Question de M. REUX Victor (Saint-Pierre-et-Miquelon - RPR) publiée le 25/03/1998
M. Victor Reux rappelle à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie que l'ensemble de la région maritime de l'Atlantique Nord-Ouest voit se préciser depuis plusieurs années sa richesse en gisements sous-marins de pétrole et de gaz dont l'exploitation se poursuit à l'Est des provinces canadiennes de Terre-Neuve et de Nouvelle-Ecosse, c'est-à-dire de part et d'autre de la zone économique exclusive française au Sud de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il souligne que d'énormes enjeux économiques marquent et vont marquer toute cette région géographique durant les trente années à venir - aux dires des experts - ce qui a conduit trois compagnies pétrolières nord-américaines à se porter candidates auprès du gouvernement français à l'obtention d'un permis de recherche dans notre zone économique. Il précise que le ministère de l'industrie semble privilégier la compagnie Gulf Canada qui bénéficierait d'un permis exclusif de recherche, lequel, compte tenu de la loi no 94-588 du 15 juillet 1994, article 26, serait automatiquement générateur d'un droit d'exploitation. Or, il semble bien que le Gouvernement n'ait pas entrepris au préalable de négocier avec la société susvisée d'éventuelles contreparties financières et économiques en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon qui se trouve tributaire de la solidarité nationale depuis l'éradication de son industrie traditionnelle de pêche en 1992 et l'arbitrage catastrophique, la même année, de la frontière maritime en ses alentours. Il souligne qu'il imagine mal que, dans une démarche gouvernementale solitaire, sans consultation ni du président du conseil général ni des parlementaires de l'archipel, les intérêts économiques et stratégiques de la France, pour l'avenir, dans cette partie du monde et chez elle à Saint-Pierre-et-Miquelon, puissent n'être pas assurés ni même mentionnés dans cette affaire qui a normalement suscité bien des espoirs dans l'archipel depuis qu'elle s'est précisée. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son sentiment à ce sujet et la manière dont a été reçue par le Gouvernement la proposition, en date du 20 mars dernier, de création d'une commission préconisé par les représentants de l'archipel, en vue d'une négociation avec la compagnie Gulf Canada, avant toute attribution officielle d'un permis de recherche dans notre zone économique exclusive.
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Réponse du ministère : Industrie publiée le 08/04/1998
Réponse apportée en séance publique le 07/04/1998
M. Victor Reux. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'ensemble de la région maritime de l'Atlantique Nord-Ouest voit se
préciser depuis plusieurs années sa richesse en gisements sous-marins de pétrole et de gaz dont l'exploitation se poursuit à
l'est des provinces canadiennes de Terre-Neuve et de Nouvelle Ecosse, c'est-à-dire de part et d'autre de la zone
économique exclusive française au sud de Saint-Pierre-et-Miquelon.
D'énormes enjeux économiques, au dire des experts, vont marquer toute cette région géographique durant les trente
années à venir, ce qui a conduit trois compagnies pétrolières nord-américaines à se porter candidates auprès du
gouvernement français pour l'obtention d'un permis de recherche dans notre zone économique.
Le ministère de l'industrie privilégie la compagnie Gulf Canada, qui bénéficierait d'un permis exclusif de recherche, lequel,
compte tenu de l'article 26 de la loi du 15 juillet 1994, serait automatiquement générateur d'un droit d'exploitation.
Or il semble bien que le Gouvernement n'ait pas entrepris au préalable d'évoquer ou de négocier avec la société susvisée
d'éventuelles contreparties financières ou économiques en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui se trouve tributaire de
la solidarité nationale depuis l'éradication de son industrie traditionnelle de pêche en 1992 et l'arbitrage catastrophique, la
même année, de la frontière maritime en ses alentours.
J'ai peine à imaginer que, dans une démarche gouvernementale solitaire, sans consultation ni du président du conseil
général ni des parlementaires de l'archipel, les intérêts économiques et stratégiques de la France, pour l'avenir, dans cette
partie du monde et à Saint-Pierre-et-Miquelon, puissent n'être ni assurés ni même mentionnés dans cette affaire, qui a
normalement suscité bien des espoirs dans l'archipel depuis qu'elle s'est précisée.
Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'Etat, connaître votre sentiment à ce sujet ainsi que la manière dont a été
reçue par le Gouvernement la proposition en date du 20 mars dernier de création d'une commission préconisée par les
représentants de l'archipel, en vue d'une négociation avec la compagnie Gulf Canada, avant toute attribution officielle d'un
permis de recherche dans notre zone économique exclusive.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, votre question rejoint les légitimes
préoccupations qui avaient déjà été soulevées, voilà quelques semaines, à l'Assemblée nationale, par M. Gérard Grignon.
J'avais d'ailleurs eu l'occasion d'apporter à ce dernier quelques éléments de réponse que je vais largement compléter et
préciser en réponse à votre interrogation.
Je veux tout d'abord vous confirmer que le Gouvernement est parfaitement conscient de l'enjeu que peuvent représenter,
en termes de retombées économiques sur l'archipel, les activités d'exploitation pétrolière qui doivent être entreprises sur le
plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Avant de prendre la décision d'accorder un permis de recherches d'hydrocarbures à la société Gulf Canada, le
Gouvernement a été amené à concilier des impératifs juridiques, géologiques et techniques.
La procédure d'attribution du permis de recherches pétrolières de Saint-Pierre-et-Miquelon a été menée par les services
compétents du secrétariat d'Etat à l'industrie dans le strict respect de la loi, et notamment du code minier.
