Question de M. LORRAIN Jean-Louis (Haut-Rhin - UC) publiée le 24/04/1998

Question posée en séance publique le 23/04/1998

M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la consultation du
patient à distance de son intervention chirurgicale fait partie des obligations imposées par le décret n° 94-1050 du 5
décembre 1994 aux anesthésistes-réanimateurs. La charge supplémentaire qui en découle, en matière d'effectifs -
secrétaires, infirmières-anesthésistes - et de temps devait recevoir une contrepartie financière qui leur est maintenant
refusée. A contrario, le remboursement des sommes indûment perçues pour ces consultations cotées CS leur est
demandé.
La profession des anesthésistes-réanimateurs nécessite un sens aigu des responsabilités, une participation dans de
multiples commissions - hémovigilance, matériovigilance, pharmacovigilance. Son exercice comporte des risques. Les
compagnies d'assurances hésitent maintenant à conclure des contrats avec les anesthésistes. Il implique aussi des
contraintes lourdes, telles la permanence des soins vingt-quatre heures sur vingt-quatre, une exigence de qualité sans
concession, une obligation de résultat, et non plus de moyens comme dans d'autres spécialités médicales, ainsi qu'un
devoir d'information du patient.
Les effectifs des anesthésistes-réanimateurs sont loin d'être pléthoriques, la non-revalorisation des actes démobilise
beaucoup d'entre eux, qui changent de spécialité ou partent pour l'étranger. Le décret du 5 décembre 1994 n'est pas
applicable sur le plan démographique ; le manque de temps, la surcharge de travail et les difficultés de financement
desservent également ses objectifs.
Nous connaissons, monsieur le ministre, votre attachement à cette branche. Votre ministère envisage-t-il de prendre des
mesures à titre compensatoire pour la surcharge de travail et les effectifs auxiliaires générés par les dispositions du décret
précité ? (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)

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Réponse du ministère : Santé publiée le 24/04/1998

Réponse apportée en séance publique le 23/04/1998

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, oui les anesthésistes ont de lourdes
obligations. Ils sont l'honneur de la profession ! Oui, il faut assurer la sécurité des malades ! Mais, vous avez raison, les
anesthésistes sont peu nombreux et beaucoup sollicités.
Monsieur le sénateur, le décret que vous avez mentionné est exact mais, depuis, la Cour de cassation a tranché le litige qui
a longtemps opposé des anesthésistes-réanimateurs libéraux exerçant en clinique aux caisses d'assurance maladie.
La situation est désormais claire.
Un patient qui doit subir une intervention chirurgicale bénéficie d'une consultation préanesthésique approfondie avec
l'anesthésiste dans les quelques jours qui précèdent l'intervention, puis d'une autre visite préanesthésique quelques heures
avant l'opération.
La première consultation est rémunérée, comme une consultation de spécialiste habituelle, selon la cotation prévue à la
nomenclature CS ; la seconde est comprise dans la rémunération de l'acte d'anesthésie pratiqué pour l'intervention
chirurgicale. Comme vous le savez, la rémunération des anesthésistes-réanimateurs est fonction de la cotation de l'acte
chirurgical effectué, c'est-à-dire en fonction de la gravité de l'intervention.
Ce point de droit étant dorénavant clarifié par la Cour de cassation, je comprends que ces deux visites devenues
obligatoires pèsent lourdement mais, pour le patient, elles sont indispensables. En effet, si elle grèvent l'emploi du temps
de l'anesthésiste, elles rassurent le patient et assurent plus de sécurité, ce qui est l'objectif !
Mais vous avez raison, on sollicite souvent l'anesthésiste, notamment pour la matériovigilance, la pharmacovigilance, pour
le SAMU, les urgences. Cette profession détient ce que l'on appelle le « record de pénibilité ». Il est, en effet, fatigant de
prendre des gardes.
Vous le savez, nous formons autant d'anesthésistes que la Belgique ; depuis 1988, tous les CES ont disparu ; nous en
formons de moins en moins et un Land allemand en forme autant que nous dans l'année. Voilà où nous en sommes.
Que faire devant ce constat ? D'abord, il faut transformer la formation initiale. Nous nous y employons avec Claude
Allègre. C'est un travail de longue haleine.
Surtout, monsieur le sénateur, il nous faudra réformer le concours de l'internat afin que l'on puisse susciter des vocations
d'anesthésiste, qui disparaissent en raison du caractère pénible de l'emploi, et ainsi recruter les anesthésistes dont le pays a
besoin.
Enfin, il faudra quand même un jour se poser le problème des rémunérations. Nous avons entamé des discussions à ce
propos avec les syndicats de praticiens hospitaliers. Il faut revaloriser le statut de praticien hospitalier sinon des vocations
se détourneront de l'hôpital public et se porteront sur les cliniques privées, où, malgré les difficultés, les salaires sont de
trois à quatre fois supérieurs.
Ce chantier est devant nous, monsieur le sénateur, et nous y sommes très attentifs. Il faut savoir, vous qui défendez très
souvent les hôpitaux de proximité, que s'il n'y a pas d'anesthésistes, il n'y a plus de services hospitaliers, plus de chirurgie,
plus de maternité. Il est donc essentiel, pour défendre notre structure et sa densité, de développer ces vocations.
(Applaudissements.)

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