Question de Mme DERYCKE Dinah (Nord - SOC) publiée le 25/06/1998
M. Dinah Derycke appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la situation sociale de l'usine de Gec-Alsthom Stein Industrie sise à Lys-lez-Lannoy, dans le département du Nord. A plusieurs reprises, un collectif regroupant cinq parlementaires du Nord a attiré l'attention de la direction de cette entreprise sur les inquiétudes procédant de l'annonce d'une réduction de moitié du nombre d'heures de travail annuel. Face au développement annoncé de l'activité de valorisation des déchets, aux résultats positifs de l'entreprise, et à la volonté affichée de la direction de développer l'emploi, un plan social paraîtrait inacceptable. Alors qu'un mouvement de certification sociale des entreprises tend à se développer au niveau mondial, que ces entreprises ont intérêt à intégrer, en amont, ces thèmes dans leur stratégie globale, l'aide du Gouvernement est nécessaire pour imposer une éthique sociale à la société Gec-Alsthom Industrie dont l'activité est pour partie fondée sur des fonds publics. Depuis 1993, les résultats d'exploitation de l'usine ont connu une hausse extrêmement importante et, parallèlement, les effectifs ont été réduits de façon drastique. L'affirmation par la direction de la mise en place d'un pôle de valorisation des déchets autour du site, preuve s'il en fallait du développement de l'activité du groupe, ne justifie aucunement la réduction d'effectifs prévue. De nombreuses études récentes montrent en outre que la gestion du personnel, et ce notamment en période de capitalisation en bourse, est le moyen le plus pratiqué pour améliorer les résultats d'une entreprise, méthode encouragée par les milieux financiers, en dépit des conséquences néfastes que cela induit souvent pour les entreprises elles-mêmes. Enfin, la direction du groupe qui insiste dans le cadre de sa politique de communication sur le concept d'entreprise citoyenne, a communiqué en août 1997 à chaque parlementaire une plaquette publicitaire mettant l'accent sur sa responsabilité sociale. Elle lui demande donc de tout mettre en oeuvre pour éviter, dans cette région déjà sinistrée, un nouveau plan social.
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Réponse du ministère : Industrie publiée le 21/10/1998
Réponse apportée en séance publique le 20/10/1998
M. le président. La parole est à Mme Derycke, auteur de la question n° 305, adressée à M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le secrétaire d'Etat, à mon tour, je souhaite vous interpeller sur la situation sociale de
l'usine Alsthom Energy System SA installée à Lys-lez-Lannoy, ma commune, dans le département du Nord, usine plus
connue sous le nom de Stein Industrie, tant ce nom fait partie intégrante du patrimoine industriel du versant nord-est de
l'agglomération lilloise.
A plusieurs reprises, un collectif regroupant cinq parlementaires du Nord - il s'agissait de M. Hascoët, dont c'est la
circonscription, de MM. Baert et Balduyck, élus de circonscriptions voisines, de notre collègue M. Renar et de
moi-même - a attiré l'attention de la direction de cette entreprise sur les inquiétudes procédant de l'annonce d'une
réduction de moitié du nombre d'heures de travail annuel.
Face au développement annoncé de l'activité de valorisation des déchets, aux résultats positifs de l'entreprise et à la
volonté affichée de la direction de développer l'emploi, un plan social me paraît inacceptable.
Alors qu'un mouvement de certification sociale des entreprises tend à se développer au niveau mondial, que ces
entreprises ont intérêt à intégrer, en amont, ces thèmes dans leur stratégie globale, nous avons besoin de l'aide du
Gouvernement pour imposer une éthique sociale à la société Alsthom Energy System dont l'activité est pour partie
fondée sur des fonds publics.
Depuis 1993, les résultats d'exploitation de l'usine ont connu une hausse extrêmement importante et, parallèlement, les
effectifs ont été réduits de façon drastique. L'affirmation par la direction, en juin dernier, de la mise en place d'un pôle de
valorisation des déchets autour du site, pôle d'excellence, preuve s'il en fallait du développement de l'activité du groupe,
ne justifie aucunement la réduction d'effectifs prévue.
De nombreuses études récentes montrent en outre que la question du personnel, et ce notamment en période de
capitalisation en bourse, est le moyen le plus pratiqué pour améliorer les résultats d'une entreprise, méthode
encouragée par les milieux financiers, en dépit des conséquences néfastes que cela induit souvent pour les entreprises
elles-mêmes.
Par ailleurs, la direction du groupe, qui insiste, dans le cadre de sa politique de communication, sur le concept
d'entreprise citoyenne, a communiqué en août 1997 à chaque parlementaire une plaquette publicitaire mettant l'accent
sur sa responsabilité sociale.
Nos choix économiques constituent véritablement des choix de société. Lionel Jospin, à l'occasion du colloque du parti
des socialistes européens du 3 octobre, soulignait que « l'Europe doit désormais s'affirmer comme une base de
reconquête d'une véritable régulation ».
Cette régulation doit commencer dans notre pays. Nous devons nous demander si une entreprise qui fait du bénéfice
est en droit de licencier, si elle peut légitimement, par un moyen ou par un autre, précariser, notamment par des
mesures d'externalisation, la situation de ses employés.
En effet, au-delà des licenciements et des mesures de restructurations, les transferts d'activités ont de très lourdes
répercussions sociales en termes d'emplois, de rémunérations, de conventions collectives, de représentation syndicale.
