Question de M. VASSELLE Alain (Oise - RPR) publiée le 05/03/1998
M. Alain Vasselle attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les légitimes préoccupations exprimées par bon nombre de nos concitoyens relayées par les élus locaux concernant l'affichage sauvage d'incitation au libertinage. Dans bon nombre de communes, une campagne d'affichage sauvage en grand format se déroule quotidiennement visant à promouvoir la consultation du Minitel rose et à rencontrer le plus souvent possible des personnes dénommées ULLA ou autres dont le corps est présenté comme un simple objet de consommation sexuel. Ces affiches sont volontairement installées sur les axes routiers et dans certains cas à des endroits proches d'établissements scolaires, ce qui accentue d'autant le caractère licencieux de ces images destinées à influencer notre jeunesse dans un sens néfaste. Face à de tels agissements, les élus locaux, au premier rang desquels les maires, se trouvent désarmés devant cette situation condamnable par la majorité de l'opinion publique. En conséquence, il le remercie à l'avance de bien vouloir lui indiquer la position ministérielle face à une telle situation et lui préciser les mesures envisagées pour lutter efficacement contre ce phénomène et les réelles possibilités juridiques que les maires sont en droit d'exercer afin de supprimer cet affichage tendancieux.
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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 30/04/1998
Réponse. - La question posée par l'honorable parlementaire comporte plusieurs aspects. S'agissant des campagnes d'affichage en faveur des " messageries roses ", il convient tout d'abord de prendre en compte que la loi du 29 juillet 1881 pose le principe de la liberté de la presse et de l'affichage. Aucun règlement de police ne saurait, à titre préventif, s'engager sur la voie d'interdictions (Cass. Crim., 17 janvier 1956). Les seules dérogations apportées à ce principe sont celles prévues par la loi ou celles tirées des exigences de l'ordre public en fonction des circonstances locales. A ce titre, les pouvoirs du maire dont les limites sont soulignées par l'honorable parlementaire ne pourraient, en effet, trouver à intervenir que sous des contraintes étroites : cette autorité devrait en effet apporter la preuve non seulement de la menace d'un trouble mais encore de son caractère sérieux et de nature à compromettre gravement l'ordre public et, qui plus est, en raison de circonstances locales particulières. Ainsi toute mesure d'ordre général ne peut qu'être écartée. En outre, le contrôle de la juridiction administrative s'exerce de façon approfondie : sont ainsi vérifiées non seulement l'existence, dans les circonstances de l'espèce, d'une menace de trouble de l'ordre public de nature à justifier l'intervention d'une telle mesure de police, mais encore l'adéquation de cette mesure aux faits que l'ont motivée. Il n'en reste pas moins que le code pénal comprend un certain nombre de dispositions susceptibles de trouver application aux situations dénoncées par l'honorable parlementaire. L'article 227-24 du code pénal réprime l'affichage de publicités à caractère pornographique lorsque l'affiche est suceptible d'être vue par un mineur. Toutes les voies publiques sont donc concernées. Le concepteur, le fabricant, le transporteur et le diffuseur sont passibles de trois ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende. Dans les limites ainsi rappelées, le maire peut faire dresser un procès-verbal d'infraction et le transmettre au Procureur de la République. En pratique, il lui suffit de dénoncer les faits au Procureur de la République pour que celui-ci donne les instructions qui s'imposent aux officiers de police judiciaire de la police ou de la gendarmerie nationales. Par ailleurs, si les affiches font peser un péril grave pour l'ordre public et qu'il y a urgence à les faire disparaître, le maire - à Paris le préfet de police - peut prendre un arrêté de police en ce sens et ordonner l'occulation des affiches (tribunal des conflits - 19 mai 1954 Office publicitaire de France C/préfet de police). En ce qui concerne le caractère sauvage de certains affichages, que dénonce également l'honorable parlementaire, il doit être précisé que les établissements pouvant bénéficier de protection sont énumérés à l'article 4 de la loi no 79-1150 du 29 décembre 1979 : il s'agit des sites et des monuments présentant un intérêt esthétique, historique ou pittoresque. Il n'est pas indifférent d'indiquer, en outre, que ce même texte dispose, en son article 5, que " toute publicité doit mentionner, selon le cas, le nom et l'adresse ou bien la dénomination ou la raison sociale, de la personne physique ou morale qui l'a apposée ou fait apposer ". Les articles 29 et 30 fixent les peines applicables en cas de défaut de ces mentions ou si celles-ci sont inexactes ou incomplètes. Par ailleurs, il doit être rappelé que les publicitaires sont soumis à la déontologie définie par le bureau de vérification de la publicité (BVP, 5, rue Jean-Mermoz, 75008 Paris) qui formule des avis sur la sincérité, la loyauté commerciale et sur la moralité des annonces et affiches. Les recommandations du BVP peuvent servir de référence aux tribunaux devant lesquels cet organisme peut d'ailleurs se porter partie civile.
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