Question de M. DESCOURS Charles (Isère - RPR) publiée le 29/04/1998
M. Charles Descours attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'application du décret no 94-564 du 6 juillet 1994 qui fait obligation à la CARMF de disposer d'au moins trois mois de trésorerie sur le régime ASV (avantage social vieillesse). Or la CARMF ne disposerait plus, aujourd'hui, que de deux à trois semaines de réserves. Le déficit de ce régime devant être de 400 à 500 millions de francs d'ici à la fin de 1998, le paiement de 40 % de ces pensions risque fortement de se poser dès le début de 1999. Il lui demande donc de lui indiquer la solution qu'elle envisage de prendre pour assurer le paiement de toutes les pensions dues.
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Réponse du ministère : Emploi publiée le 20/05/1998
Réponse apportée en séance publique le 19/05/1998
M. le président. La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 255, adressée à Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité.
M. Charles Descours. Madame la ministre, je voudrais vous interroger à propos de la Caisse autonome de retraite des
médecins français, la CARMF. Ce n'est pas la première fois que je m'inquiète de la situation de cette caisse de retraite,
puisque j'avais suggéré à Mme Veil, également par le biais d'une question orale, de demander un audit à la Cour des
comptes. Cela n'a pas été fait.
Un décret n° 94-564, en date du 6 juillet 1994, a été pris, qui fait obligation à la CARMF de disposer d'au moins trois
mois de trésorerie sur le régime « avantage social vieillesse ». Or j'ai appris que la CARMF ne disposerait plus que de
deux à trois semaines de réserves, voire moins. Le déficit de ce régime devrait atteindre 400 à 500 millions de francs
d'ici à la fin de 1998, et le problème du paiement de 40 % des pensions risque fortement de se poser dès le début de
1999.
Je voudrais d'abord savoir quelle est la situation de ce régime et ce que vous envisagez de faire pour la connaître avec
exactitude, car elle donne lieu à polémique depuis de nombreuses années. Les opposants d'il y a trois ans ont accédé
aux responsabilités, et le plus notable d'entre eux est devenu président. Quelles sont les modifications envisagées pour
remédier, sous votre contrôle, aux difficultés rencontrées par la CARMF ? Ces modifications ne risquent-elles pas
d'amputer les retraites actuellement servies, comme le craignent les auteurs de plusieurs lettres que j'ai reçues à ce
propos ? Enfin, compte tenu de la situation de ce régime, un plafonnement de la compensation nationale versée par la
CARMF est-il envisagé ? Par ailleurs, je poserai dans quelques jours une question sur le MICA, dont la situation n'est
pas meilleure.
Depuis que j'ai annoncé le dépôt de la présente question orale, de nombreux médecins m'ont fait part de leur intérêt non
pas pour celle-ci, mais pour votre réponse, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je pense que ces médecins avaient
surtout beaucoup d'intérêt pour votre question !
M. Charles Descours. Mais non, madame...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En effet, pour l'ensemble des caisses qui ont un régime
particulier de retraite - comme pour le régime général, d'ailleurs - le Gouvernement a annoncé qu'un diagnostic devait
être établi, non pas pour en rester là mais pour lancer très rapidement une concertation, et vous verrez que c'est
commencé avec la CARMF, et, enfin, pour prendre des décisions.
Il faut que nous le fassions maintenant, après un diagnostic parce que je crois qu'il est erroné aujourd'hui de montrer du
doigt l'ensemble des régimes spéciaux. Certains sont plus favorables que le régime général, d'autres le sont moins.
Il ne faut pas seulement comparer le niveau des retraites, il faut aussi comparer le niveau des contributions que les
salariés ou les individus ont apportées à ces caisses de retraite. C'est l'ensemble de ce travail qui va être mené par le
Commissariat au Plan. Il nous permettra, à la fin de l'année, d'y voir plus clair et de lancer une grande concertation, qui
touchera à la fois le régime général et les régimes spéciaux, avant de prendre des décisions qui, nous l'espérons,
pourront être prises par chacun des régimes, en étroite concertation.
Les régimes avantage social vieillesse dont bénéficient l'ensemble des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés
ont été mis en place, comme vous le savez, au début des année soixante, lors de la généralisation des relations
conventionnelles entre les caisses et les médecins. Ils ont été transformés en régime obligatoire en 1970 et ils sont
très avantageux.
D'abord, l'assurance maladie participe de façon très importante au financement de ces régimes, puisqu'elle paie les
deux tiers de la cotisation, je crois qu'il faut le rappeler aujourd'hui. Cela représente une charge de plus de un milliard de
francs et je ne manque pas de le rappeler aux syndicats de médecins à chaque fois que je les vois.
