Question de M. MAUROY Pierre (Nord - SOC) publiée le 16/01/1998
Question posée en séance publique le 15/01/1998
M. le président. La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Ma question s'adresse à Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle porte sur un sujet
qui est aujourd'hui au coeur de l'actualité : la politique de la ville.
Un constat s'impose : la cause de la misère et de la violence est bien connue, c'est le chômage.
Face au chômage de masse, le Gouvernement a fait le juste choix, celui de placer l'emploi au coeur de son action. Les 35
heures hebdomadaires sans perte de salaire pour créer des milliers d'emplois est une voie essentielle pour sortir de
l'impasse et réussir une politique de la ville. Elle s'impose à tous, et le patronat français doit le comprendre et l'accepter.
Je sais que c'est également la position du Gouvernement et de Mme la ministre. Mais je crois qu'il faut toujours le répéter,
car c'est là l'essentiel.
A côté d'une politique ambitieuse pour l'emploi, vous élargissez, madame la ministre, le chantier de la lutte contre
l'exclusion, en liaison avec dix-huit ministères, avec les maires, avec les acteurs de terrain.
Chaque ville doit prendre sa part d'habitat social afin de réussir la mixité sociale. La ville doit pouvoir organiser le retour à
une urbanité et une sécurité élémentaires dans les transports en commun. La ville doit pouvoir renforcer sa police locale,
en coordination étroite avec la police nationale. Dans chaque ville, des moyens accrus doivent permettre de soigner les
drogués, en généralisant les produits de substitution. Dans chaque ville, doivent pouvoir être créées les conditions d'une
justice de proximité, afin de traiter humainement mais fermement le problème des délinquants récidivistes et les affaires
classées sans suite.
Déjà, vous avez mis en place une politique courageuse et ambitieuse d'emplois-jeunes, et nous soutenons cette politique.
Ma question est simple : quelles sont vos intentions en ce qui concerne la politique globale de la ville ? Il est bien de réunir
les maires, et je m'en félicite. Mais il serait encore mieux de les associer autour d'objectifs précis et de méthodes
administratives simplifiées afin de répondre à l'exigence d'un droit au travail, d'un droit à la ville pour tous et d'un droit à la
sécurité pour chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
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Réponse du ministère : Emploi publiée le 16/01/1998
Réponse apportée en séance publique le 15/01/1998
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous nous avez rappelé, à juste titre, monsieur le
sénateur, que ces quartiers sont fragiles. Les problèmes qui s'y posent ne peuvent être traités ni par des petites phrases ni
par des annonces médiatiques, ils doivent faire l'objet d'une politique de fond qui commence par l'emploi. C'est, en effet,
l'élément essentiel, et qui touche à l'ensemble des droits de nos concitoyens : droit au logement, à la sécurité et à
l'éducation. C'est ce que nous nous efforçons de faire aujourd'hui.
Puisque nous avons beaucoup parlé des problèmes de sécurité, permettez-moi de rappeler que, dans ces quartiers, il y a
certes la délinquance, la violence et la drogue, mais on y trouve parfois plus de solidarité que dans beaucoup d'autres.
Des gens s'y battent pour éviter que des enfants ne soient en contact avec les dealers, certains assurent eux-mêmes la
sécurité, d'autres participent à des actions de soutien scolaire. Tout cela, il ne faut pas l'oublier.
Vous avez souligné, à juste titre, monsieur le sénateur, qu'il s'agit d'une politique interministérielle. D'ailleurs, depuis que le
Gouvernement est en place, il travaille de cette façon.
S'agissant des emplois-jeunes, qui sont un élément essentiel de notre action, j'ai demandé aux préfets qu'une priorité
absolue soit accordée aux jeunes de ces quartiers. Le bilan sera fait à la fin du mois de janvier.
Le travail que je mène avec les ministres de l'intérieur, de la défense et de la justice pour mettre en place les contrats
locaux de sécurité nous montre que cette politique est ô combien ! de nature interministérielle.
