Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 15/10/1998

Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les projets annoncés de transfert ou de délocalisation d'un certain nombre d'activités existantes sur la plate-forme aéroportuaire d'Orly. Les conséquences de telles décisions, si elles devenaient effectives, seraient particulièrement préjudiciables au maintien de nombreux emplois directs et indirects générés par les agents économiques implantés sur l'aéroport. Un exemple en est la délocalisation évoquée d'Air France Industrie qui affaiblirait le potentiel économique et humain du Val-de-Marne, ce qui suscite une émotion compréhensible et une réprobation forte dans ce département. De nombreux élus estiment à juste titre qu'il faut que reste à Orly l'entretien des avions, activité des moins nuisantes au demeurant, et des plus utiles à l'économie locale. C'est pourquoi elle lui demande que soit conduite une large consultation avec tous les acteurs concernés, étudiant, comme le propose M. le président du conseil général du Val-de-Marne, toutes les coopérations possibles pour préserver et assurer le développement de cette entreprise et, plus généralement, de la plate-forme d'Orly. Elle lui demande donc de lui faire part de ses intentions en la matière.

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Réponse du ministère : Équipement publiée le 21/10/1998

Réponse apportée en séance publique le 20/10/1998

M. le président. La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 326, adressée à M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement.
Mme Hélène Luc. Avec plus de 240 000 mouvements d'avions transportant 25 millions de passagers, avec 30 000 emplois
directs, sans doute le double en emplois induits, l'aéroport international d'Orly, deuxième aéroport français, constitue d'évidence le
poumon économique du Val-de-Marne.
Mais il s'agit de bien plus. Sa localisation au sud de Paris, complémentaire de Roissy au nord, constitue, ou plutôt
devrait constituer, dans un contexte de forte progression du trafic, un atout de premier plan pour les compagnies et tout
le secteur du transport aérien.
Car, paradoxalement, ce qui est en cause aujourd'hui, c'est le devenir même d'Orly, c'est l'enclenchement d'une
nouvelle dynamique, d'un nouveau départ, tant les évolutions et les décisions des dernières années, sur fond de
déréglementation que nous avons combattue ensemble, ont mis à mal cette plate-forme aéroportuaire.
J'en veux pour preuve que, depuis 1990, le nombre de mouvement d'avions a augmenté de 24 %, tandis que le nombre
de passagers stagnait à 3 %.
En 1994, un avion emportait à Orly, en moyenne, 138 passagers. En 1997, ce chiffre est tombé à 108 passagers,
provoquant, outre la perte de 9 % d'emplois - soit 7 000 à 8 000 au total - une véritable saignée ainsi qu'une dégradation
de l'environnement et de la tranquillité de quelque 200 000 riverains victimes des nuisances provoquées par cette
multiplication de mouvements non assortie de passagers supplémentaires.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins : ou bien Orly devient un
aéroport de seconde zone - si devait perdurer cette logique destructrice - ou bien la vapeur est renversée, ce qui signifie
que cessent le déclin et l'hémorragie d'emplois. Nous y parviendrons en valorisant les atouts, en nous appuyant sur des
coopérations nouvelles, en misant sur une stratégie de développement et de complémentarité. Vous venez de répondre
en ce sens à M. Jean-Jacques Robert.
En l'occurrence, notre compagnie nationale Air France a un rôle important à jouer en maintenant et en développant de
manière concomitante une exploitation équilibrée sur les deux aéroports.
Le départ récent pour Roissy d'activités comme le fret cargo d'Air France, d'ailleurs déjà programmé, ou comme La
Poste, a encore affaibli le potentiel d'Orly. Je ne vous cache pas l'inquiétude existante dans le Val-de-Marne quant aux
conséquences possibles de la limitation des vols longs courriers à 5 000 kilomètres au maximum ou de la
délocalisation éventuelle d'Air France Industries, qui exerce une activité de maintenance au demeurant des moins
nuisantes et des plus utiles à l'économie locale. De telles décisions ne risquent-elles pas d'aller à l'encontre de cette
nouvelle dynamique à laquelle je vous sais pourtant très attaché, monsieur le ministre ? Vous avez d'ailleurs été le
premier à engager à ce sujet une concertation sérieuse avec les élus et les acteurs concernés.
M. le président. Posez votre question, madame.
Mme Hélène Luc. Je termine monsieur le président. Ma question sera d'ailleurs très brève.
La semaine dernière, je participais à nouveau à cette concertation notamment avec le président du conseil général et de
nombreux maires de communes riveraines. Vous avez annoncé un certain nombre d'orientations positives et formulé
des propositions de développement pour la plate-forme d'Orly.
Aujourd'hui, compte tenu de la forte et compréhensible inquiétude qu'éprouvent les salariés, les habitants et les élus au
terme de cette longue période de mauvais coups répétés, de promesses non tenues et de la dégradation de
l'environnement, je vous demande de confirmer et de concrétiser par des engagements précis, comme vous devez le
faire pour Air France Industries, la volonté du Gouvernement de permettre à Orly de devenir un pôle de renouveau et de
reconquête pour l'emploi et pour les usagers du transport aérien.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Madame la sénatrice, comment
l'inquiétude serait-elle absente, alors que les choix précédents condamnaient au déclin que vous avez évoqué ?
Ma démarche, celle du Gouvernement, se situe exactement à l'opposé. Elle s'inscrit dans une dynamique de
développement de l'activité et des créations d'emplois, sans négliger les contraintes d'environnement de toutes natures.
