Question de M. VASSELLE Alain (Oise - RPR) publiée le 02/04/1998
M. Alain Vasselle appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la nécessité d'améliorer la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer. Pour l'essentiel, c'est actuellement sur la famille et l'entourage que repose la prise en charge du malade dont l'état se dégrade progressivement et inexorablement. Une politique de prise en charge efficace et ambitieuse de la maladie d'Alzheimer passe par des actions multiples en vue d'améliorer la connaissance de ces maladies et la qualité de vie des malades et de leur entourage. Or, à ce jour, la maladied'Alzheimer ne figure pas, en tant que telle, parmi les trente maladies " comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse " répertoriées par l'article D. 322-1 du code de la sécurité sociale, alors qu'une affection comme la maladie de Parkinson en fait partie. Même si une telle reconnaissance est de la compétence du pouvoir réglementaire, il ne peut que l'inviter fortement à l'accomplir, dans la mesure où cela constituera un signal fort pour la prise de conscience des conséquences douloureuses de cette maladie sans coût pour la collectivité. Cette mesure permettra de prendre en compte cet enjeu de santé publique et de politique sociale que sont la maladie d'Alzheimer et les démences séniles en général et d'améliorer la qualité de prise en charge des personnes qui en sont atteintes. C'est pourquoi il lui demande de lui préciser quelles actions il entend engager afin de faire face aux conséquences particulièrement pénibles de cette " épidémie silencieuse ".
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Réponse du ministère : Santé publiée le 29/04/1998
Réponse apportée en séance publique le 28/04/1998
M. Alain Vasselle. J'appelle votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la nécessité d'améliorer la prise en charge
des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer.
Cette maladie concernerait aujourd'hui environ 3 millions de personnes en Europe, dont 300 000 à 350 000 en France,
chiffres établis en 1994 par l'association France-Alzheimer. Avec l'allongement très significatif de l'espérance de vie, ces
chiffres ne feront que croître au cours des prochaines années.
Pour l'essentiel, c'est actuellement sur la famille et l'entourage que repose la prise en charge du malade, dont l'état se
dégrade progressivement et inexorablement. Environ deux tiers des malades se trouvent à domicile et un tiers en
établissement.
Le placement en établissement n'apparaît d'ailleurs que comme un dernier recours, lorsque la maladie a fait son oeuvre
destructrice, que le malade fait courir des risques à la fois à lui-même et à son entourage, et que l'entourage, épuisé et
meurtri, ne peut plus assurer cette charge.
Les structures hospitalières apparaissent aujourd'hui insuffisantes par rapport aux besoins, qu'il s'agisse des unités de
consultation à visée diagnostique ou thérapeutique, de l'accueil de jour ou temporaire pour soulager les familles, ou du
long séjour.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je recevais hier le président de l'association Oise-Alzheimer. Il insistait sur le manque, ou
l'inexistence de places pour l'hébergement temporaire dans le département de l'Oise. Il m'interrogeait à la fois comme
parlementaire et comme représentant du conseil général sur les initiatives que nous avions l'intention de prendre pour
répondre à ce besoin. L'attente est donc forte en ce qui concerne les placements en établissements en France, et ce dans
l'ensemble des départements.
De même, tant une évaluation fiable du nombre de malades que des données prospectives quant à l'évolution de cette
épidémie dans les décennies à venir font actuellement défaut.
Or une politique de prise en charge efficace et ambitieuse de la maladie d'Alzheimer passe par des actions multiples en
vue d'améliorer la connaissance de ces maladies et la qualité de vie des malades et de leur entourage.
A ce jour, la maladie d'Alzheimer ne figure pas, en tant que telle, parmi les trente maladies « comportant un traitement
prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse » répertoriées par l'article D. 322-1 du code de la sécurité
sociale, alors qu'une affection comme la maladie de Parkinson en fait partie. Même si une telle reconnaissance est de la
compétence du pouvoir réglementaire et non de la loi, je ne peux que vous inviter fortement à y procéder, dans la mesure
où elle constituera un signal fort de la part du Gouvernement pour la prise de conscience des conséquences douloureuses
de cette maladie, sans coût pour la collectivité.
Mais, si importante soit cette disposition, elle ne pourra, à elle seule, suffire à prendre la mesure de cet enjeu de santé
publique et de politique sociale que sont la maladie d'Alzheimer et les démences séniles en général. C'est pourquoi j'ai pris
l'initiative de déposer une proposition de loi visant à faciliter et à améliorer la prise en charge de ces affections, laquelle
viendra, je l'espère, monsieur le président, en discussion devant le Parlement.
