Question de M. BARNIER Michel (Savoie - RPR) publiée le 26/02/1998
M. Michel Barnier appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les vives inquiétudes ressenties par les bibliothécaires français concernant l'instauration d'un " droit de prêt " des livres pour les bibliothèques publiques. Les éditeurs et les sociétés d'auteurs français réclament l'instauration d'un droit de prêt en France qui serait appliqué aux bibliothèques publiques, pour une plus juste rémunération des auteurs, qui seraient lésés par des prêts trop nombreux. Or, une enquête effectuée en 1995 par la direction du livre et de la lecture auprès de l'Observatoire de l'économie du livre, démontrait que l'emprunt en bibliothèque ne nuisait pas à l'achat en librairie. Actuellement, les auteurs français n'ont donc jamais interdit le prêt, faculté qui leur était ouverte par la loi du 11 mars 1957 et le code de la priorité intellectuelle, car la présence de leurs livres en bibliothèques leur assure une promotion relativement large de leur oeuvre. A cet égard, la directive 92/100/CE du 19 novembre 1992 porte sur ce droit de location et de prêt des oeuvres couvertes par le droit d'auteur. Cependant, la France peut aisément être en règle avec cette directive européenne, car l'article 5 de celle-ci indique que : " les Etats membres peuvent déroger au droit exclusif de prêt public, compte tenu de leurs objectifs de promotion culturelle. Ils peuvent exempter certains établissements du paiement de ce droit ". L'aide octroyée au centre national du livre par le ministère de la culture justifierait pleinement, semble-t-il, l'application en France de cette dérogation. Enfin, l'instauration d'un droit de prêt appliqué aux bibliothèques publiques ou un prêt payant appliqué aux usagers constituerait en quelque sorte une " taxation de la lecture publique " et une entrave à l'accès aux livres du plus grand nombre. Les collectivités locales, par leurs achats, soutiennent l'édition du livre et diffusent le goût de la lecture à tous, notamment auprès des plus jeunes (écoles, etc.), ce qui constitue une mission de service public. Il lui demande donc quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet, pour mettre fin à la polémique qui s'amplifie entre auteurs, éditeurs et bibliothécaires publics, ceci dans le cadre, naturellement, de la réglementation en vigueur au niveau européen.
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Réponse du ministère : Culture publiée le 02/04/1998
Réponse. - La directive européenne du 19 novembre 1992 a reconnu le droit exclusif pour un auteur, un artiste-interprète, un producteur de phonogramme, ou un producteur d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, d'autoriser ou d'interdire le prêt de son oeuvre et de percevoir le cas échéant une rémunération au titre de cette utilisation, le prêt n'englobant pas au sens de ce texte la mise à disposition de documents à des fins de consultation sur place. Sous la forme du droit de destination qui permet aux ayants droit de céder autant de droits qu'il y a de modes d'utilisation d'un support d'information, le droit français de la propriété intellectuelle s'est avéré être sur ce point d'ores et déjà en pleine conformité avec la directive européenne. Si l'existence et la légitimité du droit de prêt ne sont pas contestables sur le plan juridique, il n'en est pas moins vrai que la question de son application par l'ensemble des organismes de prêt, et particulièrement les bibliothèques publiques, est demeurée entière. Quoi qu'il en soit l'application du droit de prêt ne saurait en aucun cas, dans l'esprit du Gouvernement, freiner l'essor de la lecture publique, constamment encouragée par l'Etat, ni faire obstacle à l'action que mènent les bibliothèques pour un égal accès de tous au livre. Ce souci doit d'autant plus prévaloir que les études menées par le ministère chargé de la culture, en association avec les organismes représentatifs des auteurs, des éditeurs, des libraires et des bibliothécaires, n'ont pas fait apparaître que l'emprunt en bibliothèque concurrence ou décourage de manière significative l'achat de livres en librairie. Attentif aux souhaits des ayants droit et aux préoccupations des libraires comme aux enjeux de lecture publique portés par les élus et les professionnels des bibliothèques, le Gouvernement a choisi de conditionner l'examen des modalités d'application du droit de prêt à un consensus entre les uns et les autres. En vue de favoriser ce consensus et de permettre une étude sereine et approfondie de la question du droit de prêt en bibliothèque, le ministère de la culture et de la communication vient de confier à M. Jean-Marie Borzeix une mission de réflexion et de concertation, dont les conclusions devraient être connues d'ici la fin du premier semestre.
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