Question de M. HURIET Claude (Meurthe-et-Moselle - UC) publiée le 04/06/1998

M. Claude Huriet appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation des ethnies Chakmas et Hajongs vivant en Arunachal Pradesh (Inde) et auprès desquelles oeuvrent des associations françaises. Ces ethnies, fortes d'environ un million de personnes, ont été intégrées contre leur gré, lors de la partition de l'Inde en 1947, dans une région appartenant aujourd'hui au Bangladesh. Ayant fait l'objet de violations flagrantes des droits de l'homme, plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont réfugiées en Inde où elles sont considérées, depuis, comme indésirables. Vivant pour la plupart d'entre elles dans des camps, des questions se posent quant aux conditions dans lesquelles l'aide internationale leur parvient. Il semblerait que l'association française Partage avec les enfants du monde se préoccupe de leur sort mais que l'aide financière soit détournée localement et ne profite que pour une faible part à ceux à qui elle est destinée. C'est la raison pour laquelle il lui demande de bien vouloir lui donner des informations sur la situation de ces ethnies. A-t-il connaissance des faits allégués contre les partenaires locaux de l'association Partage avec les enfants du monde ? Le cas échéant, il lui demande ce que notre pays peut faire afin de contribuer à améliorer cette situation.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 20/08/1998

Réponse. - L'honorable parlementaire a bien voulu attirer l'attention du Gouvernement sur la situation des ethnies Chakmas et Hajongs vivant en Arunachal Pradech (Inde) et auprès desquelles uvrent des associations françaises. Les Hajongs constituent une population, d'origine tibéto-birmane, des piémonts méridionaux du Megalaya. Lors du recensement de 1951, ils étaient une trentaine de milliers à être établis dans le Pakistan oriental de l'époque. Ils sont pour la plupart hindouisés ou christianisés. Nous n'avons pas d'informations particulières concernant des persécutions qui les frapperaient, ou d'une émigration récente qui les aurait menés dans des camps de réfugiés. Il est à noter que la délimitation de la frontière dans cette région (districts de Sylhet et de Mimensigh) n'a jamais été contestée. Quant aux Chakmas, il s'agit d'une tout autre population. Ils forment l'ethnie la plus nombreuse des 13 ethnies qui peuplent la haute région de Chittagong au Bangladesh. Il s'agit d'une minorité bouddhiste qui a migré de l'Arakan (Birmanie). Les Chakmas se sont vu reconnaître au début du xxe siècle une large autonomie sur leurs territoires. Ils ont marqué leurs différences avec la communauté bengalie dans plusieurs domaines, en particulier celui qui a conduit à la partition du sous-continent : la religion. L'islam n'y avait pratiquement pas fait d'adeptes. Aussi les intéressés n'ont nullement acquiescé à leur rattachement en 1974 au Pakistan. Les populations indigènes de la haute région de Chittagong ont subi depuis la partition de 1947 deux mouvements migratoires, qu'il convient de distinguer : 1. La construction du barrage de Kaptaï, en 1962, qui a provoqué l'inondation d'environ 40 % des terres cultivables de la haute région, sans que le gouvernement pakistanais n'accorde d'indemnités sérieuses aux cultivateurs lésés. Il s'ensuivit l'exil en Inde d'une centaine de milliers de personnes, principalement Chakmas. Pour des raisons propres à l'Inde, et à la suite de migrations gérées par les autorités de ce pays, ils paraissent avoir pu s'établir dans le nord de l'Assam notamment. Certains mouvements migratoires constatés ces derniers mois dans la haute région laissent à penser qu'une part de ces exilés des années 60 pourraient vouloir aujourd'hui y revenir. Ils sont accueillis avec bienveillance mais leur nombre reste limité. Il semble que les émigrés d'Arunachal Pradesh souhaitent en fait s'intégrer à l'Union indienne. La Cour suprême leur aurait reconnu le droit à la nationalité indienne, mais cette décision aurait fait l'objet de contestations. Ils subiraient une certaine forme de discrimination de la part des populations qu'ils côtoient. 2. L'émigration des années 80 est sensiblement différente. Elle a fait suite à l'insurrection des peuples indigènes, elle-même provoquée par l'entreprise de colonisation, particulièrement active à la fin des années 70 et au début des années 80, de la haute région de Chittagong par les Bengalis des plaines. Une soixantaine de milliers de personnes ont ainsi dû trouver refuge au Tripura et au Mizoram indiens. Etablis dans ces camps gérés par les autorités indiennes (à l'exclusion de toute intervention extérieure, en particulier celle du HCR), ils ont pour la quasi-totalité d'entre eux choisi de rentrer après la signature, le 2 décembre 1997, de l'accord de paix intervenu entre les insurgés autonomistes et les autorités de Dacca. Les autorités bangladaises viennent d'organiser (20-21 juin 1998) une conférence internationale pour appeler la communauté internationale à participer avec elle à la réinstallation de ces rapatriés. Ces derniers ont déjà reçu l'essentiel des secours matériels promis par les accords susvisés. Nous n'avons pas manqué de souligner que l'accord de paix du 2 décembre 1997 constitue un grand succès susceptible de restaurer la paix dans cette région. Dans le cadre de l'Union européenne, une déclaration de la présidence, le 19 décembre 1997, a félicité vivement le gouvernement du Bangladesh et le PCJSS (le mouvement politique autonomiste) d'avoir mené à bien le processus engagé par les précédents gouvernements pour régler le conflit de la haute région de Chittagong. Nous sommes convaincus qu'une mise en uvre rapide de l'accord favorisera le développement pacifique de la région, ce qui profitera à tous ceux qui y vivent. L'Union européenne a souligné l'importance qu'elle attache à ce que les institutions des Nations Unies jouent un rôle substantiel dans la mise en uvre de l'accord. S'agissant de l'association Partage avec les enfants du monde, elle intervient dans une dizaine de pays, en Asie, en Afrique et en Amérique latine, principalement au profit de l'enfance. Elle privilégie le parrainage, individuel ou collectif, afin de soutenir l'accueil et la scolarisation d'enfants démunis. Présente en Inde depuis plus de dix ans, Partage avec les enfants du monde apporte son soutien aux enfants de la communauté Chakmas en finançant notamment un pensionnat dans l'Etat de l'Arunachal Pradesh. Le ministère des affaires étrangères a été alerté récemment à propos de dysfonctionnements qui pourraient affecter le bon déroulement de ce programme. Reçues à leur demande au cabinet du ministère délégué à la coopération et à la francophonie, deux personnes ayant coopéré avec cette association ont mis en cause le comportement de certains de ses partenaires locaux, au sein même de la communauté Chakmas, qui procéderaient au détournement d'une partie des fonds gérés par Partage avec les enfants du monde. Une enquête diligentée par notre consultat général à Calcutta indique qu'il n'est possible ni d'infirmer, ni de confirmer ces allégations. Le représentant local de l'association a, par le passé, participé aux pressions exercées par les autorités indiennes en faveur du retour des Chakmas au Bangladesh. Il faut préciser que ce programme ne bénéficie d'aucune subvention directe des pouvoirs publics français. Son budget, selon les informations dont dispose mon département ministériel, est alimenté par le parrainage et par un cofinancement de l'Union européenne.

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