J'insiste sur le fait que la question de l'emploi se trouve au coeur de notre démarche. Roissy et Orly ont chacun leurs
atouts et l'amélioration de leur synergie représente une chance pour l'Ile-de-France, en particulier pour Orly.
La concertation que j'ai engagée, notamment avec les élus, a pour objet de faire prévaloir une autre logique que celle qui
a été suivie jusqu'à présent.
Les dispositions envisagées réserveraient Orly aux vols internationaux d'une distance inférieure à 5 000 kilomètres et à
tous les vols domestiques sans limitation de distance.
Je vous fais observer que les vols ainsi déplacés ne représenteraient que 5 % des passagers pour 6 000 créneaux
horaires, soit 3 % environ sur un total qui est, comme vous le savez, plafonné à 250 000.
J'ai dit, dès mars 1998, que je ne prendrai aucune décision susceptible de conduire à une diminution globale du nombre
d'emplois sur la plate-forme d'Orly. Je l'ai répété la semaine dernière à l'occasion de la table ronde que j'ai tenue avec
les maires des communes intéressées et avec les représentants des conseils généraux de l'Essonne et du
Val-de-Marne, ainsi que du conseil régional. Je le réaffirme encore aujourd'hui ici.
L'emploi est lié au trafic. On considère d'ailleurs qu'un million de passagers génère un millier d'emplois directs et autant
d'emplois indirects.
Le déplacement des vols longs courriers à Roissy concernerait environ un million de passagers en deux ans.
Encore faut-il préciser que ces vols seront remplacés par des vols courts et moyens courriers, sur des destinations
nationales et européennes, par exemple Barcelone et Zurich, pour lesquelles les compagnies préfèrent faire atterrir
leurs avions à Orly. Le nombre de passagers ainsi concernés sera de l'ordre de 400 000. A cela, il convient d'ajouter le
possible rapatriement de Roissy sur Orly des vols longs courriers à destination des départements d'outre-mer
actuellement envisagé par Air France et Aéroports de Paris ; rapatriement qui représente 600 000 passagers environ.
Enfin, la croissance naturelle du trafic des liaisons pérennes d'Orly, notamment celles du marché intérieur français,
peut être chiffrée à 500 000 passagers par an au minimum.
C'est donc dans une perspective de croissance que se situe cette réorganisation du trafic.
En outre, Air France, qui a identifié des capacités de développement dans le domaine industriel, plus particulièrement
pour l'entretien des équipements d'avions, est prête à étudier la localisation d'Air France Industries avec les collectivités
locales concernées qui se sont d'ailleurs proposées, sur ce sujet, à apporter leur concours - je pense essentiellement
aux départements de l'Essonne et du Val-de-Marne et à la région d'Ile-de-France. En effet, Air France Industries est
actuellement installée dans des locaux anciens et trop petits.
Après avoir envisagé, comme vous le savez, madame la sénatrice, le déplacement de cette entité, Air France est prête
à maintenir cette dernière sur Orly.
Cette démarche prendra en compte les différents facteurs économiques, notamment l'enjeu que représente l'emploi.
Il s'agit là d'une manifestation nette de la volonté d'Air France de ne pas se désengager d'Orly.
Je saisis d'ailleurs cette occasion pour préciser qu'Air France demande elle aussi des créneaux sur Orly : elle en a
réclamé près de 10 000.
Pour confirmer cette orientation, et conformément à mon souhait, le président de la compagnie nationale prend
l'engagement qu'à l'avenir le nombre d'emplois de l'entreprise sur cette zone sera maintenu au moins au niveau qui sera
atteint le 1er janvier 1999. Le maintien de l'essentiel du potentiel d'Air France Industries sur le site de la plate-forme
permettra d'y parvenir.
Si des évolutions ou des transferts limités devaient intervenir, ils seraient compensés en termes d'emplois par des
développements possibles dans des domaines tels que l'informatique, le secteur commercial, etc...
J'ajoute que les effectifs de contrôleurs de la navigation aérienne situés à Athis-Mons, qui ont augmenté de 12 % au
cours des trois dernières années, poursuivront leur croissance en 1999 et en l'an 2000.
Sachez, madame la sénatrice, que j'entends non seulement donner un coup d'arrêt définitif à la diminution des activités
d'Orly, mais encore engager la plate-forme et sa zone d'influence dans une dynamique de croissance.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, je vous remercie de la réponse que vous venez de m'apporter. Si elle ne
saurait dissiper immédiatement toutes les inquiétudes qui se sont accumulées pendant des années, j'y trouve
néanmoins l'affirmation nette d'orientations nouvelles, d'une volonté de mettre un terme à la spirale du déclin et de la
perte d'activité et d'emploi. Elle affirme la volonté de redonner à l'aéroport d'Orly tout son rôle dans un environnement de
croissance forte du transport aérien au sein duquel la France veut prendre toute sa place. Le gel et le maintien des
emplois d'Air France Industries, la nécessité que vous évoquez d'investissements nouveaux dans ce secteur de la
maintenance constituent un acte concret auquel tous les acteurs du Val-de-Marne auront à coeur d'être associés.
D'ailleurs, le conseil général du Val-de-Marne et le conseil régional d'Ile-de-France sont en train de réfléchir à la
contribution qu'ils pourraient apporter pour maintenir ce site sur place.
Cela permettra de mettre en oeuvre les coopérations et les synergies fructueuses, et ce, dans une transparence et une
concertation maximales avec tous les partenaires.
Monsieur le ministre, ce dossier doit être suivi avec toute l'attention, la volonté et la ténacité requises. Je ne doute pas
que vous en fassiez preuve, avec toutes celles et tous ceux qui aspirent, dans le respect de l'environnement, à la
réussite économique et humaine d'un pôle à vocation locale, départementale et nationale abritant une activité
essentielle pour notre pays.

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