Question de M. DELEVOYE Jean-Paul (Pas-de-Calais - RPR) publiée le 25/03/1998

A plusieurs reprises, des magistrats du siège ont été recrutés à l'issue de concours exceptionnels organisés en application de la loi, en particulier en 1981, 1983 et 1991. Cela sera à nouveau le cas en 1998 et 1999, à concurrence de 200 personnes. Parmi ces magistrats, on peut distinguer deux catégories professionnelles : ceux qui sont issus de la fonction publique, qui ne rencontrent pas de difficultés, puisque le déroulement de leur carrière reste interne à celle-ci ; ceux qui proviennent du secteur privé, environ un tiers d'entre eux. Ces derniers ne peuvent faire prendre en compte pour le calcul de leur pension les années d'activités accomplies antérieurement, même moyennant le versement d'une contribution au titre de la période rachetée. Cette impossibilité résulte du vide juridique créé par la loi organique du 29 octobre 1980, qui est muette sur ce point, et sur le fondement de laquelle ont été organisés les concours de 1981, 1983 et 1991. En outre, le décret du 24 septembre 1997 a permis aux avocats recrutés sur titre et sans concours, au titre de l'article 40 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, ainsi qu'aux personnes spécialement qualifiées, recrutées dans les mêmes conditions, en application des articles 22, 23 et 24 de la même ordonnance, de procéder à la prise en compte des années antérieures à leur entrée dans la fonction publique judiciaire. Ainsi, par son silence, la loi crée une double inégalité, face à la retraite, entre des magistrats recrutés par les mêmes concours, selon qu'ils proviennent ou non de la fonction publique, et entre des magistrats issus du secteur privé, selon les modalités de leur recrutement, alors que tous participent dans les mêmes conditions au service public de la justice. En conséquence, M. Jean-Paul Delevoye demande à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, de bien vouloir se saisir de cette question et d'apporter des réponses équitables et générales à ce problème.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 01/04/1998

Réponse apportée en séance publique le 31/03/1998

M. Jean-Paul Delevoye. Madame le garde des sceaux, ayant souhaité que ce texte soit adopté rapidement,
permettez-moi de me réjouir, avec mes collègues du Sénat et de l'Assemblée nationale de l'adoption du projet de loi
organique permettant l'organisation de concours en vue de recruter cent magistrats en 1998 et cent autres en 1999. Cela
correspond de votre part à une volonté et au souci de doter la justice de moyens supplémentaires.
C'est la raison pour laquelle, respectant cette volonté d'aller vite, je n'avais pas déposé d'amendement visant une situation
un peu particulière qui découle de ces concours, situation au sujet de laquelle je me suis permis de vous écrire et de vous
poser la présente question orale.
Parmi les magistrats qui ont été recrutés à l'occasion des concours exceptionnels de 1981, 1983 et 1991, on peut
distinguer deux catégories professionnelles : d'un côté, les magistrats issus de la fonction publique, qui ne rencontrent pas
de difficulté puisque le déroulement de leur carrière reste interne à celle-ci - ils changent simplement d'administration et de
corps ; de l'autre côté, les magistrats issus du secteur privé, environ un tiers - soit 100 sur 300, au titre des quatre
concours exceptionnels si on inclut les prévisions pour ceux de 1998 et 1999 - qui ne peuvent faire prendre en compte
pour le calcul de leur pension les années d'activité accomplies antérieurement, même au prix du versement d'une
contribution au titre de rachat.
Cette impossibilité découle directement du vide juridique créé par la loi organique du 29 octobre 1980, qui est muette sur
ce point. Or, c'est sur le fondement de cette loi organique que furent organisés les concours de 1981, 1983 et 1991, et
que seront probablement organisés ceux de 1998 et de 1999.
Dernièrement, le décret d'application du 24 septembre 1997 a permis aux avocats recrutés sur titre et sans concours, au
titre de l'article 40 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, et aux personnes spécialement qualifiées, recrutées dans les
mêmes conditions, en application des articles 22, 23 et 24 de ladite ordonnance, de procéder à la prise en compte des
années d'activité profesionnelle antérieures à leur entrée dans la fonction publique judiciaire.
Ainsi, nous constatons une double inégalité : d'un côté, entre les magistrats recrutés par les mêmes concours, selon qu'ils
proviennent ou non de la fonction publique ; de l'autre côté, entre des magistrats issus du secteur privé, selon qu'ils ont été
recrutés par concours exceptionnel ou au titre de leur qualification professionnelle.
Madame le garde des sceaux, ma question a donc pour objet - et je mesure la difficulté de l'exercice - de vous saisir afin
que vous mettiez un terme à cette inégalité.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogée, et je
le comprends, sur le régime de retraite des magistrats recrutés par concours exceptionnel. Je vous en remercie car il s'agit,
en effet, d'un sujet très préoccupant pour les intéressés. Je tiens donc à vous apporter un certain nombre d'éléments de
réponse.
La loi organique portant statut de la magistrature ouvre, dans ses articles 25-4 et 40, la possibilité pour les personnes
intégrées directement dans la magistrature, originaires du secteur privé ou d'une profession libérale, d'obtenir la prise en
compte des années d'activité professionnelle accomplies par elles avant leur nomination comme magistrat pour la
constitution de leur droit à pension de retraite de l'Etat ou pour le rachat d'annuités supplémentaires.
Ce dispositif de rachat est très dérogatoire au régime général du code des pensions, selon lequel la pension rémunère des
services effectifs rendus à l'Etat, ou assimilables.
Son champ actuel se limite, par conséquent, au recrutement sur titres dans la magistrature, par la voie de l'intégration.
Se pose bien évidemment la question de son éventuelle extension aux recrutements par voie de concours, qu'il s'agisse
des concours exceptionnels organisés antérieurement ou de ceux qui seront ouverts en 1998 et en 1999, ou encore du «
troisième concours » d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature, ouvert aux personnes issues du secteur privé. Cette
question nécessite qu'une réflexion soit menée à l'échelon interministériel. Je ne peux pas préjuger le résultat de ces
travaux, mais j'espère que nous aurons très prochainement l'occasion d'évoquer à nouveau ce sujet. Croyez bien,
monsieur le sénateur, que je vous tiendrai informé de l'évolution de ce dossier, pour lequel vous venez de manifester un
intérêt qui rejoint mes préoccupations.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Je vous remercie, madame le garde des sceaux, d'avoir bien voulu prendre en considération
ce problème, qui préoccupe douloureusement celles et ceux qui souhaitent s'engager dans la fonction publique.
Nous attendrons donc les conclusions de la réflexion interministérielle.

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