Question de M. MACHET Jacques (Marne - UC) publiée le 03/04/1998
M. Jacques Machet appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le taux d'emploi des handicapés. En effet, dix ans après la loi relative à l'insertion professionnelle des handicapés, il lui indique que le taux d'emploi des handicapés stagne à environ 4 % dans les entreprises publiques et privées de vingt salariés et plus assujetties au quota légal, que ce taux d'emploi des handicapés est limité à 3 % dans la fonction publique d'Etat et qu'il a atteint ou dépasse légèrement les 5 % dans les collectivités locales et les hôpitaux publics, selon les chiffres du ministère de l'emploi et de la solidarité. Selon la loi no 87-517 du 10 juillet 1987, le taux minimal obligatoire est de 6 %. Il lui demande, en conséquence, si le Gouvernement compte créer une nouvelle et réelle dynamique pour l'insertion des handicapés dans notre société, le bilan mitigé pour l'emploi des handicapés nécessitant un nouvel élan en la matière.
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Réponse du ministère : Emploi publiée le 20/05/1998
Réponse apportée en séance publique le 19/05/1998
M. le président. La parole est à M. Machet, auteur de la question n° 229, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de
la solidarité.
M. Jacques Machet. Madame la ministre, onze ans après l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1987 relative à
l'insertion professionnelle des handicapés, qui impose un quota d'emploi de 6 % de personnes handicapées sur les
lieux de travail, il faut malheureusement constater qu'aujourd'hui ces personnes n'occupent que 4 % des emplois dans
le secteur privé, 3 % dans la fonction publique d'Etat, 5 % dans les collectivités locales et 5,5 % dans la fonction
publique hospitalière, selon les chiffres officiels du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Cette loi de 1987 avait pourtant donné une forte impulsion mais il faut se rendre à l'évidence : l'obligation légale n'est
pas totalement remplie.
En effet, les entreprises peuvent, en réalité, s'en dispenser en versant une contribution à l'Association de gestion du
fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'AGEFIPH, qui collecte ainsi plus de 1,7 milliard de
francs consacrés à des actions d'insertion et à l'aménagement des postes de travail.
En outre, l'Association des paralysés de France, l'APF, a lancé, tout récemment, une campagne pour « le respect des
places de stationnement réservées aux personnes handicapées ». L'APF en appelle au civisme des automobilistes et
regrette l'indifférence collective des personnes valides. L'association estime qu'à Paris un emplacement sur cinq est
occupé illégalement par des automobilistes non porteurs du macaron de grand invalide civil-grand invalide de guerre,
GIC-GIG.
Elle regrette, en outre, le sérieux manque de sécurité des emplacements réservés, estimant que 58 % d'entre eux sont
dangereux car insuffisamment adaptés pour permettre aux automobilistes handicapés de sortir leur fauteuil roulant en
toute sécurité.
Les transports en commun sont tout aussi problématiques pour les handicapés.
M. Charles Descours. Sauf à Grenoble !
M. Jacques Machet. Dans son Livre blanc sur l'accessibilité des transports en commun en Ile-de-France, publié le 11
mai dernier, l'APF égrène un chapelet d'histoires vraies aussi savoureuses que confondantes pour les transporteurs et
leurs autorités.
Les ascenseurs du métro ou du RER sont presque toujours en panne et, faute de pouvoir monter dans un métro ou un
autobus, nombre de handicapés se rabattent sur les transports spécialisés que mettent parfois en place les
communes. La course est, là encore, semée d'embûches : les véhicules sont en nombre insuffisant et les tarifs
dissuasifs. Le plus ubuesque est l'interdiction de franchir les limites de zones.
Comme le financement est pris en charge pour partie par les acteurs locaux, la voiture ne peut franchir le périmètre de
la commune.
Enfin, à Paris, en ce qui concerne les taxis, le panorama est tout aussi sombre. L'APF a recensé entre quatre à cinq
taxis équipés pour embarquer une personne handicapée dans son fauteuil roulant.