Le rendement est très élevé. Si je prends l'exemple des médecins, qui n'est pas le plus frappant, le rendement de l'ASV
est de 16,50 %, et de 49,50 % si l'on prend en compte le fait que les médecins conventionnés ne paient qu'un tiers de
leur cotisation. Pour référence, je rappelle qu'à terme le rendement des régimes ARRCO et AGIRC sera de 7,2 %. Nous
sommes devant des rendements élevés.
Ces régimes subissent un double choc, comme vous l'avez dit. Ils arrivent à pleine maturité, les allocataires qui partent
actuellement en retraite ayant pu acquérir des droits durant une carrière complète. Par ailleurs, on constate une
dégradation de leur rapport démographique, ce qui n'est pas particulier à ces régimes.
En ce qui concerne plus précisément la CARMF, les projections démographiques montrent que le nombre d'allocataires
sera multiplié par 3,5 d'ici à 2030, alors que le nombre des cotisants devrait rester relativement stable, autour de 110
0000. Nous aurons 76 000 allocataires pour 110 000 médecins.
Ainsi le régime connaîtra des difficultés de financement croissantes qui, à législation constante, ne lui permettraient
pas de faire face à ses engagements. D'ailleurs, dès 1998, le déficit s'élèvera à près de 200 millions de francs. A
montant de cotisations et de prestations inchangé, le déficit prévisionnel cumulé serait de 200 milliards de francs d'ici à
2045. Inutile de dire que nous ne pouvons pas rester dans cette situation. Pour assurer le financement des droits, si la
valeur du service du point de retraite devait rester inchangée, et toutes choses étant égales par ailleurs, la cotisation au
régime devrait être augmentée jusqu'à atteindre cinq fois son montant actuel en 2028. Si, en revanche, le niveau actuel
de la cotisation devait être maintenu, l'équilibre du régime devrait s'effectuer, toutes choses étant égales par ailleurs, par
une réduction à 80 % des retraites. Nous voyons donc que le problème est majeur. Il faut s'y attaquer dès maintenant.
Actuellement, le conseil d'administration de la Caisse autonome de retraite des médecins français poursuit une
réflexion sur les mesures susceptibles de garantir la sauvegarde à long terme du régime vieillesse tout en assurant une
répartition équitable des efforts entre actifs et retraités. En attendant d'arrêter des propositions qui demandent une large
concertation, nous nous en sommes entretenus avec eux : ils souhaitent un relèvement du montant de la cotisation. Le
Gouvernement examine actuellement cette demande tout en étudiant naturellement l'ensemble du dossier de
l'assurance vieillesse dans le souci d'une réforme en toute équité entre actifs et retraités.
En tout état de cause - et cela ne signifie pas que nous allons retarder les mesures - je crois pouvoir dire qu'en 1998 les
réserves qui sont actuellement dans la caisse seront supérieures au déficit. Par conséquent, nous n'aurons pas de
problèmes cette année. Cependant, il est urgent de prendre des mesures structurelles. Nous sommes actuellement en
pleine concertation avec le conseil d'administration et j'espère pouvoir annoncer dans quelques semaines ces mesures
qui auront été prises avec, bien évidemment, l'accord des intéressés.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Après votre réponse, dont je vous remercie, madame la ministre, je ferai plusieurs réflexions.
En ce qui concerne les régimes spéciaux, vous avez parlé de concertation, de mesures. Mais, madame la ministre,
entre nous, mieux vaut faire prendre les décisions relativement vite, tant que l'on n'est pas en période électorale, car,
croyez-en l'expérience que nous avons eue, cela est extrêmement impopulaire !
S'agissant des régimes spéciaux, la CARMF et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales,
notamment, vont être « dans le mur » d'ici à 2005. Or, étant donné les délais pour la mise en appplication des mesures
lorsqu'elles sont prises, il faut les prendre le plus vite possible.
En ce qui concerne la CARMF, je vous ai écoutée avec beaucoup d'intérêt. Mais la cotisation au régime de base a
beaucoup augmenté depuis trois ou quatre ans ; les médecins, à tort ou à raison, ont conscience de payer déjà
beaucoup. Or j'entends que, d'une part, on va l'augmenter encore - c'est vous qui en déciderez, bien entendu - et que,
d'autre part, vous allez baisser la valeur du point de retraite. (Mme le ministre fait un signe de dénégation.) J'ai cru
comprendre, madame la ministre, que si on ne baissait pas la valeur du point de retraite on irait « dans le mur ». J'ai
reçu des lettres d'associations de retraités médecins qui étaient inquiets de cette mesure.
Nous serons, évidemment, attentifs. Ce que vous venez de dire sur les réserves nous rassure à moitié, au moins dans
l'immédiat. L'opacité de ce régime est telle, notamment en ce qui concerne les placements - voilà dix ans que cela
dure, sous différents présidents - que si nous ne voulons pas connaître la situation d'autres organismes que l'actualité
met en évidence aujourd'hui - M. le secrétaire d'Etat à la santé vient de porter plainte contre l'un d'eux - il faudrait
demander un audit.
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