Enfin, dans le cadre de la loi contre les exclusions - car l'exclusion est souvent dans ces quartiers - nous travaillons avec
dix-sept autres ministères, je l'ai dit tout à l'heure, et surtout avec M. Louis Besson, pour faire en sorte que tous nos
quartiers deviennent de vrais quartiers de mixité sociale, des quartiers où l'on vive mieux grâce à une politique de
réhabilitation, où l'on puisse non seulement aider les familles en grande difficulté, mais aussi faire en sorte qu'elles rentrent
dans les droits de notre société, et éviter autant que faire se peut les expulsions, dont on sait combien elles sont
douloureuses.
Alors, au-delà des actions dont j'ai parlé, que faisons-nous pour cette politique spécifique de la ville ?
Nous terminons un bilan de ces quinze années de politique de la ville qui ont commencé avec M. Gilbert Bonnemaison et
avec M. Michel Delebarre, qui fut le premier ministre de la ville.
Nous savons qu'elles ont porté des fruits. Il ne faut pas, aujourd'hui, jeter le bébé avec l'eau du bain, car beaucoup de ces
quartiers connaîtraient une situation encore plus explosive si des politiques de la ville n'avaient pas été mises en place.
Ce que l'on demande c'est plus de politique de la ville, et non son abandon. J'ai d'ailleurs fait en sorte que le budget
consacré à cette politique soit, dès 1998, en augmentation de un milliard de francs, passant de 14 milliards à 15 milliards
de francs, que nous puissions envoyer, dès cet été, un million de jeunes en vacances et que les actions dont j'ai parlé
soient mises en place.
A partir de ce bilan, aujourd'hui terminé, nous allons réfléchir sur le mode de conventionnement. Comme vous l'avez dit,
monsieur le sénateur, c'est bien avec les maires, parfois avec les agglomérations, que nous devons aujourd'hui travailler.
Nous devons éviter que ces quartiers ne deviennent des zones de relégation, à cause des transports par exemple. Nous
devons accroître la mixité sociale et le lien entre ces quartiers et les villes-centres.
Enfin, ces bilans sont actuellement « confrontés » - je le dis volontairement de cette manière-là - aux habitants et aux
acteurs de terrain.
Il y a aujourd'hui une première réunion à Lyon ; un certain nombre d'autres auront lieu jusqu'au début du mois de février
pour confronter notre bilan à ceux qui vivent concrètement, jour après jour, cette politique de la ville.
Par ailleurs, j'ai demandé un rapport à M. Jean-Pierre Sueur, car nous sommes tous convaincus que si les problèmes de
ces quartiers nécessitent des réponses immédiates, ils nous posent, plus globalement, le problème de nos villes. Quelle
forme devront-elles avoir au xxie siècle ? Comment faire en sorte que nos centres-villes ne soient plus des centres-musées
où plus personne ne vit et que ne se constituent pas des quartiers pour riches et des quartiers pour pauvres ? Comment
organiser les entrées de nos villes alors que, aujourd'hui, avec partout les mêmes enseignes, les mêmes couleurs et les
mêmes volumes, on casse l'esthétique de la ville, on casse la vie en ville, allant jusqu'à faire pénétrer des autoroutes
urbaines à l'intérieur du tissu urbain ?
Ce sont tous ces problèmes qu'il faudra traiter, et c'est à partir du rapport de Jean-Pierre Sueur, réalisé en liaison avec
des élus, des experts, des historiens, des urbanistes, des architectes et des acteurs de terrain, que nous proposerons, au
mois de février, une grande politique de la ville. Elle concernera ceux qui vivent dans les quartiers en difficulté, bien sûr,
mais aussi tous ceux qui, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, vivent dans les villes. En effet, nous devons
réintroduire la mixité sociale, faire en sorte que les services publics soient partout présents, et que nous vivions mieux
ensemble, plus en sécurité et avec plus de cohésion sociale et de solidarité. Bref, chacun doit trouver sa place dans la
ville, et même dans les quartiers en difficulté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
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