Question de M. CÉSAR Gérard (Gironde - RPR) publiée le 27/03/1998
Question posée en séance publique le 26/03/1998
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Depuis plus d'un an maintenant - et j'ai l'impression que ce n'est pas fini ! - partout dans notre pays, les agriculteurs
manifestent à juste titre leurs inquiétudes et leur profond désarroi face aux propositions ultralibérales de la Commission
européenne en vue d'une réforme de la politique agricole commune.
Le Président de la République en personne vient d'ailleurs récemment d'alerter le Gouvernement contre de telles
propositions qui, en préconisant une baisse des prix agricoles garantis dans les céréales, la viande bovine et le lait, sont
effectivement excessives et ne correspondent pas au modèle européen d'agriculture que nous souhaitons. J'ajoute que le
problème se pose également pour les cultures irriguées et non irriguées, ainsi que, bien sûr, pour les aides.
Je n'oublie pas les filières qui marchent bien actuellement et qui justifient que soient accordés de nouveaux droits à
produire, des aides à l'investissement pour moderniser les installations ainsi que des soutiens financiers de l'Union
européenne pour favoriser l'exportation et donc les emplois qui en découlent. C'est notamment le cas de la viticulture
girondine ; celle-ci doit continuer à alimenter le marché grâce à l'obtention de droits nouveaux de plantation, accordés par
Bruxelles et par l'Etat français.
A la veille du conseil extraordinaire de l'agriculture des Quinze du 31 mars prochain, quelle attitude le Gouvernement
entend-il adopter pour préserver l'avenir de notre agriculture et, au-delà de celle-ci, le modèle agricole européen ?
Par ailleurs, le 18 mars dernier, la Commission européenne a confirmé qu'un pourcentage d'aides européennes - environ
30 % du total - serait attribué par les Etats membres. Certes, cet élément a tendance à conforter le projet du ministre de
l'agriculture visant à l'instauration d'un contrat territorial d'exploitation, mais celui-ci ne me semble guère susceptible de
constituer un véritable outil global de politique agricole.
Au demeurant, ce projet de contrat n'est-il pas le signe d'une nouvelle nationalisation rampante de notre agriculture, qui
entraînerait, d'une part, une distorsion de concurrence entre les Etats membres et, d'autre part, une fonctionnarisation de
notre agriculture, et cela à deux ans des négociations qui doivent être menées dans le cadre de l'organisation commune
des marchés ?
Je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ces deux points essentiels pour l'avenir de notre agriculture, en
espérant que puissent être levées les légitimes inquiétudes des agriculteurs. (Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE)
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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 27/03/1998
Réponse apportée en séance publique le 26/03/1998
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, votre question me permet de revenir, en
insistant, sur un point que j'ai eu l'occasion de traiter tout à l'heure en l'absence de M. Le Pensec.
La Commission, qui jusque-là est dans son rôle, a présenté des propositions le 18 mars dernier. A ce stade, il ne s'agit
que de propositions. Le Gouvernement français a immédiatement réagi. Il s'est d'ailleurs trouvé sur ce point en accord
avec le Président de la République. Le Gouvernement et le Président de la République se sont réunis et ont travaillé
ensemble.
Les choses sont très claires : la France considère que les propositions telles qu'elles ont été avancées par la Commission
ne sont pas acceptables. Elles relèvent, en effet, d'un esprit de système, que j'ai dénoncé voilà un instant et qui consiste à
mettre en avant un dispositif fondé presque uniquement sur la baisse des prix. Elles traduisent une sorte de fuite en avant,
dans une approche purement libérale du sujet.
Par ailleurs, pour équilibrer, dans la présentation, ces baisses de prix, qui s'appliqueraient à des productions tout à fait
essentielles pour la France, comme la viande bovine, le lait, les céréales et d'autres encore, un système de compensation
est mis en place, dont nous savons qu'il ne tiendra pas. En effet, d'autres négociations, dont le principe est accepté,
s'engageront au sein de l'Organisation mondiale du commerce, qui est l'enceinte multilatérale compétente pour traiter ces
questions. Elles mettront immédiatement en évidence la fragilité et le caractère improvisé de ce système de compensation.
Ne subsisteront alors que les baisses de prix, qui ne nous paraissent pas apporter la réponse appropriée.
Par conséquent, je peux vous rassurer : face à ce problème, le Gouvernement est extrêmement conscient, vigilant et
mobilisé. L'entente avec le Président de la République est complète sur ce point.
La France a bien l'intention de défendre non seulement ses intérêts, mais également sa conception de l'agriculture française
et européenne et de l'aménagement de l'espace.
Il s'agit d'une négociation qui durera longtemps. Toutefois, sachez que vous pouvez compter dès maintenant sur notre
détermination pour maintenir ce modèle fondateur de la première grande politique commune de l'Europe, à laquelle il n'est
pas question de renoncer. Elle a su s'adapter au fil des années, en restant toujours fidèle à ses principes initiaux. C'est sur
cette base que le Gouvernement défendra avec beaucoup de fermeté nos intérêts. (Applaudissements sur les travées
socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
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