Question de M. GAILLARD Yann (Aube - RPR) publiée le 06/02/1998
M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les délais de paiement appliqués aux plats cuisinés et aux conserves. Il apparaît en effet anormal que les industriels soient assujettis à un délai de paiement de 30 jours (art. 35 nouveau de l'ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 modifié par la loi no 92-1442 du 31 décembre 1992 et par la loi no 96-588 du 1er juillet 1996) pour les produits périssables à partir desquels ils produisent des plats cuisinés et ne soient payés qu'à un délai compris entre 120 et 150 jours par les centrales de restauration hors foyer et les distributeurs qui revendent ces produits. Il apparaît clairement que dans cette situation les industriels jouent un rôle de banquier à l'égard de leurs clients, ce qui ne se justifie pas. Il serait donc normal, aux yeux de ces industriels, d'aligner les conditions de l'épicerie (conserves de légumes, de viande, plats cuisinés...) sur celles des produits frais. Il lui demande donc ce qu'il compte faire pour rétablir une certaine logique et une certaine équité dans ce domaine et ne soit pas tenté d'exercer en plus une activité d'organisme financier.
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Transmise au ministère : Petites et moyennes entreprises
Réponse du ministère : Petites et moyennes entreprises publiée le 25/02/1998
Réponse apportée en séance publique le 24/02/1998
M. Yann Gaillard. Ma question porte sur les délais de paiement appliqués aux plats cuisinés et aux conserves.
Les délais de paiement pour les denrées alimentaires périssables et les boissons alcooliques sont fixés par l'ordonnance du
1er décembre 1986, qui a été modifiée par la loi Sapin du 31 décembre 1992 et par la loi Galland, promulguée le 1er
juillet 1996. Ils doivent être respectés par tout acheteur professionnel, qu'il soit lui-même producteur, commerçant ou
prestataire de services, et s'échelonnent, selon les produits, entre vingt et soixante-quinze jours : par exemple, vingt jours
pour le bétail sur pied et soixante-quinze jours pour les vins et les champagnes.
Les acheteurs de denrées périssables - charcuterie, volailles, fruits et légumes frais, produits laitiers mais aussi viande
congelée, poissons frais et surgelés - doivent, quant à eux, respecter un délai de trente jours. Lors de la discussion du
projet qui est devenu la loi Galland, c'est d'ailleurs le Sénat qui a porté ce délai à trente jours, alors que l'Assemblée
nationale l'avait fixé à vingt jours.
Dans une lettre, un fabricant de conserves de choucroute au champagne de mon département, l'Aube, m'indique que, à
concurrence de 70 % de son chiffre d'affaires, il est assujetti à un délai de paiement de trente jours, qu'il s'agisse de la
viande, des légumes secs, du beurre ou encore des salaires et charges sociales ou de l'électricité. En revanche, lorsqu'il
livre ses produits aux centrales de restauration et aux distributeurs, notamment les grandes surfaces, il n'est payé que dans
un délai de cent vingt à cent cinquante jours.
Cette situation est tout à fait anormale et, depuis longtemps, la profession de la conserverie ainsi que d'autres professions
analogues protestent contre cet état de fait qui les transforme en quelque sorte en banquiers de leurs clients, notamment
des grandes surfaces. Il serait logique, aux yeux de ces industriels, d'aligner les conditions auxquelles est soumise
l'épicerie, notamment pour ce qui concerne les conserves de légumes, de viande et les plats cuisinés, sur celles des
produits frais qui servent à les fabriquer. Ces professionnels sont, à l'évidence, soumis à un effet de ciseaux qui devrait
attirer l'attention des pouvoirs publics.
M. le président. La parole est à à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, le principe qui a jusqu'à présent prévalu est celui de délais de paiement
relativement brefs pour les denrées périssables, liés à la durée elle-même brève de fraîcheur de ces denrées.
En 1996, un correctif a été apporté à cet égard, vous l'avez rappelé. Cependant, de ce fait, on a créé une frontière
supplémentaire et une possibilité d'effet de ciseaux supplémentaire.
Votre question appelle plusieurs réflexions.
Tout d'abord, il serait de mauvaise politique de continuer de traiter la question des délais de paiement produit après
produit même si, sur le fond, vous avez raison.
En France, les encours bancaires relatifs aux PME, qui dominent l'activité économique, s'élèvent à 800 milliards de francs,
contre 2 000 milliards de francs s'agissant des crédits concernant les fournisseurs. Cela montre bien que, aujourd'hui, les
premières banques du système de distribution, ce sont les PME.
Je souhaite engager avec la majorité des distributeurs, à court terme je l'espère, un débat sur la construction de la valeur
ajoutée des filières. Il est temps que l'on sache qui construit la filière, du producteur, du transformateur ou du distributeur.
Toutefois, aux termes de la loi de 1996, c'est le libéralisme économique qui prévaut, libéralisme que ne rejette pas,
majoritairement, me semble-t-il, cette assemblée. Un tel débat relève donc des entreprises elles-mêmes.
En revanche, si ce débat n'aboutit pas à court terme, il n'est pas anormal de penser que l'Etat puisse intervenir pour fixer
des règles du jeu qui placent nos PME dans une situation de concurrence normale par rapport à leurs partenaires
européens.
En effet, dans un certain nombre de pays européens - vous le savez fort bien - la question a été tranchée parfois de
manière beaucoup moins favorable pour les distributeurs qu'en France.
Nous nous acheminons vers une concertation européenne, laquelle n'a pas été ouverte avec l'aide de la France lorsque
celle-ci en avait les moyens, voilà quelques mois.
Ce débat sur la valeur ajoutée et sa répartition est important. La question des crédits fournisseurs doit réellement appeler
notre attention, même si - soyons francs ! - dans l'étroitesse, si je puis dire, des fenêtres ouvertes en 1996, c'est le souci
de limiter l'inflation qui a prévalu. Ce souci a sûrement animé également les débats parlementaires.
Je reste persuadée que, au-delà de la libre négociation entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs, nous
devons saisir l'opportunité du débat européen pour aller jusqu'au bout de l'intervention publique si elle s'avère nécessaire
en France, dès lors que perdurent les situations que vous avez décrites.
Les délais de paiement doivent, il est vrai, faire l'objet d'un accord entre les partenaires. Toutefois, dans un certain
nombre de cas, les partenaires ne se trouvent pas à égalité de fait et, dans divers domaines, les délais de paiement sont
importants.
L'appel au législateur concerne uniquement les marchés publics. Or je ne suis pas convaincue que, en dehors du secteur
du bâtiment, les délais de paiement soient un problème de marché public ; cette question relève des relations entre
fournisseurs privés.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse ; je crois que vous situez le débat au
bon niveau. Il est certain que l'angle sous lequel je l'avais abordé était un peu étroit.
D'ailleurs, n'étant pas un partisan systématique de la réglementation et de la législation, je ne souhaite pas que de nouvelles
lois alignent, par exemple, les délais de paiement relatifs aux conserves sur ceux, plus courts, des différents ingrédients. Le
bon angle d'étude est effectivement celui de la concertation, mais sous l'impulsion des pouvoirs publics.
Madame le secrétaire d'Etat, vous avez relevé, à juste titre, qu'un débat se déroule à Bruxelles actuellement. D'après
certaines informations, la Commission se préparerait à élaborer une directive à ce sujet.
J'apprécie le fait que vous ayez le souci de moraliser les relations entre des partenaires commerciaux inégaux, vous l'avez
dit vous-même, et d'introduire un peu plus d'équité dans ces relations.
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