Question de M. ROCCA SERRA Jacques (Bouches-du-Rhône - UC) publiée le 19/02/1998

M. Jacques Rocca Serra appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur l'éventualité de l'application aux bibliothèques publiques d'un " droit de prêt ", prévu par la directive européenne 92/100/CEE du 19 novembre 1992, qui pourrait, s'il entrait en vigueur, menacer le développement de la lecture publique et des bibliothèques. Jusqu'à présent, la France n'a pas appliqué ce droit de prêt aux bibliothèques publiques et il serait souhaitable que la dérogation prévue par la directive européenne d'exempter certains établissements du paiement de ce droit soit définitivement adoptée. Les bibliothèques publiques seraient en effet fragilisées par l'application d'un droit de prêt qui viendrait grever leur budget d'achats de livres. Les bibliothèques départementales et municipales en France connaissent un développement très récent et toutes les communes ne bénéficient pas encore d'un service de lecture et de documentation. Dans beaucoup de petites communes, elles assurent seules, au moyen de bibliobus, la présence du livre. Les collectivités territoriales prennent majoritairement à leur charge les frais de fonctionnement des bibliothèques, en achats de documents et personnel permanent. L'institution d'un droit de prêt, outre la complexité du calcul des recettes sur les prêts d'ouvrages et les lourdeurs de redistribution aux auteurs concernés, pèserait sur les finances locales. Si cette directive vise légitimement à assurer la protection des droits d'auteurs et du secteur de l'édition, il semble abusif de croire que les bibliothèques nuisent à l'achat de livres. Non seulement les importantes acquisitions qu'elles font (446 millions de francs d'achats pour les bibliothèques municipales en 1995 et 114 millions pour les bibliothèques départementales) assurent une information sur l'actualité éditoriale et la conservation de livres rares, mais elles permettent aussi l'édition d'ouvrages difficiles et coûteux. C'est pourquoi, il la remercie de vouloir bien l'informer des intentions futures de son ministère sur ce point particulier.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 19/03/1998

Réponse. - La directive européenne du 19 novembre 1992 a reconnu le droit exclusif pour un auteur, un artiste-interprète, un producteur de phonogramme, ou un producteur d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles d'autoriser ou d'interdire le prêt de son oeuvre et de percevoir le cas échéant une rémunération au titre de cette utilisation, le prêt n'englobant pas au sens de ce texte la mise à disposition de documents à des fins de consultation sur place. Sous la forme du droit de destination qui permet aux ayants droit de céder autant de droits qu'il y a de modes d'utilisation d'un support d'information, le droit français de la propriété intellectuelle s'est révélé être sur ce point d'ores et déjà en pleine conformité avec la directive européenne. Si l'existence et la légitimité du droit de prêt ne sont pas contestables sur le plan juridique, il n'en est pas moins vrai que la question de son application par l'ensemble des organismes de prêt, et particulièrement les bibliothèques publiques, est demeurée entière. Quoi qu'il en soit l'application du droit de prêt ne saurait, en aucun cas, dans l'esprit du Gouvernement, freiner l'essor de la lecture publique, constamment encouragée par l'Etat, ni faire obstacle à l'action que mènent les bibliothèques pour un égal accès de tous au livre. Ce souci doit d'autant plus prévaloir que les études menées par le ministère chargé de la culture, en association avec les organismes représentatifs des auteurs, des éditeurs, des libraires et des bibliothécaires, n'ont pas fait apparaître que l'emprunt en bibliothèque concurrence ou décourage de manière significative l'achat de livres en librairie. Attentif aux souhaits des ayants droit et aux préoccupations des libraires comme aux enjeux de lecture publique portés par les élus et les professionnels des bibliothèques, le Gouvernement a choisi de conditionner l'examen des modalités d'application du droit de prêt à un consensus entre les uns et les autres. En vue de favoriser ce consensus et de permettre une étude sereine et approfondie de la question du droit de prêt en bibliothèque, le ministère de la culture et de la communication vient de confier à M. Jean-Marie Borzeix une mission de réflexion et de concertation, dont les conclusions devraient être connues d'ici à la fin du premier semestre.

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