Question de Mme POURTAUD Danièle (Paris - SOC) publiée le 11/06/1998
Mme Danièle Pourtaud attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur l'intérêt que pourraient présenter les " logiciels libres " pour le plan EDUCNET. En effet, à notre connaissance, aucune recommandation n'a été faite concernant les logiciels à utiliser dans le cadre de ce plan. Or, un vaste mouvement international en matière de " logiciels libres " se met actuellement en place avec le développement rapide du système d'exploitation Linux et la mise dans le " domaine public " des codes sources de Netscape. Les " logiciels libres ", d'excellente qualité, présentent un triple avantage : ils sont gratuits ; ils peuvent être améliorés (car leur code source est disponible) pour s'adapter aux besoins spécifiques des internautes et peuvent donc servir de base à la réalisation d'outils pédagogiques ; le plus gand nombre peut ensuite bénéficier de ces modifications puisque celles-ci demeurent dans le domaine public. En outre, compte tenu de l'importance de la compétitivité économique européenne, la France a prévu de diffuser au sein de l'Union européenne un mémorandum sur la nécessité de doter les écoles des outils d'accès à l'information. Ajoutons que le monopole de facto de Microsoft sur les systèmes d'exploitation et sur les principaux logiciels d'application (traitement de textes, tableurs) est devenu un sujet de préoccupation internationale, le gouvernement fédéral américain ayant engagé des poursuites contre cette entreprise au titre de la loi antitrust pour abus de position dominante. Elle lui demande s'il ne lui paraît pas souhaitable, dès maintenant, que l'action publique en matière de logiciels d'exploitation, de navigation sur Internet et de logiciels d'application s'appuie sur une politique concertée et coordonnée, tant au niveau national qu'au niveau européen. Dans ce cadre, elle lui demande s'il ne convient pas de privilégier les " logiciels libres "
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Réponse du ministère : Éducation publiée le 26/11/1998
Réponse. - Le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie est pleinement conscient de l'intérêt que présente le mouvement qui se développe en faveur des " logiciels libres " et de l'importance que pourrait revêtir leur usage, que ce soit pour les infrastructures administratives et pédagogiques du système éducatif ou plus généralement pour l'économie nationale. (L'appellation " logiciels libres " s'étend de logiciels fournis avec leur code source, gratuits ou non, librement modifiables et redistribuables sous réserve de préserver cette propriété, dans des conditions définies précisément par leurs licences respectives.) Cependant, l'arrivée à maturité très récente de ces ressources nouvelles pose plusieurs problèmes quant à l'appréciation de leur validité, de leur domaine d'application ou quant à la formation à leur usage ; il convient de les étudier avec attention. Dans le contexte actuel de généralisation de l'usage des technologies d'information et de communication dans l'enseignement, la plupart des intervenants ont reçu une formation sur des équipements et logiciels du marché. L'utilisation des " logiciels libres ", notamment en ce qui concerne les postes de travail directement utilisés pour la formation des élèves, ne pourrait se faire qu'après un assez long délai, nécessaire pour l'adaptation de la formation des personnels enseignants ou administratifs. Pourtant, de nombreuses initiatives locales ont d'ores et déjà vu le jour dans ce domaine, conduisant à l'utilisation du système Linux par certains établissements ou à mener diverses expériences, y compris dans des écoles primaires. Des structures chargées du recensement des ressources, de la formation, et de l'assistance aux prescripteurs ont déjà commencé elles aussi, à prendre en compte les " logiciels libres " dans les secteurs où leur mise en uvre pose le moins de problèmes en termes formation notamment, comme par exemple l'installation de serveurs. L'action de ces structures s'inscrit très directement dans le projet Educnet. Ces actions, prises à l'initiative des acteurs du terrain, ont rencontré un écho favorable de la part des services du ministère et leur développement ne peut qu'être encouragé. Elles constituent en effet des bases d'expérimentation dont il sera possible de tirer d'utiles enseignements. Pour approfondir sa réflexion face à ce phénomène nouveau et pour en mieux saisir la nature, les ressorts et les implications, le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie a pris un certain nombre d'initiatives. Ainsi par exemple, un accord a été signé avec l'Association Francophone des Utilisateurs de Linux et de logiciels libres (AFUL), portant sur ce que pourrait être le déploiement des " logiciels libres " dans tous les secteurs d'utilisation des TICE au sein de l'éducation nationale, ainsi que sur les questions de formation des personnels et sur les possibilités d'implication des entreprises françaises concernées par ces développements. De même, le ministère réfléchit aux dispositions concrètes qu'il faudrait prendre pour faire en sorte que l'offre des éditeurs de contenus éducatifs soit réalisée dans des formats compatibles avec les diverses plates-formes envisageables pour le système éducatif, y compris les plates-formes libres et faire ainsi évoluer la spécialisation autour d'une plate-forme unique de l'offre actuelle, particulièrement en ce qui concerne les cédéroms. Enfin, le développement de ressources pédagogiques libres, déjà observable sur l'internet, est également une évolution à prendre en compte. Il est important de recenser ces ressources et d'organiser leur évaluation et leur diffusion, voire d'encourager leur création par des dispositions appropriées. Là encore, il convient de bien comprendre la nature de cette évolution nouvelle pour éviter des mesures inutiles ou nuisibles à ces contributions. L'ensemble de ces actions et de ces réflexions, conduites au niveau national, devrait permettre de mieux cadrer les perspectives ouvertes par l'apparition des " logiciels libres " et d'entamer, le moment venu, une indispensable concertation au niveau européen. Cependant, même si le recours aux logiciels libres peut, semble-t-il, favoriser une certaine liberté d'action en matière d'informatique, s'il peut offrir des occasions d'accéder aux ressources pédagogiques à moindre coût et s'il peut aussi, en stimulant la créativité des auteurs de logiciels, favoriser ou susciter la création de jeunes entreprises de technologies, il ne serait pour autant ni réaliste ni souhaitable d'envisager une migration de l'ensemble du système éducatif dans le cadre exclusif des " logiciels libres ", avec le risque de figer l'éducation nationale dans un seul type de solution technologique, voire de la couper des technologies utilisées par les entreprises. Le rôle de l'Etat dans ce domaine comme ailleurs est de se montrer impartial, tout en restant attentif à l'évolution technologique. A cet effet, il doit s'attacher à préserver et à garantir la multiplicité et la diversité de l'offre, sans privilégier aucune solution.
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