Question de M. HÉRISSON Pierre (Haute-Savoie - UC) publiée le 30/10/1998
M. Pierre Hérisson appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la modification de l'assiette de la taxe professionnelle contenue dans le projet de loi de finances pour 1999. Sur le fond, il est certes louable de vouloir alléger les charges des entreprises, mais plusieurs options sont possibles, notamment celle consistant à diminuer l'impôt sur les sociétés, souvent réclamée lors des discussions budgétaires précédentes. La suppression progressive sur cinq ans de la part salaires de l'assiette de la taxe professionnelle n'aura aucun effet sur l'emploi. Une étude récente du conseil des impôts faite auprès des entreprises dans quatre départements démontre pour la totalité d'entre elles que le poids de la taxe professionnelle n'a pas eu d'incidence sur leur politique de personnel. La taxe professionnelle constitue une ressource majeure pour plus de 50 000 communes, groupements, départements, régions, organismes consulaires et fonds de péréquation. Les pertes subies par les collectivités en leur imposant une diminution de l'assiette de cette taxe seraient compensées sous forme de dotation budgétaire, qui évoluerait comme la Dotation globale de fonctionnement jusqu'en 2003, puis serait intégrée à celle-ci. Aussi, il lui demande s'il n'aurait pas été préférable d'inclure ce toilettage de la taxe professionnelle dans la vaste réforme attendue de la fiscalité locale et de l'intercommunalité, après concertation avec les élus, et de lui assurer que cette baisse de revenus pour les collectivités sera compensée et réactualisée chaque année afin d'éviter qu'à terme cette compensation ne se transforme en augmentation d'impôt sur les ménages, ce qui n'est pas imaginable tant la pression fiscale est déjà forte.
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Réponse du ministère : Budget publiée le 11/11/1998
Réponse apportée en séance publique le 10/11/1998
M. Pierre Hérisson. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et concerne la
modification de l'assiette de la taxe professionnelle contenue dans le projet de loi de finances pour 1999.
L'article 72 de la Constitution prévoit que les collectivités s'administrent librement par des conseils élus et, même si
l'article 34 donne compétence à la loi pour fixer les règles de l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des
impositions de toute nature, ce dernier article n'exclut pas que l'initiateur de cette réforme consulte préalablement les
élus, ce qui renforcerait ce grand concept qu'est la décentralisation.
Sur le fond, il est certes louable de vouloir alléger les charges des entreprises, mais plusieurs options sont possibles,
notamment celle qui consiste à diminuer l'impôt sur les sociétés, mesure souvent réclamée aussi bien par les
parlementaires lors des discussions budgétaires précédentes que par les entreprises.
La suppression progressive sur cinq ans de la part assise sur les salaires de l'assiette de la taxe professionnelle n'aura
aucun effet sur l'emploi. Une étude récente du conseil des impôts réalisée auprès d'entreprises dans quatre
départements - l'Ille-et-Vilaine, la Saône-et-Loire, le Val-de-Marne et les Vosges - démontre que, pour la totalité de ces
entreprises, le poids de la taxe professionnelle n'a pas eu d'incidence sur leur politique de personnel, qu'il s'agisse de
recrutement ou de licenciement. Les responsables ont admis que de telles décisions étaient prises en fonction d'autres
considérations.
La taxe professionnelle surtaxe le capital, pas la part assise sur les salaires. Or elle constitue une ressource majeure
pour plus de 50 000 communes, groupements, départements, régions, organismes consulaires et fonds de péréquation.
Si la situation financière des collectivités locales peut être considérée comme satisfaisante - les indicateurs actuels le
prouvent - c'est qu'elles ont su maîtriser leur fiscalité et la répartir entre les entreprises et les ménages selon leur propre
choix en matière de politique fiscale et budgétaire.
Les pertes subies par les collectivités à cause de la diminution de l'assiette de la taxe professionnelle seraient
compensées sous forme d'une dotation budgétaire qui évoluerait comme la dotation globale de fonctionnement jusqu'en
2003, puis serait intégrée à celle-ci.
Cependant, ne pensez-vous pas qu'il eût été préférable d'inclure ce toilettage de la taxe professionnelle dans la vaste
réforme attendue de la fiscalité locale et de l'intercommunalité, après concertation avec les élus chargés d'élaborer les
budgets locaux ?
De plus, pouvez-vous nous assurer que cette baisse de revenus pour les collectivités sera compensée, et surtout
réactualisée chaque année, afin d'éviter qu'à terme cette compensation ne se transforme pas en augmentation d'impôt
sur les autres taxes locales, ce qui n'est pas imaginable ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Contrairement à ce que vous indiquez, monsieur le sénateur, la
réforme de la taxe professionnelle que le Gouvernement soumet au Parlement constitue non pas un toilettage de cet
impôt, mais au contraire la seule réforme profonde de ce dernier depuis sa création il y a plus de vingt ans.
