Question de M. RENAR Ivan (Nord - CRC) publiée le 06/11/1998
Question posée en séance publique le 05/11/1998
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. A l'issue d'un conseil interministériel de la recherche scientifique et technologique réuni le 15 juillet
dernier, vous avez retenu, monsieur le ministre, un certain nombre d'orientations fondamentales pour le devenir de la
recherche publique de notre pays.
Le 10 octobre dernier, un projet de décret était présenté au conseil d'administration du CNRS, portant « organisation et
fonctionnement » de cet organisme.
Depuis cette date, l'émotion est grande au sein de la communauté scientifique, qui a décidé ce jour une journée
d'action et de mobilisation.
Nous restons, pour ce qui nous concerne, attachés à un pôle de recherche publique fort, qui a fait et qui continue de
faire ses preuves.
Loin d'être frileux quant aux réformes de la recherche publique souhaitées, nous les souhaitons fondées sur une
meilleure articulation entre développement des connaissances, développement technologique et développement
économique au service de tous.
Sur la forme, enfin, on ne saurait concevoir une transformation efficace de notre recherche publique pour répondre aux
nécessités de la croissance et, dans le même temps, aux nécessités de la science et de la connaissance
elles-mêmes, sans une mise en oeuvre par tous les acteurs concernés.
Pas plus qu'on ne peut imaginer changer l'école sans les enseignants, comment pourrait-on réformer la recherche sans
les chercheurs ?
Les références aux besoins du développement économique dans une vision de l'innovation et des réformes à engager
centrées uniquement sur le court terme risqueraient d'aboutir au démantèlement de notre recherche publique sans
véritable gain ni croissance pour notre pays.
Malgré des défauts à corriger, des structures démocratiques comme le Conseil national de la recherche scientifique ont
permis le développement et le rayonnement de la recherche française.
La remise en cause des structures des laboratoires existants reviendrait à contester la nécessité d'investir dans le long
terme, parfois le très long terme, ce qui est l'une des caractéristiques majeures de la recherche.
Aussi, avant d'aller plus loin, ne serait-il pas souhaitable, monsieur le ministre, de prendre le temps d'un examen attentif
de notre politique de recherche ?
Plutôt que des décrets, ne devrait-on pas privilégier une loi d'orientation de notre politique de recherche ?
Enfin, ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire d'ouvrir dans notre pays un grand débat démocratique sur les contours
d'une politique de recherche à venir, associant, au sein de coopérations renforcées, l'université, les grands organismes,
le CNRS, la communauté scientifique, l'ensemble de la représentation nationale, ainsi que les élus de nos régions ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes
et sur certaines travées du RDSE.)
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Réponse du ministère : Éducation publiée le 06/11/1998
Réponse apportée en séance publique le 05/11/1998
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, je
tiens à vous indiquer d'emblée qu'une concertation sur la réforme du CNRS est menée par le président du conseil
d'administration de cet organisme, conseil d'administration au sein duquel tous les personnels sont représentés.
Partisan de la déconcentration dans tous les secteurs, je ne souhaite pas que l'on remonte jusqu'au ministre chaque
fois qu'un problème se pose au sein d'un organisme, et j'ai donc chargé le conseil d'administration du CNRS de
procéder à la réforme.
Cela dit, permettez-moi de vous indiquer les quatre objectifs de la réforme.
Le premier tend à permettre aux jeunes d'accéder à la responsabilité scientifique, ce qui évitera leur exil aux Etats-Unis,
car ils nous reprochent un système mandarinal.
Le deuxième objectif de la réforme vise à transférer les connaissances et les chercheurs vers le secteur économique.
Cette année, seuls huit chercheurs sur 11 000 sont partis vers l'industrie. Une telle situation ne peut perdurer.
Le troisième objectif est l'ouverture sur l'Europe. Si nous voulons construire l'Europe - et nous le voulons - des
chercheurs européens doivent participer à la définition de notre politique de recherche.
Le quatrième objectif est de débureaucratiser la recherche.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Les projets de décrets,
soumis au président du conseil d'administration du CNRS, sont en phase de concertation : des demandes de
modification ont été formulées et acceptées.
Je refuse que la voix de la rue, au demeurant pas bien forte aujourd'hui, selon mes informations, dicte la règle
démocratique et fasse perdurer les statu quo.
J'ai décidé de dynamiser la recherche scientifique française, parce que j'y crois, et ce dans le respect d'un service qui
est un fondement d'Etat. Il n'est pas question de le remettre en cause. Or un organisme de recherche où la moyenne
d'âge des chercheurs est de cinquante ans ne me paraît pas armé pour donner du dynamisme à notre recherche !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et du
RPR.)
Mme Hélène Luc. Il faut discuter avec la rue avant de prendre les décrets !
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