Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 01/01/1998

M. Emmanuel Hamel appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication , porte-parole du Gouvernement, sur le grave danger que le développement des salles de cinéma dites multiplexes fait courir au cinéma français. Il se réjouit des récentes déclarations de Mme le ministre sur la nécessité d'une " réflexion profonde sur la restructuration des réseaux de distribution " ainsi que sur " l'opportunité d'une modification de la loi afin de pallier les carences actuelles ". Vu la rapidité du développement des multiplexes, qui sont passées en deux ans de 5,8 % à 17,6 % de la fréquentation globale des salles françaises, cette modification ne peut attendre. Dans tous les pays européens, les cinémas nationaux se sont effondrés au profit du cinéma américain. En Allemagne, la part de marché des films américains est passée en 10 ans de 58,7 % à 87,8 %. En Grande-Bretagne, cette part a progressé de 78 % à 94,17 % en seulement 5 ans. En France, le cinéma américain n'est encore que faiblement majoritaire, mais pour combien de temps encore ? En effet le développement des multiplexes constitue une grave menace pour les exploitants indépendants permettant aux films français d'atteindre le public. Les efforts de Mme le ministre pour freiner cette évolution, en accordant une aide exceptionnelle aux exploitants indépendants menacés par les multiplexes, méritent d'être salués. Mais ces efforts restent d'un effet limité face au dynamisme des groupes qui ont programmé la création de 40 multiplexes d'ici l'an 2000, avec l'aval de commissions départementales et régionales dont la résistance paraît modeste face aux prétentions hégémoniques de l'oligopole capitaliste de la distribution des films, au bénéfice des producteurs étrangers, au détriment des producteurs français. Plutôt que d'opposer à ce flot dévastateur de l'oligopole capitaliste dominant la distribution le barrage symbolique de subventions budgétaires et de commissions insuffisamment protectrices, il lui demande si elle ne pense pas que le moment est enfin venu pour le Gouvernement de la France de s'attaquer à la source des maux de la production cinématographique française, en reprenant à son compte la proposition de loi préparée par éminent conseiller d'Etat, aujourd'hui disparu, qui prévoyait notamment " la stricte limitation du cumul des activités de production et de distribution d'une part, d'exploitation des films d'autre part, et la suppression des entraves au respect de la concurrence ".

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Réponse du ministère : Culture publiée le 28/05/1998

Réponse. - Avec près de 148 millions d'entrées en 1997, le retour des spectateurs dans les salles correspond à une nouvelle phase dans la vie de l'exploitation. En effet, ces dernières années ont été marquées par l'apparition d'une nouvelle génération d'équipements cinématographiques (les " multiplexes "). Inquiet des conséquences que pourrait avoir sur les centres-villes la création rapide d'établissements de ce type, le Parlement a pris la décision, en juillet 1996, de soumettre ces nouvelles implantations aux commissions départementales d'équipement cinématographique afin que ces ouvertures ne perturbent pas l'équilibre social et urbain des agglomérations concernées. Un premier rapport, concernant les ensembles de salles cinématographiques comportant plus de 1500 places, tel que prévu par l'article 36-6 de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, a été remis au Parlement en avril 1997. Ce document traduit une grande diversité des situations locales et fait apparaître que la création de ces nouveaux complexes cinématographiques entraîne une hausse importante de la fréquentation. Toutefois, ces nouvelles implantations peuvent avoir pour conséquence à terme de modifier profondément les conditions de diffusion des films. Afin d'en anticiper les effets, le Centre national de la cinématographie a saisi le comité consultatif de la diffusion cinématographique, instance chargée de donner un avis sur le renouvellement des agréments de programmation délivrés aux grands circuits nationaux. Cette instance a proposé de demander aux exploitants qui seraient en position dominante sur un marché local d'inscrire des engagements particuliers de programmation permettant à la fois de garantir aux films l'accès aux spectateurs et de préserver l'accès aux films des salles concurrentes, notamment d'art et d'essai, situées dans la même zone de chalandise. Le Gouvernement examine les conditions dans lesquelles cette proposition pourra être mise en uvre, afin de préserver la diversité de la diffusion du cinéma. Ces dispositions s'appliqueraient à tout opérateur dominant sur un marché, et pas seulement aux grands groupes nationaux. Il convient en effet de souligner que la création des multiplexes n'est pas à l'initiative exclusive de ces grands groupes, mais qu'elle concerne au contraire une diversité d'opérateurs, français ou étrangers. S'il est nécessaire, bien entendu, de rester attentif au risque qu'entraînerait une concentration excessive du secteur, qu'elle soit horizontale ou verticale, il faut aussi tenir compte du rôle que jouent des groupes verticaux suffisamment puissants et actifs en faveur du maintien et du développement du cinéma français. Ce phénomène a sans doute permis une meilleure résistance du film national, s'agissant de groupes qui sont également producteurs et distributeurs de films français et européens. A titre de comparaison, les films nationaux ne représentent que 21 % en Italie, 13 % en Grande-Bretagne et 16 % en Allemagne alors qu'ils réalisent près de 35 % en France. Par ailleurs, en termes de distribution, le marché français, en 1996, est loin d'être monopolistique, aucune entreprise n'ayant réalisé plus de 20 % des encaissements-distributeurs. Le maintien d'un nombre important de distributeurs de taille moyenne ou petite a permis de préserver la diversité de l'offre de programmation : 180 films français ont été distribués au cours de l'année 1997, soit le volume le plus important de la décennie. S'agissant enfin de la production française, l'année 1997 a vu augmenter son volume : 163 films ont été agréés au cours de cette année contre 134 en 1996.

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