Permettez-moi de vous en rappeler les principales étapes : mise en concurrence de la demande initiale, déposée par Gulf
Canada, consultation de l'ensemble des services administratifs locaux concernés, processus d'arbitrage entre les trois
sociétés pétitionnaires, à savoir Gulf Canada, Mobil Canada et Tatham Canada, avis du préfet de
Saint-Pierre-et-Miquelon le 7 janvier 1998, réunion d'une conférence interministérielle le 9 janvier 1998 et, enfin, examen
par le conseil général des mines le 9 février 1998.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, il s'agit non pas d'une « demande gouvernementale solitaire »,
mais d'une instruction ayant associé l'ensemble des services locaux intéressés et, au niveau central, pas moins de sept
départements ministériels.
Je me permets de souligner que l'instruction de ce dossier particulièrement complexe a été menée avec diligence, la
demande de permis initiale ayant été déposée en mai 1997. Il importe en effet que les travaux qui doivent être exécutés
sur ce permis puissent aboutir dans les meilleurs délais à la découverte éventuelle d'un gisement, ce que chacun souhaite.
Or en matière pétrolière comme dans bien d'autres domaines, il faut chercher, parfois longtemps, avant de découvrir. Et le
succès n'est jamais garanti !
Ainsi que vous l'indiquez, monsieur le sénateur, la zone marine placée sous la souveraineté canadienne est immense et
possède un potentiel pétrolier et gazier d'ores et déjà prouvé. A l'inverse, les rares travaux d'exploration entrepris à ce
jour dans la zone française n'ont pas encore permis de mettre en évidence un gisement.
Les travaux prévus par Gulf Canada auront précisément pour objet de confirmer le potentiel pétrolier que nos experts
géologues pressentent sur la zone économique située au large de l'archipel. Toutefois, seul un forage pourra confirmer ce
qui n'est, pour l'instant, qu'une hypothèse.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a négocié et obtenu auprès de la compagnie canadienne qu'elle exécute ce
forage dès la première période de validité de trois ans du permis. Les travaux de prospection doivent débuter dès cet été,
avec l'exécution d'une campagne géophysique destinée à localiser les zones les plus prometteuses.
En cas de découverte, il est exact que le code minier prévoit que le titulaire d'un permis de recherche a droit à l'obtention
d'une concession sur le gisement ainsi mis en évidence. Cette automaticité, vous le savez, constitue l'un des fondements
essentiels du droit minier français. Elle apparaît légitime, sauf à estimer qu'une compagnie pétrolière qui a fait la preuve de
ses compétences en découvrant un gisement et qui a investi pour cela n'a pas le droit de détenir le titre juridique lui
permettant de l'exploiter.
Toutefois, monsieur le sénateur, l'Etat n'est pas désarmé, loin de là, dans l'hypothèse de l'attribution d'une concession.
Tout d'abord, en application de notre législation minière, une nouvelle procédure sera lancée qui comportera une enquête
publique ainsi qu'une large consultation des services administratifs locaux.
Par ailleurs, les municipalités concernées seront également consultées.
En outre, afin d'assurer l'exploitation optimale du gisement, et dans le respect des contraintes de sécurité et de protection
de l'environnement, les pouvoirs publics disposent d'une large marge de manoeuvre pour imposer à l'exploitant toute une
série de conditions sur les trois paramètres suivants : la durée de la concession, qui pourra être comprise entre cinq et
cinquante ans ; la superficie, qui devra correspondre aux limites du gisement exploitable ; enfin, l'exécution de travaux
d'exploration complémentaires.
De son côté, le préfet se voit reconnu par les textes un large pouvoir pour apprécier les programmes de travaux que le
concessionnaire doit lui communiquer à l'avance.
D'ici là, soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement sera particulièrement attentif à ce que les travaux de
recherche entraînent des retombées économiques - ce qui est notre objectif commun - sur l'archipel.
Je ne doute pas que les acteurs économiques de Saint-Pierre-et-Miquelon sauront profiter de leur situation géographique
privilégiée et de la qualité de leurs prestations, pour devenir les prestataires de services prioritaires de Gulf Canada.
C'est d'ailleurs l'objectif des rencontres qui ont eu lieu au cours de la semaine du 23 au 27 mars dernier que d'anticiper
conjointement et dès maintenant la coopération future dans ce domaine et la préparation de l'île à l'offre de ce nouveau
type de prestations.
Je me félicite donc que ces rencontres aient pu avoir lieu. Le protocole d'accord signé entre la compagnie Gulf Canada et
le conseil général de Saint-Pierre, qui en a été l'aboutissement, me paraît augurer d'une coopération positive entre la
compagnie et les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon, de nature à procurer les retombées économiques les plus larges
possible à l'archipel.
M. Victor Reux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions nombreuses et rassurantes que vous venez de
nous donner.
Lorsque je parlais de démarche solitaire, je visais simplement l'absence de concertation avec le président du conseil
général et les parlementaires de l'archipel.
Les textes auxquels vous faites allusion, notamment le code minier, ne me sont pas étrangers. Nous avons largement
évoqué la question, d'ailleurs, avec votre collègue chargé de l'outre-mer, et vous avez eu raison de souligner les
contraintes législatives, économiques et techniques auxquelles nous devons faire face.
En ce qui concerne les contraintes législatives, si nous souhaitons une modification du code minier, nous souhaitons surtout
que l'article 27 du statut spécial de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon soit appliqué, le décret en Conseil d'Etat
prévu par la loi de 1993 modifiant cet article et devant nous donner compétence sur la zone économique exclusive au
large de l'archipel en matière d'exploitation des eaux et des fonds sous-marins n'ayant toujours pas été pris.
Si le Gouvernement pouvait nous aider à accélérer le processus en la matière, nous en serions fort satisfaits.
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