Ces quelques chiffres me permettront de l'illustrer : la diminution de taxe professionnelle pour les entreprises s'établira,
à l'horizon de cinq ans, à plus de 35 % en moyenne. Mais ce chiffre moyen dissimule des effets beaucoup plus massifs
pour certains secteurs. Ainsi, cette réforme favorisera les secteurs de main-d'oeuvre : la taxe professionnelle baissera
de près de 50 % dans le bâtiment et les travaux publics, de plus de 40 % dans le commerce, de plus de 50 % dans les
services en général, contre une diminution de l'ordre de 20 % dans l'industrie.
Elle favorisera également les petites et moyennes entreprises : la baisse de la taxe professionnelle sera en moyenne
de 40 % dans les entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires, et seulement de 25 % dans
les entreprises réalisant plus de 500 millions de francs de chiffre d'affaires.
Dès 1999, les entreprises petites et moyennes bénéficieront d'une suppression totale de la part salariale de la taxe
professionnelle. Ainsi, 70 % des établissements imposés - c'est-à-dire 820 000 sur un total de 1 200 000
établissements - seront complètement dégrevés de taxe professionnelle sur les salaires, et 80 % de la baisse de cette
taxe iront aux entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires.
J'insiste sur ce point, parce que la mesure que le Gouvernement vous propose est plus efficace en ce qui concerne
l'emploi que la baisse indifférenciée du taux de l'impôt sur le bénéfice des sociétés que vous préconisez. En effet, ce
sont les entreprises du secteur tertiaire et les PME qui créent les emplois aujourd'hui. C'est ainsi que les 280 000
emplois créés depuis le mois de juin 1997 l'ont été, pour l'essentiel, dans le secteur tertiaire, alors que l'industrie est
restée à peu près stable. Par ailleurs, depuis 1981, les entreprises de moins de 200 salariés ont créé 1 300 000
emplois, tandis que les entreprises de plus de 200 salariés en ont détruit plus d'un million.
Par conséquent, j'espère vous avoir convaincu que cette réforme est bonne pour l'emploi, en ce qu'elle profite
principalement aux entreprises qui créent des emplois.
Vous me posez une autre question, monsieur le sénateur, sur la compensation de la baisse des ressources pour les
collectivités locales. Vous avez émis, à cet égard, l'idée d'une dotation de l'Etat évoluant comme la dotation globale de
fonctionnement, c'est-à-dire d'une dotation qui suivrait la hausse des prix et 50 % de la croissance de la production
nationale.
La proposition du Gouvernement est bonne pour les collectivités locales de deux points de vue.
D'une part, la base proposée est à la fois prévisible et dynamique. Ainsi, pour les cinq années passées, de 1992 à
1997, si le dispositif préconisé par le Gouvernement avait été en vigueur, il aurait été plus avantageux, puisque la
progression des bases de la DGF a été de 12 %, alors que la base assise sur les salaires n'a progressé que de 10,5
%.
D'autre part, nous prévoyons un élément de péréquation, puisque les collectivités situées dans des zones en difficulté
ou confrontées à des restructurations industrielles bénéficieront d'une compensation qui stabilisera cette part de la taxe
professionnelle.
Les communes qui connaissent une croissance vive bénéficieront également de cette compensation, ainsi que du
produit de la taxe professionnelle sur les investissements, assiette dynamique qui constitue les deux tiers de la base
de la taxe professionnelle et qui, sur la période pourtant assez terne allant de 1992 à 1997, a progressé de 30 %.
Le risque que vous soulignez d'un nouvel alourdissement de la fiscalité sur les ménages me paraît donc infondé :
comme nous pourrons l'observer ensemble, il n'y aura pas de perte de ressources pour les collectivités locales.
Quoi qu'il en soit, nous aurons l'occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, de débattre de tout cela bientôt,
puisque le projet de loi de finances va être prochainement soumis à la Haute Assemblée.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien compris votre argumentation. Vous m'autoriserez cependant
à être un peu nuancé, compte tenu des exemples que vous avez choisis : il ne faut pas oublier que, dans les
entreprises que vous avez citées, l'écrêtement par la valeur ajoutée a une incidence relativement importante,
particulièrement dans les sociétés qui réalisent moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires.
Sur ce point - mais nous aurons l'occasion d'en discuter à nouveau - il sera important de constater les effets réels de la
réforme, la première année de son application. En effet, les quelques simulations qui ont été menées jusqu'à présent
font apparaître que la diminution est souvent compensée, dans ce type d'entreprise, par l'écrêtement par la valeur
ajoutée.
Agir sur l'impôt sur les sociétés aurait présenté un avantage : cela se serait traduit par une diminution réelle et effective
en direction des entreprises et par une amélioration de leur trésorerie et de leur capacité à investir.
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