Question de M. MACHET Jacques (Marne - UC) publiée le 27/03/1998
Question posée en séance publique le 26/03/1998
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question
s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Le 18 mars dernier, la Commission européenne a soumis aux Quinze les quatre chapitres de l'Agenda 2000 qu'elle avait
annoncés en juillet dernier et dont l'un concerne la réforme de la politique agricole commune.
Une fois de plus, c'est l'agriculture qui risque de susciter le plus de critiques, notamment en France. En effet, la stratégie
de la Commission européenne consiste à diminuer les prix garantis pour les trois principales productions européennes : de
20 % pour les grandes cultures, c'est-à-dire les céréales, les oléagineux et les protéagineux, de 30 % pour la viande
bovine et de 15 %, au lieu des 10 % initialement annoncés, pour les produits laitiers.
Ces baisses de prix seraient compensées, mais en partie seulement - 50 % pour les céréales, 60 % pour le lait et environ
85 % pour la viande bovine - par des aides directes aux producteurs.
M. le Président de la République a exprimé, jeudi dernier, son désaccord profond avec le texte de Bruxelles.
Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il fermement décidé à se battre en présentant, au nom de la France, une
demande de réorientation de ce projet de réforme, le 31 mars prochain ?
Pouvez-vous nous indiquer quelle sera la position de la France sur les oléo-protéagineux ?
Enfin, jusqu'où iriez-vous dans une politique de renationalisation des aides si celle-ci était proposée par Bruxelles ?
Monsieur le ministre, je serai très sensible aux précisions que vous pourrez nous apporter sur ces points, qui sont vitaux
pour l'agriculture et, par voie conséquence, pour notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 27/03/1998
Réponse apportée en séance publique le 26/03/1998
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, la Commission européenne a en effet
adopté, le 18 mars dernier, des propositions - et je souligne ce mot - relatives à l'avenir de la politique agricole commune.
Il reviendra bien évidemment au conseil des ministres de l'Union européenne de décider des nouvelles orientations de la
PAC, à l'issue d'une négociation que vous pouvez deviner longue. Elle ne fait que commencer avec cette démarche initiale
de la Commission, qui est d'ailleurs dans son rôle en faisant des propositions.
Le Gouvernement a d'ores et déjà marqué son désaccord avec ces propositions et sa volonté d'en obtenir la
réorientation.
Le Président de la République partage ce point de vue - vous y avez fait allusion.
La France exprimera cette position à Bruxelles le 31 mars, lors du conseil de l'agriculture de l'Union. Par conséquent, les
choses sont claires.
Je n'entrerai pas dans le détail des orientations présentées par la Commission, mais je pourrais, comme vous, dénoncer le
sort que celle-ci entend réserver aux oléagineux par exemple. L'Europe doit pouvoir préserver sa production dans ce
secteur.
Plus généralement, les propositions de la Commission appellent les critiques suivantes.
D'abord, ces propositions résultent d'un esprit de système au nom duquel la baisse des prix serait une panacée applicable
au lait et à la viande bovine aussi bien qu'aux grandes cultures. Ce n'est pas acceptable. Voilà un raisonnement dans lequel
on ne peut entrer d'une façon aussi systématique.
Ensuite, ces propositions préparent mal l'avenir. Elles accumulent des aides compensatoires, qui, on le sait, susciteront le
scepticisme croissant de l'opinion et ne franchiront pas le cap des prochaines négociations au sein de l'Organisation
mondiale du commerce. Ainsi, on affiche des baisses de prix, qui seraient souhaitables pour des raisons de compétitivité,
et l'on entend les compenser en partie par des mesures dont on connaît déjà la fragilité. Voilà toute la faiblesse du
dispositif !
On peut dire également que l'élargissement de l'Union ne se préparera pas avec de simples baisses de prix garantis.
C'est une autre orientation qu'il faudra prendre et, sans préjuger le résultat des divers épisodes qui interviendront ou des
négociations, que nous ménerons avec énergie, vous pouvez le croire, je pense qu'il faudra plutôt aller dans le sens d'une
prise en compte des fonctions multiples de l'agriculture - production, occupation du territoire et environnement - mais
aussi dans celui d'une réelle flexibilité à accorder aux Etats membres pour répondre aux attentes de leurs agriculteurs eu
égard aux spécificités de leurs productions, et dans le sens de l'octroi d'aides qui ne soient plus exclusivement assises sur
la production. On a déjà commencé à s'engager dans ces directions.
Il s'agit non pas d'aller vers une renationalisation de la première des politiques communes de l'Europe, mais bien de
préparer une Union élargie par plus de subsidiarité et de flexibilité. Il est parfaitement possible de s'engager dans cette
voie sans créer de distorsions de concurrence ni mettre en péril l'unité de la PAC. C'est en tout cas ce dont nous sommes
convaincus.
Par rapport aux propositions de la Commission européenne, le Gouvernement n'entend ni susciter un projet alternatif,
démarche qui serait vouée à l'échec, ni se contenter d'amendements techniques qui ne seraient pas à la hauteur de l'enjeu ;
il compte bien susciter, par ses prises de position claires et sans ambiguïté, une réorientation de ces propositions vers une
réforme qui soit à la hauteur des attentes du monde agricole, de la société dans son ensemble et des enjeux de l'avenir,
dont votre question, monsieur le sénateur, se faisait l'écho. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
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