Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 08/10/1998

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le rôle que pourrait prendre la France dans l'élimination des mines antipersonnel, dont la fabrication, la vente, le stockage et l'utilisation ont été interdits par une loi nº 98-564 du 8 juillet 1998. Elle attire son attention sur la responsabilité de la France - qui a longtemps produit et distribué ces armes - dans l'existence de 100 millions de mines disséminées dans plusieurs pays, qui font une victime toutes les vingt minutes, en particulier des enfants. Elle lui demande s'il ne juge pas que la France se trouve en l'état face à un véritable devoir de réparation. Elle lui fait observer que les actions de déminage menées aujourd'hui avec le soutien de la France manquent de coordination et d'ampleur, notre pays étant peu présent dans les instances internationales où sont organisées les initiatives multilatérales. Elle lui demande s'il n'envisage pas de réactiver l'action de la France dans l'élimination des mines antipersonnel par une coordination suivie entre son ministère, celui des affaires étrangères et le secrétariat d'Etat à la coopération, et par une hausse conséquente des crédits consacrés au déminage, à la revitalisation des zones déminées, au soutien aux populations martyres. Elle lui demande également s'il prévoit de veiller à ce que les marchés du déminage échappent totalement aux compagnies appartenant à des groupes industriels producteurs de mines antipersonnel.

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Réponse du ministère : Défense publiée le 26/11/1998

Réponse. - La France est particulièrement préoccupée par le désastre humanitaire causé par l'utilisation des mines antipersonnel terrestres. Sur la scène internationale comme au plan national, elle a montré son engagement à lutter contre ce fléau. Elle a été l'un des tout premiers pays à donner l'exemple et n'a cessé, au cours de ces dernières années, de prendre des initiatives en ce sens. Au plan international, la France a pris l'initiative, en février 1993, de demander la convocation d'une conférence de révision de la Convention de 1980 sur certaines armes classiques, qui réglemente notamment l'usage des mines antipersonnel. Durant cette conférence, qui s'est tenue en 1995 et au début 1996, notre pays a joué un rôle moteur et a ainsi contribué à l'adoption de dispositions nouvelles, plus précises et plus contraignantes que celles prévues par les textes de 1980. La France a ratifié, le 23 juillet 1998, le protocole II de la Convention de 1980. De même, le 23 juillet 1998, la France a ratifié la Convention d'Ottawa signée le 3 décembre 1997 portant interdiction totale des mines antipersonnel. Certaines dispositions de la Convention d'Ottawa ont été transposées, dans notre ordre juridique interne, par la loi nº 98-564 du 8 juillet 1998 tendant à l'élimination des mines antipersonnel. Elle prévoit notamment, tant à l'encontre des personnes physiques que des personnes morales, d'importantes sanctions pénales en cas d'emploi, de mise au point, de production, d'acquisition, de transfert, de détention ou de stockage de mines antipersonnel. Elle détermine également les modalités de déroulement des missions d'établissement des faits en cas de non-respect présumé des dispositions de la Convention. Sur le plan unilatéral, la France n'a pas exporté de mines antipersonnel depuis 1989 et a annoncé un moratoire absolu sur l'exportation en février 1993. En septembre 1995, le Gouvernement a renoncé à la production et s'est engagé à réduire progressivement, par destruction, les stocks existants. Les opérations de destruction ont débuté en septembre 1996 et ont été réalisées par les établissements de l'armée de terre. Toutefois, pour accélérer le rythme des opérations, un appel d'offres public a été lancé à la fin du mois d'octobre 1997 afin de procéder à une destruction industrielle de ces armes. Ainsi, 50 % du stock sera détruit à la fin de l'année 1998, et les opérations se poursuivront en 1999. De plus, lors de la cérémonie de signature de la Convention d'Ottawa, le Gouvernement a annoncé que la France aura détruit la totalité de ses mines antipersonnel avant la fin de l'an 2000, soit bien avant le terme fixé par la Convention. Seule une faible quantité de ces engins sera conservée, dans le respect de l'article 3 de la Convention, pour assurer la continuité de la formation des démineurs, en raison des nombreuses missions internationales assurées en la matière par la France et le développement des techniques de détection, déminage et de destruction des mines antipersonnel. En effet, tous les efforts de la communauté internationale doivent désormais tendre vers le déminage et l'assistance aux victimes. Depuis 1994, la France a consacré près de 120 millions de francs à ce type d'actions. Cet effort sera poursuivi et intensifié dans les années à venir, notamment dans le cadre de la contribution française aux programmes européens. La coordination de l'action de la France contre les mines doit être renforcée afin d'en accroître l'efficacité. Ainsi, à l'échelon national, un comité interministériel est chargé d'organiser l'action des différents intervenants français dans ce domaine. Des efforts de rationalisation sont entrepris dans les organismes publics chargés du déminage. De plus, le développement d'entreprises spécialisées, présentant toutes les garanties souhaitables pour relayer l'action publique et valoriser les savoir-faire acquis par les personnels français, est encouragé. Par ailleurs, la loi du 8 juillet 1998 a créé une Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel. Cette Commission, composée de représentants du Gouvernement, du Parlement, d'associations à vocation humanitaire, d'organisations syndicales et de personnalités qualifiées, assurera le suivi de l'application de cette loi et de l'action internationale de la France en matière d'assistance aux victimes des mines antipersonnel et d'aide au déminage. De même, à l'échelle européenne, la France souhaite la désignation rapide d'un coordinateur communautaire supervisant des programmes de déminage et d'assistance aux victimes mis en uvre par l'Union européenne. En matière de formation au déminage, l'action de la France sera renforcée, en raison de l'expérience et de la compétence de son armée dans le domaine de l'enlèvement des explosifs. A cette fin, le ministère de la défense favorisera l'accès de l'école supérieure et d'application du génie (ESAG) d'Angers aux stagiaires étrangers ainsi qu'aux organisations non gouvernementales. Afin de réaliser un état des lieux précis de la situation des zones minées dans le monde, la France encouragera la mise en place rapide d'une banque de données mondiale, qui pourrait être placée sous l'égide du secrétariat général des Nations unies. Elle accompagnera également les efforts de la Suisse dans la mise en place d'un centre international de déminage humanitaire. Notre pays apportera un concours actif à ces initiatives en communiquant notamment les données qui sont détenues par le centre d'expertise sur les mines de l'ESAG d'Angers. L'action de la France sera, avant tout, régie par la volonté de développer un partenariat renforcé avec les gouvernements des principaux pays concernés, d'une part, et avec les organisations non gouvernementales, d'autre part. Elle s'attachera à apporter aux gouvernements une assistance systématique dans la mise en place de plans nationaux de déminage et de structures plus locales permettant d'assurer le suivi et la pérennité des opérations. La France cherchera, par ce biais, à créer sur le territoire même des principaux Etats concernés des ateliers de travail réunissant les organismes participant aux opérations d'assistance au déminage. Le Gouvernement renforcera également la collaboration avec les organisations non gouvernementales. Outre le déminage, l'un des grands défis que doit relever la communauté internationale est de déterminer la meilleure façon de répondre aux besoins des victimes de ces mines. A cette fin, la Convention d'Ottawa prévoit que chaque Etat partie devra fournir, selon ses possibilités, une assistance pour les soins aux victimes des explosions de mines, pour leur réadaptation ainsi que pour leur réintégration sociale et économique. Le service de santé des armées apportera, pour ce qui concerne la France, toute sa compétence à ces efforts.

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