J'ai saisi, il y a peu, notre président de groupe, M. Josselin de Rohan, mais également le président du Sénat, pour que,
dans le cadre de la fenêtre qui est ouverte au Parlement, nous puissions examiner cette proposition de loi.
Elle prévoit notamment l'élaboration d'un rapport visant à dresser un état des lieux de ces affections - c'est le titre Ier -
l'amélioration de la formation des différents intervenants - le président de l'association Oise-Alzheimer m'a confirmé la
nécessité d'améliorer la formation des médecins et des intervenants auprès des malades atteints de la maladie d'Alzheimer
-, ainsi que diverses dispositions financières - titre III - telles que le doublement du plafond concernant les dépenses
autres que de personnel pour les personnes bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance, la PSD, et atteintes par
ces maladies, l'extension de la réduction d'impôt pour les dépenses exposées pour l'hébergement des personnes âgées de
plus de soixante-dix ans, ainsi que le maintien de la réduction de 90 000 francs, dans la limite d'un plafond de 45 000
francs prévu par la loi de finances pour 1998, pour les invalides du troisième groupe mentionnés à l'article L. 341-4 du
code de la sécurité sociale et les parents d'enfants handicapés titulaires d'un des compléments d'allocation d'éducation
spéciale.
A ce propos, suite à l'initiative prise par Mme Aubry en ce qui concerne cette fameuse aide accordée aux familles au titre
de l'emploi d'un salarié à domicile, il y a lieu, par une circulaire ou un courrier auprès des services fiscaux, de préciser les
choses.
En effet, à l'heure actuelle, aux familles dont un membre est atteint par la maladie d'Alzheimer et qui veulent savoir si elles
pourront ou non continuer à bénéficier de la mesure fiscale actuelle, les services fiscaux ne sont pas en mesure de
répondre d'une manière claire. Il serait souhaitable qu'elles puissent continuer à en bénéficier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande quelles actions entend engager le Gouvernement afin de permettre aux
personnes qui sont atteintes et à leur entourage de mieux faire face aux conséquences particulièrement pénibles de cette «
épidémie silencieuse ».
Sachez que l'initiative que j'ai prise à travers cette proposition de loi a rencontré un large soutien de la part non seulement
des membres du groupe auquel j'appartiens - plus d'une cinquantaine de mes collègues l'ont cosignée - mais également de
plusieurs membres de la majorité du Sénat, au sein tant du groupe de l'Union centriste que du groupe des Républicains et
Indépendants. Et je ne désespère pas que quelques membres du groupe socialiste ou du groupe communiste républicain
et citoyen viennent me rejoindre pour montrer qu'il s'agit là non pas d'un problème politique, mais vraiment d'un problème
de société et de santé publique.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il faut de l'argent !
M. Alain Vasselle. Le Gouvernement, je n'en doute pas, ne sera pas insensible à cet appel que je lance.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, vous vous attachez à un problème auquel,
croyez-le bien, je suis moi-même très sensible : celui des personnes atteintes de démence sénile, en particulier de la
maladie d'Alzheimer, et des difficultés que rencontrent leurs familles.
Il convient de souligner que ce problème revêt aussi des aspects financiers.
Reconnaissons que notre pays manque cruellement de structures de formation adaptée en la matière. Cela signifie qu'il
faudrait revoir très précisément la formation médicale, tant initiale que continue, afin de l'adapter à cette catégorie
particulière d'affections.
Après tout, c'est aussi, pour notre pays, un motif de satisfaction de voir se prolonger la vie de ses habitants. Dans la
majorité des cas, ils vivent plus longtemps et ils vieillissent bien. Mais cette situation se traduit aussi par une plus grande
fréquence des affections neurologiques dégénératives.
Bien entendu, la maladie d'Alzheimer fait partie des arriérations mentales, qui constituent l'une des rubriques de la liste des
affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse énumérées à l'article D.
322-1 du code de la sécurité sociale.