Soixante-dix municipalités ont reconnu qu'effectivement elles ne font rien, mais 86 % d'entre elles se disent prêtes à
agir, ce qui est une maigre consolation.
Je me permettrai donc, madame la ministre, de vous poser quatre questions.
Premièrement, le Gouvernement compte-t-il créer une nouvelle et réelle dynamique pour l'insertion des handicapés dans
notre société non seulement auprès des chefs d'entreprise, mais également auprès des élus locaux ?
Deuxièmement, comptez-vous présenter un projet d'aménagement de la loi de 1987, qui pourrait notamment intégrer
dans l'obligation légale les formations en alternance et favoriser les passerelles entre les ateliers protégés et le milieu
ordinaire de l'entreprise ?
Troisièmement, comptez-vous, avec votre collègue du ministère des transports, mettre tout en oeuvre pour favoriser
l'accessibilité des transports en commun - métro, autobus, taxis - aux handicapés, non seulement en Ile-de-France,
mais aussi sur tout le territoire ?
Enfin, quatrièmement, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour faire respecter les stationnements réservés aux
handicapés, notamment dans les grandes villes ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez raison, onze ans après la
grande loi-cadre de 1987, qui reconnaissait enfin la solidarité que la collectivité nationale devait aux handicapés, il est
temps non seulement de faire un bilan mais aussi, peut-être, de donner un nouvel élan.
Ce texte a été très important, puisqu'il a reconnu l'ensemble des efforts que les collectivités mais aussi les entreprises
devaient accomplir en faveur de personnes handicapées de naissance ou à la suite d'un accident.
Cela étant, notre approche doit aujourd'hui changer et il nous faut considérer que la politique à l'égard des handicapés
doit être fondée sur l'intégration dans la vie quotidienne commune, depuis l'école jusqu'à l'entrée dans la vie active.
Quant aux mesures spécifiques, notamment liées à l'environnement des handicapés, elles doivent être considérées
uniquement lorsqu'elles sont véritablement nécessaires.
Dans cet esprit, nous avons tenu, avec l'ensemble des associations et des personnes intéressées, un conseil national
des handicapés, le 17 avril dernier, qui fut de très grande qualité. De nos travaux, il ressort que les mesures
essentielles à prendre tournent autour de trois axes.
Il s'agit, premièrement, de la socialisation précoce et de l'intégration des jeunes handicapés, en particulier grâce au
développement de la formation générale et au désenclavement de la formation professionnelle initiale. A cet égard, les
emplois-jeunes constituent aujourd'hui un moyen d'accompagner les jeunes enfants handicapés, certes en termes de
trajet, mais aussi en termes de suivi au sein de l'enseignement.
Il s'agit, deuxièmement, de l'accompagnement des personnes handicapées dans leur vie quotidienne. L'APF lance
actuellement une campagne sur le stationnement pour rappeler que le regard que notre société porte sur les
handicapés n'est pas digne d'elle. Les places réservées aux handicapés sont destinées non pas à des privilégiés mais
à des hommes et des femmes qui en ont besoin pour accomplir les gestes de la vie quotidienne, et cela est vrai de
l'aménagement aussi bien des transports publics que des bâtiments publics.
Il s'agit, troisièmement, de l'intégration dans l'emploi. Je voudrais, à cet égard, vous faire part de plusieurs décisions que
le Gouvernement a prises.
Tout d'abord, le Premier ministre a décidé, à la satisfaction des associations de handicapés, un plan quinquennal de
création de 10 500 places de centres d'aide par le travail, les CAT, et d'ateliers protégés. Nous pourrons ainsi travailler
sur le moyen terme, en recherchant d'ailleurs les moyens de sortir plus facilement des CAT, parfois par du mi-temps.
