Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 22/04/1998

Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur l'application des 35 heures pour les personnels de nuit hospitaliers. Dans une note en date du 13 mars 1997, la direction de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP) s'était engagée à appliquer le protocole Durieux. Quelques semaines plus tard, le 5 mai 1997, une note annulait ces engagements. Ce revirement, ainsi que le manque de moyens, sont au centre du conflit aux hôpitaux Saint-Louis, Saint-Antoine, Bicêtre, Mondor, Rothschild, Jean-Verdier, Corentin-Celton et Bichat notamment. Les personnels de Broca et d'Emile-Roux ont, suite à des mouvements, obtenu des engagements sur les effectifs. Il faudrait d'ailleurs étendre les créations de postes pour toutes les équipes de nuit, afin d'avoir immédiatement les 35 heures sans annualisation du temps de travail et d'engager la préparation d'une nouvelle baisse du temps de travail pour la nuit dans le cadre de l'extension des 35 heures annoncée par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, le 30 mars 1998, à Hôpital-Expo. Pour toutes ces raisons, elle lui demande, à l'heure où la réussite des 35 heures devrait traduire un progrès de civilisation, ce qu'il compte faire afin de rétablir un véritable dialogue avec les personnels et leurs organisations syndicales. Ce dialogue aurait pour objet d'appliquer enfin les 35 heures pour ce personnel en contact permanent avec la population et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires, afin de répondre aux besoins des personnels et des patients.

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Réponse du ministère : Formation professionnelle publiée le 06/05/1998

