Question de M. HABERT Jacques (Français établis hors de France - NI) publiée le 10/04/1998
Question posée en séance publique le 09/04/1998
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, à qui je m'adresse plus
particulièrement, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis arrivé à midi trente de Beyrouth, où je
m'étais rendu avec le groupe d'amitié France-Liban que préside notre ami Adrien Gouteyron.
Nous avons été très bien reçus par le Président de la République, M. Elias Hraoui, le président du Parlement, M. Nabi
Berry, et le très remarquable Premier ministre qu'est M. Hariri. Nous avons également rencontré de nombreux dirigeants,
notamment des membres de la colonie franco-libanaise, et les délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Ils nous ont fait part de leurs préoccupations, que je résumerai en deux questions : l'une sur le plan culturel, l'autre sur le
plan politique.
Sur le plan culturel, je ne rappellerai à personne que la France est présente au Liban depuis bientôt neuf siècles et que,
depuis, la langue française s'y est plus ou moins maintenue. Mais, dans ce qui est encore un pôle de la francophonie, on
parle le français dans la rue, dans les magasins, dans les écoles - il y est largement enseigné - mais non à la télévision.
C'est là, monsieur le ministre, une lacune extrêmement grave à propos de laquelle je souhaite vous interroger.
Nos compatriotes, comme nos amis francophones, nous demandent tous pourquoi il n'est pas possible de recevoir les
chaînes françaises au Proche-Orient - cette situation vaut aussi, en effet, pour les pays voisins du Liban, tels Israël et la
Syrie - si on ne pourrait pas placer France 2 ou France 3 sur Eutelsat, comme le sont La Cinquième et ARTE, si on ne
pourrait pas accélérer la réception directe des bouquets satellitaires français dont vous avez parlés au Conseil supérieur
des Français de l'étranger et les lancer aussi vers le Proche-Orient. Bref, c'est un problème qui a son importance étant
donné que, là-bas, tout ce qui se regarde est primordial.
Ma seconde question, monsieur le ministre, est plus grave, plus importante, d'une actualité brûlante. Voilà exactement
vingt ans cette semaine que les Israéliens sont entrés dans le sud du Liban. Ils y occupent depuis une zone de 850
kilomètres carrés qui représente à peu près le huitième de la superficie du pays.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la Syrie ?
M. Jacques Habert. Une résolution a été aussitôt votée par les Nations unies en vue d'obtenir le retrait de ces troupes.
Elle n'a pas été suivie d'effet. Au contraire, de très graves incidents, comme le bombardement sanglant de Qana, dont
nous avons parlé, se sont produits.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Jacques Habert. Ma question est évidente : depuis quelques jours, un certain dégel est attendu ; le gouvernement
israélien s'est déclaré prêt à respecter la résolution 425 et à retirer ses troupes sous certaines conditions s'adressant
exclusivement au Liban. Or, les Libanais estiment qu'ils n'ont pas à accepter ces dernières ; ils souhaitent que la résolution
425 soit respectée et que le retrait des troupes se fasse sans aucune condition. « Nous nous adressons à ceux-là seuls à
qui nous pouvons nous adresser, c'est-à-dire à l'Europe et surtout à la France, à laquelle nous demandons de nous aider
sur le plan diplomatique », nous ont-ils déclaré.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si notre pays est prêt à apporter son aide à cette belle oeuvre de paix ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 10/04/1998
Réponse apportée en séance publique le 09/04/1998
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, s'agissant du souhait bien compréhensible
des téléspectateurs libanais francophones d'avoir accès à nos chaînes de télévision, la situation est la suivante.
Aujourd'hui, ces téléspectateurs disposent des journaux télévisés des chaînes françaises et francophones repris par TV 5,
des journaux d'ARTE et, de façon continue, d'Euronews.
A partir du satellite Eutelsat Hot Bird, ils peuvent recevoir, avec une simple antenne de réception, La Cinquième, ARTE
ainsi qu'Euronews, et, avec un décodeur numérique, la chaîne musicale MCM International. En outre, moyennant le
paiement d'un abonnement, ils peuvent bénéficier de la chaîne « Sport et Cinéma » Canal Horizons.
Pour m'être rendu moi-même au Liban voilà quelques semaines, j'ai pu entendre le même souhait d'un élargissement de
l'accès aux chaînes françaises telles que France 2, TF 1, LCI, etc. J'ai donc demandé que cette possibilité soit examinée.
J'indique néanmoins que l'accessibilité des grandes chaînes de télévision généralistes au public libanais pose un problème
financier lourd.
Quoi qu'il en soit, monsieur Habert, sachez que la situation n'est pas complètement négative aujourd'hui et que nous nous
préoccupons d'élargir cet accès.
S'agissant du second point de votre question, concernant la situation au Sud-Liban, vous avez rappelé, monsieur le
sénateur, que celle-ci dure depuis très longtemps.
Il existe effectivement une résolution 425, jamais appliquée, qui demande l'évacuation sans condition du Sud-Liban par
l'armée israélienne.
Depuis quelque temps, nous notons une évolution, même si elle est assez nuancée, de la part du gouvernement israélien,
qui se déclare prêt à évacuer le Sud-Liban. En même temps, il ajoute un certain nombre de considérations qui, en réalité,
aboutissent à poser des conditions que les Libanais ne sont pas tout à fait prêts à accepter : en effet, ces considérations
remettent en cause leur souveraineté qu'ils voudraient justement reconquérir sur cette zone de leur pays ; de plus, alors
que la résolution 425 ne prévoit précisément pas de préalable et pas de condition, les Libanais hésitent à entrer dans un
processus de négociation qui réglerait plus ou moins la question libanaise - encore que la stabilité de la zone, par la suite,
ne serait pas assurée - sans traiter des questions syro-israéliennes.
Compte tenu des relations entre le Liban et la Syrie, les Libanais sont les premiers à considérer qu'il serait peut-être plus
raisonnable d'aller vers une solution des deux problèmes en même temps ; mais, à ce stade, l'ouverture israélienne n'est
pas suffisante pour cela.
Néanmoins, il ne faut pas négliger le fait que ce gouvernement reconnaisse la résolution 425 alors que, jusqu'ici, il en avait
toujours contesté la validité. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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