ! Ainsi, dans le département de Maine-et-Loire, sur dix postes de médecins anesthésistes au centre
hospitalier de Cholet, cinq seulement sont pourvus !
Une anesthésie n'est pas un acte banal, des incidents récents nous l'ont rappelé.
Face à la grande pénurie d'effectifs dont souffre actuellement cette profession, il convient de donner aux médecins
anesthésistes les moyens d'exercer correctement leur métier et de leur permettre de contrôler la sécurité de leur
patient et la qualité des soins qu'ils délivrent.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir nous faire connaître les mesures que vous
entendez prendre pour que les anesthésistes envisagent l'avenir avec confiance. (Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
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Réponse du ministère : Santé publiée le 06/11/1998
Réponse apportée en séance publique le 05/11/1998
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, votre diagnostic est exact, mais la solution
n'est pas simple.
Comme vous le savez, nous avons formé un grand nombre d'anesthésistes. En effet, s'ils étaient 3 639 en 1981, ils
étaient 8 880 en 1997. Toutefois, la forte progression enregistrée jusqu'en 1987 a décru. Maintenant, nous formons en
moyenne 170 anesthésistes par an.
Que faire ?
Tout d'abord, il faut savoir que la pénibilité doit être prise en compte. Ainsi, en ce qui concerne les gardes, il est
inacceptable - notre pays est le seul à l'accepter - qu'un praticien anesthésiste, notamment, prenne son service un jour,
passe la nuit à travailler et continue le jour suivant, sans aucun repos compensateur ni prise en compte de la pénibilité.
Nous travaillons avec ces personnels pour remédier à cette anomalie. Mais le problème ne se limite pas à cela.
Les anesthésistes, tout particulièrement, ont en effet été surchargés par des modes d'exercices nouveaux, des
techniques nouvelles.
De nouvelles tâches leur incombent. Ils sont en effet les plus qualifiés pour les accomplir. Leur champ d'intervention
s'est donc étendu beaucoup plus que celui des autres professions médicales.
Comment faire pour former des anesthésistes ? Il est évident qu'il faut s'attaquer, ou s'attacher - je ne sais comment
dire - au statut du praticien hospitalier, qu'il faut le rendre plus attrayant. Sinon, ces praticiens devront demeurer les
héros qu'ils sont aujourd'hui.
Je suis très attaché au service public, comme vous aussi, sans doute, monsieur le sénateur, mais la clinique tend les
bras à ces praticiens et leur offre de bien meilleurs salaires.
Vous le savez, des expériences de travail en commun entre l'hôpital et la clinique ont été menées et se sont révélées
bonnes. Il n'empêche que le statut du praticien hospitalier - et nous travaillons avec eux sur ce point - doit être
revalorisé.
Pour les anesthésistes, particulièrement, des groupes de travail ont été mis en place. A la demande du groupe Nicolas,
nous avons ainsi réformé l'internat, et il existe désormais une filière particulière en gynécologie-obstétrique, en
anesthésie-réanimation et en pédiatrie. Nous pourrons désormais former des praticiens dans ces disciplines pour
lesquelles, jusqu'à présent, il n'existait aucune filière particulière de formation.
J'espère que cela suffira. Mais, en fait, je sais que ce ne sera pas le cas.
Il faut envisager le repos compensateur ainsi qu'une revalorisation et une prise en compte, peut-être sous la forme de
primes, car elle ne peut pas être seulement morale, du métier particulier d'anesthésiste, sans lequel les services de
maternité ou de chirurgie ne peuvent fonctionner normalement et sans lequel bien des actes devenus routiniers, tels que
l'endoscopie et la radiologie opératoire, ne peuvent être effectués.
Nous sommes en train d'y travailler. Mais je reconnais que le problème est assez vaste...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. ... et implique une réflexion sur l'ensemble des études médicales initiales.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
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