Question de M. GARCIA Aubert (Gers - SOC) publiée le 21/01/1998
M. Aubert Garcia attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la brèche de plus en plus profonde ouverte dans le statut de la fonction publique territoriale, par le recours abusif aux non-titulaires, rendu possible en raison de l'inefficacité du contrôle de légalité à endiguer cette tendance. A titre d'exemple, il cite la situation créée par un fonctionnaire territorial du grade d'agent de maîtrise principal, en cessation progressive d'activité qui a démissionné pour être repris le lendemain, sur le même emploi, en qualité de contractuel avec une rémunération de catégorie A, alors que l'emploi libéré était de catégorie C. En laissant perdurer et prospérer de telles pratiques, non seulement le statut s'érode, mais, de plus, les lauréats des concours administratifs en attente sur les listes d'aptitudes voient leurs perspectives d'embauche considérablement réduites et finissent sur des listes mouroirs, participant ainsi à la décrédibilisation des concours organisés par les centres de gestion et le Centre national de la fonction publique territoriale et par là même du statut dans son ensemble. Il lui demande de lui faire connaître les dispositions qu'il entend prendre tant au plan du renforcement des moyens dont disposent les préfectures pour assurer un contrôle de légalité homogène sur le territoire, ainsi que l'exigent les principes de la République, qu'au plan législatif, si la loi se révélait impraticable eu égard aux conditions d'administration souhaitables pour les collectivités territoriales.
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Transmise au ministère : Fonction publique
Réponse du ministère : Intérieur publiée le 25/02/1998
Réponse apportée en séance publique le 24/02/1998
M. Aubert Garcia. Monsieur le ministre, je tiens tout particulièrement à attirer votre attention sur la brèche de plus en
plus profonde ouverte dans le statut de la fonction publique territoriale par le recours abusif aux agents non titulaires,
rendu possible en raison de l'inefficacité du contrôle de légalité à endiguer cette tendance lourde.
A titre d'exemple, je citerai la situation créée par un fonctionnaire territorial du grade d'agent de maîtrise principal, en
cessation progressive d'activité, qui a démissionné pour être repris le lendemain, sur le même emploi, en qualité de
contractuel, avec une rémunération de catégorie A, alors que l'emploi libéré était de catégorie C.
Nous sommes là, me semble-t-il, à la limite du paradoxe !
Avec de telles pratiques, qui perdurent et même prospèrent, le statut s'érode ; mais, de plus, les lauréats des concours
administratifs en attente sur les listes d'aptitude voient leurs perspectives d'embauche considérablement réduites et finissent
sur des listes-mouroirs. Les concours organisés par les centres de gestion et par le Centre national de la fonction publique
territoriale perdent ainsi leur crédibilité, comme le statut dans son ensemble.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de me faire connaître les dispositions que vous entendez prendre tant sur le
plan du renforcement des moyens dont disposent les préfectures pour assurer un contrôle de légalité homogène sur le
territoire, ainsi que l'exigent les principes de la République, que sur le plan législatif, si la loi se révélait par hasard
impraticable eu égard aux conditions d'administration souhaitable pour les collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983
modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires pose comme principe - vous avez bien fait de le rappeler - que les
emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à
caractère administratif sont, sauf dérogation législative expresse, occupés par des fonctionnaires.
S'agissant de la fonction publique territoriale, les dérogations sont limitativement prévues aux articles 3, 47 et 110 de la loi
du 26 janvier 1984 modifiée. Elles visent à répondre aux besoins des collectivités territoriales en autorisant le recours aux
agents non titulaires pour les emplois de cabinet et les emplois de direction au sein des collectivités et établissements les
plus importants, ainsi que pour répondre à des besoins ponctuels ou particuliers : remplacements, vacances de postes qui
ne peuvent être immédiatement pourvus par des fonctionnaires, besoins saisonniers ou occasionnels, absence de cadre
d'emplois, particularité des fonctions ou des besoins, recours aux contrats à temps non complet dans les plus petites
communes.
Sans me livrer à une appréciation a priori sur le cas d'espèce que vous citez, je tiens à souligner que, la construction
statutaire de la fonction publique territoriale étant désormais quasiment achevée, l'une des préoccupations essentielles du
Gouvernement réside dans l'affermissement de cette construction, en particulier par la résorption de l'emploi précaire,
encore trop important dans les collectivités locales.
Mais, outre ce dispositif, qui résulte de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction
publique et qui se met progressivement en place, le Gouvernement mène une réflexion d'ensemble sur les conditions de
recrutement dans la fonction publique territoriale. C'est dans cet esprit qu'une mission, dont les conclusions seront
prochainement connues, a été confiée à M. Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil d'Etat.
Sans préjuger les résultats de cette étude, et dans le souci d'assurer une meilleure adaptation du profil des lauréats des
concours aux besoins des collectivités locales, les textes réglementant les concours d'accès à la fonction publique
territoriale feront progressivement l'objet des ajustements nécessaires. Une meilleure adéquation des titres ou diplômes
requis des candidats et la création de spécialités dans les cadres d'emplois constitueront les voies de réforme privilégiées.
Ainsi les autorités territoriales investies du pouvoir de nomination seront-elles mieux à même de trouver dans les listes
d'aptitude les agents aptes à exercer les compétences dont elles ont besoin.
Un juste équilibre doit en effet être maintenu entre la mise en oeuvre par l'Etat de ses prérogatives en matière de contrôle
de légalité - sujet que vous avez évoqué - et l'exercice du principe de libre administration des collectivités territoriales.
De nouveaux outils, comme le développement des moyens informatiques permettant l'accès aux banques de données
relatives aux règles du droit de la fonction publique, sont en cours d'élaboration.
Les services chargés du contrôle de légalité sont d'ores et déjà attentifs au respect du principe posé par la loi du 13 juillet
1983. Leur attention est régulièrement appelée sur les dispositions applicables en la matière, qu'il s'agisse des cas de
recours légitime aux contrats ou de l'analyse des situations devant éviter tout détournement de la règle de droit.
Le Gouvernement n'envisage donc pas, dans l'immédiat, de proposer le renforcement par la voie législative des
instruments qui lui permettraient d'exercer son contrôle à l'encontre des employeurs locaux. Mais, vous le voyez, toute une
série de dispositions sont actuellement en cours d'élaboration, nonobstant le cas particulier que vous avez évoqué,
monsieur le sénateur, et dont vous pourriez peut-être signaler l'existence à mes services pour voir s'il est possible d'y
apporter une réponse plus précise.
M. Aubert Garcia. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Garcia.
M. Aubert Garcia. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Président d'un centre de gestion de la fonction publique territoriale pendant quinze ans, j'ai eu l'occasion de me plonger
dans l'examen des lois de 1983 et de 1984 ainsi que des adaptations successives qui y ont été apportées pour répondre
aux problèmes de cette fonction publique territoriale que j'ai pratiquement, pendant ces quinze années, vue naître et
progresser.
Si j'ai voulu attirer votre attention sur ce cas particulier, monsieur le ministre, c'est parce qu'il n'est pas le seul, loin de là :
celui-là a été porté à ma connaissance ; de nombreux autres, sans doute, y échappent.
J'ai pensé qu'il était intéressant de faire le point avec vous sur l'évolution actuelle des pratiques, en particulier du contrôle
de légalité, qui doit servir non pas à empêcher les collectivités locales d'avoir les outils de gestion nécessaires, mais à
homogénéiser le contrôle au niveau des départements pour que l'on puisse vraiment parler d'une fonction publique
territoriale cohérente et capable de remplir les fonctions que nous attendons d'elle.
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