Réponse apportée en séance publique le 05/05/1998

Mme Nicole Borvo. Madame le secrétaire d'Etat, depuis trois mois maintenant, les personnels de nuit de différents
hôpitaux dépendant de l'Assistance publique sont en grève. Ils demandent des moyens afin de pouvoir remplir
correctement leurs missions.
En effet, chacun le sait, la surcharge des tâches, une flexibilité qui désorganise de plus en plus leur travail, ainsi que la
volte-face de la direction de l'Assistance publique qui détourne le « protocole Durieux » s'agissant de la mise en oeuvre
des 35 heures de nuit sont au coeur du conflit qui a commencé à l'hôpital Saint-Louis, connu pour l'excellence de ses
prestations, et qui s'est étendu ensuite à d'autres établissements.
D'ailleurs, les personnels des hôpitaux Broca et Emile-Roux ont déjà obtenu des engagements à propos des effectifs, et
j'espère que vous pourrez nous indiquer quand et comment cette avancée positive pourra se concrétiser.
En outre, le personnel de nuit de l'hôpital Saint-Louis, qui est en grève depuis le 26 janvier 1998, souhaiterait que
l'engagement de sa direction sur la création de dix emplois de nuit supplémentaires soit respecté. Dans l'intérêt de
l'amélioration du dialogue social et en vue de la satisfaction de besoins essentiels, il serait utile de créer les conditions pour
que cette promesse soit tenue.
Etendre les créations de postes pour toutes les équipes de nuit, c'est à la fois répondre aux besoins des services et réussir
l'application des 35 heures de nuit, qui ne seraient plus alors une simple et néfaste annualisation du temps de travail.
Actuellement, le personnel travaille en cycles de dix heures : sept heures de travail et trois heures de récupération. Les
agents peuvent bénéficier de ces heures de récupération seulement si elles sont prises. Sinon, ils sont redevables de trois
heures en cas de prise de repos supplémentaire, de congé maladie, d'accident du travail ou de journée d'enfant malade.
Pourquoi ne pas reconnaître la pénibilité du travail de nuit en considérant les repos récupérateurs comme repos
hebdomadaires ? Sinon, l'état de fait actuel continuera d'engendrer une fatigue supplémentaire qui diminue les capacités
des professionnels. De ce fait, face à des situations critiques et des urgences vitales, pourront-ils agir efficacement à tout
instant ?
Ces interrogations des personnels avaient trouvé un écho favorable le 13 mars 1997 dans une note rédigée par la
direction de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, mais, deux mois plus tard, cette note était remise en cause.
Pour l'instant, les conflits dans les hôpitaux sont dans l'impasse. Il serait urgent de débloquer la situation et d'établir ou de
rétablir un véritable dialogue entre les personnels, leurs organisations syndicales et la direction de l'Assistance
publique-Hôpitaux de Paris.
Ce dialogue, qui aurait pour objet d'appliquer enfin les 35 heures pour ce personnel en contact permanent avec la
population et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires, l'un n'allant pas sans l'autre, loin de se satisfaire d'un
immobilisme dommageable, pourrait contribuer à transformer ce que Mme Aubry nommait le 30 mars « le vaste chantier
des 35 heures dans le secteur hospitalier » en un véritable progrès de civilisation.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle. Madame le sénateur, j'ai écouté avec une
attention toute particulière votre question et, avant d'y répondre sur le fond, je tiens à vous dire que l'Assistance publique
- hopitaux de Paris n'a pas remis en cause les accords Durieux de 1991. La note du 5 mai 1997 à laquelle vous faites
référence n'a fait que préciser les procédures spécifiques existantes afin de permettre, pour chacun, une meilleure
compréhension de la réglementation.
Dans la pratique, au sein de l'Assistance publique - hopitaux de Paris, la durée du travail de nuit, qui devrait, si l'on se
réfère aux termes mêmes du protocole Durieux et à la présentation actuelle, être de sept heures par vacation, est de dix
heures. Cette pratique est conforme à l'ordonnance du 26 mars 1982 relative à l'organisation du travail dans la fonction
publique hospitalière.
Par conséquent, chaque fois qu'un agent travaille de nuit, son établissement lui attribue un repos supplémentaire au titre
des trois heures qu'il a effectuées en plus de l'horaire théorique. Cette compensation quotidienne, conduisant sur un
planning à offrir aux agents concernés un repos récupérateur de trois heures, est conditionnée par l'exercice effectif des
fonctions, cette notion étant synonyme de travail effectué.
Si la négociation relative à la mise en oeuvre du protocole Durieux à l'Assistance publique - hopitaux de Paris fut longue et
difficile, son aboutissement a entraîné la création de plusieurs milliers d'emplois, et l'Assistance publique - hopitaux de
Paris s'est engagée à pourvoir les postes vacants.
Ces dispositions complexes demeurent cependant difficiles à appliquer au quotidien. Il convient donc de rester vigilant
pour assurer tout à la fois une pleine transparence de celles-ci et une égalité de traitement entre les personnels. C'est la
raison pour laquelle de nombreuses réunions de concertation ont été tenues sur le sujet tant avec les responsables
hospitaliers qu'avec les organisations syndicales, afin de maintenir un dialogue social au sein de cette institution.
Par ailleurs, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité vous rappelle, madame le sénateur, que le Gouvernement a
chargé M. Jacques Roché d'une mission en vue d'établir un état des lieux exhaustif de la réglementation et des pratiques
effectives concernant le temps de travail et les heures supplémentaires dans les trois fonctions publiques, mission qui
s'inscrit dans la perspective de la mise en oeuvre des 35 heures dans la fonction publique. Cette étude devra
nécessairement intégrer certaines pratiques et spécificités propres aux différentes structures hospitalières. Mme Nicole
Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Vous avez constaté, comme moi, madame la secrétaire d'Etat, que le problème est très complexe.
En effet, si les accords Durieux n'ont pas été remis en question, ils sont sans cesse détournés et le problème concerne tant
la durée du travail que le nombre d'emplois, les deux thèmes étant étroitement liés.
De ce point de vue, les problèmes d'effectifs perdurent et je vais vous en donner un exemple.
A l'hôpital Broca, comme d'ailleurs dans tous les hôpitaux de gériatrie, le nombre de personnel qualifié au chevet des
malades est très faible - 265 postes d'aide-soignant pour 400 malades - et la charge de travail due au taux de
dépendance, qui a connu ces cinq dernières années une augmentation de 30 %, a annulé la création de la vingtaine de
postes d'aide-soignant intervenue en 1996 et 1997.
Par conséquent, l'augmentation des moyens est une condition nécessaire pour réussir les 35 heures dans ce secteur si
particulier.
J'ai bien entendu ce que vous m'avez répondu sur la concertation. Il serait nécessaire que les personnels de nuit et leurs
représentants à l'Assistance publique comme ailleurs soient conviés au groupe de recherche sur les modes
organisationnels adaptés. Ce serait un acte de concertation important et il serait salué par les personnels.

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