Question de M. JOLY Bernard (Haute-Saône - RDSE) publiée le 27/03/1998
Question posée en séance publique le 26/03/1998
M. le président. Avant de donner la parole à M. Joly, je tiens à saluer M. le Premier ministre et à le remercier de venir
assister à cette séance de questions au Gouvernement.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense et concerne l'exemption du service national pour
les jeunes titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée.
La loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national prévoit que les jeunes gens titulaires d'un contrat de travail
de droit privé à durée indéterminée, conclu au moins trois mois avant la date d'expiration de leur report initial, pourront
bénéficier, sur leur demande, d'un report supplémentaire d'une durée de deux ans, report pouvant être prolongé.
Dans la pratique, le poids des procédures hypothèque l'avenir de nombre de jeunes et d'entreprises, pour la plupart
artisanales. Ces dernières ont souvent fait l'investissement d'une formation au sein de leur structure ; elles ont besoin de ce
personnel-là, et pas d'un autre, et elles en ont besoin maintenant, et pas dans plusieurs mois. Les jeunes, eux, sont déjà
intégrés dans leur milieu professionnel, sont opérationnels et assurés d'un emploi.
Pourquoi briser un montage qui satisfait tout le monde et qui ne coûte rien à la collectivité, ce qui n'est pas le cas des
emplois-jeunes, lesquels, de plus, ne sont pas pérennes ? Faut-il grossir sciemment les rangs des chômeurs alors qu'on
s'ingénie à rendre à chacun sa dignité ? Dans certains cas, il suffirait de ne pas créer l'exclusion.
Il s'agit non de transgresser la loi ou de substituer le pouvoir exécutif au législateur, mais de donner des instructions
précises permettant d'offrir rapidement des réponses claires qui rassurent les parties.
Dans cette période d'abandon du service national au profit d'un professionnalisme de l'armée, le Gouvernement peut-il
s'engager à ce que tous les titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée soient assurés d'être exemptés du service
national sur simple production du document aux autorités compétentes ? (Applaudissements sur certaines travées du
RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
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Réponse du ministère : Défense publiée le 27/03/1998
Réponse apportée en séance publique le 26/03/1998
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, la loi du 28 octobre 1997, qui a donc été examinée et
adoptée par les deux assemblées assez récemment, ne prévoit pas d'exemption du service national pour motif de
détention d'un contrat de travail à durée indéterminée. C'est la loi ! Elle offre une simple possibilité de report, ainsi que
vous l'avez rappelé, lorsque l'insertion professionnelle d'un jeune peut être compromise par son incorporation.
Je souligne que cette possibilité de report a été décidée par la majorité de l'Assemblée nationale, avec l'abstention de son
opposition, et qu'elle a été fortement critiquée dans cette enceinte.
M. Jean-Jacques Hyest. Certes !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Aujourd'hui, nous appliquons la loi telle qu'elle a été votée, mais je me
souviens fort bien que la majorité sénatoriale aurait souhaité qu'on ne prévoie aucune mesure dérogatoire, alors que la
majorité de l'Assemblée nationale avait adopté, avec l'accord du Gouvernement, cette mesure partielle qu'est le report
sous condition.
Cette disposition, parce qu'elle est équilibrée, permet de concilier des impératifs auxquels nous sommes tous sensibles :
d'une part, l'accès des jeunes à l'emploi, dont le Gouvernement a fait une priorité ; d'autre part, la nécessité, pour nos
armées, en cette période de transition, de disposer d'un certain nombre d'appelés.
Le passage d'une armée de conscription à une armée professionnelle affecte l'organisation d'une institution de la
République qui regroupe 500 000 de nos concitoyens. Le remplacement de 200 000 appelés par 60 000 professionnels
ne peut se faire en un an ! L'armée a absolument besoin des appelés. Au moment où je vous parle, 140 000 appelés sont
rigoureusement indispensables au fonctionnement de nos armées, et ceux qui, dans cette assemblée, s'intéressent plus
particulièrement aux questions de défense le savent.
Pour ces appelés, nous devons faire prévaloir un principe qui, j'en suis certain, recueille ici l'unanimité, à savoir le principe
d'égalité. Il ne serait pas juste, me semble-t-il, d'y contrevenir en exemptant systématiquement de service national les
jeunes titulaires d'un contrat de travail, ce qui reviendrait à ne le faire accomplir, pendant la période de transition, que par
les jeunes privés d'emploi.
Les demandes de report pour emploi sont examinées par des commissions régionales indépendantes, dont le rôle a été
défini par un décret du 17 mars 1998 et que nous sommes en train de mettre en place.
M. le président. Monsieur le ministre, je vous prie de conclure.
M. Alain Richard, ministre de la défense. J'ai pratiquement terminé, monsieur le président.
Afin d'éviter tout retard, une assistance technique sera fournie par les services de la défense à ces commissions, de
manière que les décisions prises soient adaptées au cas de chaque jeune.
Je veux souligner que, dans le texte de loi, nous avons modifié le code du travail de manière que le contrat de travail du
jeune ne soit pas rompu avec le départ pour le service militaire et que l'intéressé soit réintégré d'office dans son emploi
lorsque son service est achevé. Ainsi, la plupart des jeunes titulaires d'un contrat de travail pourront effectivement concilier
leurs obligations militaires et la préservation de leur emploi. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
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