Ce phénomène d'externalisation qui gagne aujourd'hui toute la France à l'instar de la société Alsthom Energy System,
redessine les contours de l'entreprise. L'Etat se doit d'être extrêmement vigilant sur ce dossier, sauf à ce que soient
détournés rapidement les régulations et garde-fous qu'il a déjà fixés.
De surcroît, dans le cadre de ce transfert d'activités, l'entreprise Alsthom Energy System impose de telles réductions
des coûts aux entreprises sous-traitantes que cela constitue une menace réelle à moyen terme sur sa volonté de
maintenir l'emploi.
M. le président. Veuillez poser votre question, madame.
Mme Dinah Derycke. Par ailleurs, alors que la direction réaffirme sa priorité pour l'emploi, elle repousse régulièrement
les propositions syndicales de négociation relatives à la réduction du temps de travail.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande donc de tout mettre en oeuvre pour éviter, dans cette région déjà
sinistrée, un nouveau plan social, une nouvelle précarisation du travail.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, permettez-moi d'exprimer à mon tour la
satisfaction que j'éprouve à répondre aux questions de Mmes et MM. les sénateurs sous votre présidence de séance.
Madame le sénateur, comme vous l'avez indiqué, Stein Industrie est filiale à 100 % de GEC Alsthom. Cette société est
spécialisée dans la fabrication de chaudières à combustibles fossiles de forte puissance, d'une part, et d'incinérateurs,
d'autre part.
La société possède deux sites dédiés à cette activité : celui de Vélizy, en région parisienne, qui est un centre de
conception et d'ingénierie, et celui de Lys-lez-Lannoy, dans le Nord, qui est chargé de la fabrication de ces unités.
Le marché des usines de production d'énergie électrique composées de chaudières de grande puissance à
combustibles fossiles est presque entièrement concentré, aujourd'hui, en Asie du Sud-Est et aux Etats-Unis. La
concurrence acharnée sur ces marchés, notamment en Asie, et l'émergence de nouveaux opérateurs privés de
production d'énergie ont conduit à une baisse assez étonnante des prix de vente, de l'ordre de 50 % en quelques
années. Et ce marché lui-même pâtit depuis quelques mois de la crise économique que connaît l'Asie du Sud-Est.
Le centre d'activité de Lys-lez-Lannoy est consacré aux unités des usines d'incinération. Le « tout incinération » que
certains avaient pu envisager n'est pas le scénario retenu. La volonté des pouvoirs publics est d'assurer la gestion la
plus équilibrée possible des déchets en faisant appel à l'ensemble des filières de traitement, ainsi que le montrent les
récentes instructions adressées aux préfets par ma collègue Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement. Le recours aux usines d'incinération reste naturellement utile et nécessaire, mais il se fera à un
rythme inférieur à celui du passé.
Par ailleurs, vous le savez aussi, les marchés étrangers que la France - et Alsthom, en particulier - peuvent conquérir
sont maintenant presque toujours assortis de clauses de fabrication locale et de transferts de technologie, en tout cas
d'une contrepartie dans les pays d'insertion. De ce fait, pour un même montant global d'affaires, la part industrialisée en
France se réduit.
Il existe donc - il faut être vrai dans le propos - un problème important de charge de travail pour l'usine de
Lys-lez-Lannoy, qui a conduit la direction de l'entreprise à envisager de redimensionner la capacité de production du
site.
Cependant, madame le sénateur, l'entreprise réfléchit en même temps à la création sur le site d'un pôle de compétence
sur les métiers de l'environnement, axé plus particulièrement sur le secteur du traitement des déchets et destiné, par la
mise en oeuvre de synergies industrielles entre Alsthom et les équipementiers qui lui seront associés, à accroître
l'efficacité de cette filière industrielle et à permettre la conquête de nouveaux marchés.
Je suis, comme vous, conscient des conséquences de cette évolution sur le devenir de la filière française de
l'incinération, mais aussi sur la situation de l'emploi de la commune de Lys-lez-Lannoy.
Je suivrai avec une particulière attention la mise en place de ce pôle de compétence sur les métiers de l'environnement,
en veillant à ce que les potentialités que son développement implique en termes d'emploi et d'activité industrielle
puissent se concrétiser rapidement et dans les meilleures conditions - sociales, notamment - avec la perspective, que
vous avez évoquée dans votre question, de l'aménagement et de la réduction du temps du travail.
Mon cabinet recevra dans quelques jours - le 28 octobre prochain - les organisations syndicales représentatives. Je
maintiendrais le contact avec elles, mais aussi avec les élus et avec vous, si vous le souhaitez, afin d'évoquer avec
l'ensemble des partenaires les perspectives de développement de cette nouvelle filière des métiers de l'environnement.
Nous aurons donc l'occasion, si vous le souhaitez, de reparler très vite de ce dossier.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Si je ne doute ni de votre volonté ni de votre détermination, permettez-moi cependant de douter quelque peu de celles
de l'entreprise concernée. Ainsi, s'agissant de l'établissement de Villeurbanne, dont nous venons d'évoquer le cas, ou
des activités situées à Belfort, au sujet desquelles M. Dreyfus-Schmidt vous a également posé une question, on se
rend compte que le dialogue social n'est pas excellent. Une procédure judiciaire n'est-elle pas en cours à l'entreprise de
Villeubanne, comme à Lys-lez-Lannoy ?
Entre la détermination que vous affichez et les intentions exprimées par la direction de l'entreprise, la nécessité se fait
sentir de clarifier la situation.
Toutefois, je retiens les propositions que vous nous avez faites et je suis certaine de votre volonté, monsieur le ministre.
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