Par ailleurs, vous l'avez dit, il faut que nous soyons extrêmement vigilants sur l'application de la loi en ce qui concerne
les entreprises et la fonction publique. En effet, en dehors des hôpitaux et des collectivités locales, dont certaines font
un effort considérable, la fonction publique, non seulement d'Etat, mais aussi régionale et départementale, n'est pas à
la hauteur des obligations qui lui sont assignées par la loi.
Le Premier ministre vient d'ailleurs d'écrire à chacun des ministres pour leur demander d'être extrêmement attentifs à
l'intégration des personnes handicapées dans leur propre ministère et dans leurs services extérieurs.
En ce qui concerne les entreprises privées assujetties, plus du tiers d'entre elles, en effet, ne souhaitent toujours pas
recruter de personnes handicapées et préfèrent verser une prime à l'AGEFIPH.
Il faut d'ailleurs remarquer a contrario l'effort très important fait par les petites entreprises, puisque, aujourd'hui, les deux
tiers des embauches qui ont été primées en 1997 par l'AGEFIPH ont été réalisées dans des entreprises de moins de
vingt salariés.
Reste que la loi de 1987, par l'effort qu'elle était destinée à susciter en termes d'emploi des handicapés, n'a pas porté
ses fruits, puisque le nombre de travailleurs handicapés au chômage est passé de 55 000 à 135 000 entre 1990 et
1997, soit une progression beaucoup plus importante que la moyenne.
Aussi avons-nous décidé plusieurs types d'action.
La formation et l'accompagnement des travailleurs handicapés est une orientation majeure qui a été définie par le
Gouvernement. Il s'agit de mobiliser mieux les dispositifs de droit commun. Nous allons rappeler à l'Agence nationale
pour l'emploi qu'elle se doit d'utiliser les dispositifs classiques que sont les contrats initiative-emploi, les CIE, les
contrats emploi-solidarité, les CES, mais aussi les dispositifs de formation, pour aider les personnes handicapées.
Il en va de même d'ailleurs de dispositifs de bilan, d'orientation et d'accompagnement dans la vie sociale que doivent
réaliser les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP.
Enfin, nous sommes en train de préparer la convention pluriannuelle entre l'Etat et l'AGEFIPH, qui dispose aujourd'hui
de moyens importants, avec, en perspective, un programme exceptionnel qui permettrait de faire franchir une étape
supplémentaire dans l'insertion des handicapés de notre pays. Je dois d'ailleurs recueillir prochainement l'avis du
Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés sur ce point et sur les autres
orientations et mesures en matière d'emplois que nous souhaitons promouvoir.
J'ajoute enfin, monsieur le sénateur, que cet aspect de l'emploi et du reclassement des personnes handicapées est un
des éléments importants du plan national d'action pour l'emploi que le gouvernement français a présenté dans le cadre
du sommet de Luxembourg et qui sera présenté par le Premier ministre à Cardiff, dans quelques jours.
M. Jacques Machet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Madame la ministre, je vous remercie de tous ces éléments d'information.
Qu'il est difficile d'aborder les problèmes des handicapés, car on ne peut pas se mettre à leur place. Au reste, les
handicapés ne demandent pas l'aumône et ne souhaitent rien tant que d'être considérés et respectés comme des
personnes à part entière.
Je salue les actions entreprises par le Gouvernement sur votre initiative pour régler le problème des CAT et, de manière
plus générale, de l'intégration des handicapés. Quant aux petites entreprises, il est vrai qu'elles font plus facilement un
effort que les grandes, qui, elles, préfèrent payer. Il faut absolument que vous demandiez aux grandes entreprises
d'assurer au moins leur quota d'embauche, parce qu'il leur est certainement plus facile de payer que d'assumer
l'obligation, qui leur est faite, d'employer une personne souffrant d'un handicap.
Au niveau des COTOREP, l'appréciation n'est pas facile, madame la ministre, car les équipes n'ont pas toujours
conscience des vrais problèmes. A cet égard, il faudrait sensibiliser tous les responsables des COTOREP à la réalité
du handicap.
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