En effet, les recommandations du Haut comité médical de la sécurité sociale, opposables tant au corps médical qu'aux
praticiens conseils des caisses, et en fonction desquelles est examinée l'admission au régime des affections de longue
durée, précisent clairement, s'agissant des arriérations mentales : « Sous cette rubrique figurent à la fois les arriérations
mentales comportant une réduction précoce et durable de l'efficience et les démences représentatives d'une détérioration
de survenue secondaire, au nombre desquelles les formes où la déficience intellectuelle apparaît à travers une évolution de
type démentiel qui altère de façon sévère et durable les capacités intellectuelles du malade. Toutes les formes de la
démence entrent dans ce cadre, quelle qu'en soit l'étiologie : maladie d'Alzheimer, maladie de Pick, état démentiel de la
sénilité, etc. »
Le patient reconnu atteint d'une telle pathologie bénéficie d'ores et déjà de plein droit, au titre des dispositions de l'article
L. 322-3-3 du code de la sécurité sociale, et dans la limite des prestations remboursables de l'assurance maladie, de la
prise en charge à 100 % des frais médicaux de toute nature nécessaires au traitement de son affection.
S'il existe des frais éventuellement non couverts, une participation financière complémentaire peut être accordée à l'assuré
qui en fait la demande auprès de sa caisse d'affiliation, en cas d'insuffisance des ressources au regard des frais exposés, au
titre des prestations supplémentaires financées sur crédits d'action sanitaire et sociale.
Au-delà, la prestation spécifique dépendance, la PSD, instituée par la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 au profit des
personnes âgées, peut notamment être utilisée, dans la limite d'un plafond et dans la mesure où la nécessité en a été
constatée lors de la visite médico-sociale, à des dépenses telles que celles qu'occasionne le maintien à domicile d'une
personne non autonome.
Enfin, la question d'une éventuelle modification de la liste des affections exonérantes fixée par l'article D. 322-1 et d'une
actualisation des recommandations s'y rapportant fait partie du programme de travail confié au Haut comité médical de la
sécurité sociale, dont la nouvelle présidente vient de prendre ses fonctions. Je me suis d'ailleurs entretenu avec elle de
cette question, notamment, voilà deux jours.
En conclusion, monsieur le sénateur, je vous dirai très franchement que, pour le moment, notre pays ne fait pas face à
cette affection, qui engendre bien des malheurs dans les familles et suscite un désarroi très profond. Très souvent, nous ne
savons pas comment prendre en charge ces personnes qui nous furent et nous demeurent très chères. En particulier, les
établissements - au sujet desquels des propositions me sont faites - ne jouissent pas d'une considération suffisante.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, prenant acte avec satisfaction de la
prise de conscience qu'elle révèle. Je souhaite vivement que, très rapidement, le Gouvernement traduise cette conscience
des difficultés que rencontrent les malades et leurs familles par des mesures réglementaires ou par des initiatives en matière
législative.
C'est donc à la lumière des actes, monsieur le secrétaire d'Etat, que les familles et nous-mêmes apprécierons la volonté du
Gouvernement d'avancer dans la résolution de ce problème.
Puisque vous avez évoqué la prestation spécifique dépendance - j'ai été, au Sénat, rapporteur du texte la créant - je
rappelle qu'elle ne vise que les personnes de plus de soixante ans. Aussi les malades atteints de la maladie d'Alzheimer de
moins de soixante ans ne peuvent-ils en bénéficier.
De même, dès lors que les personnes concernées ont moins de soixante ans, les établissements spécialisés ne veulent pas
les accueillir dans la mesure où il ne s'agit pas d'un placement définitif.
Pour en revenir à la prestation spécifique dépendance, il est évident que les dispositions actuelles sont insuffisantes ; j'ai
fait des propositions et j'ai interpellé Mme Aubry sur ce point. En effet, un certain nombre de dépenses autres que des
dépenses de personnel ne sont prises en compte que dans la limite de 10 % du montant de l'allocation ; je pense aux
couches, par exemple. C'est insuffisant pour permettre aux familles de faire face à la charge que ces dépenses
représentent et qu'on peut chiffrer à 1 200 ou 1 300 francs par mois.
Il est donc nécessaire d'envisager des évolutions importantes en matière de prestation spécifique dépendance, notamment
en ce qui concerne les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, mais aussi pour toutes les personnes âgées
dépendantes.
J'espère vivement que les familles auront la réponse qu'elles attendent et que, monsieur le secrétaire d'Etat, le
Gouvernement réservera un accueil favorable à la proposition de loi que j'ai déposée, car j'espère, monsieur le président,
que M. le président du Sénat acceptera que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
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