Question de M. BÉCOT Michel (Deux-Sèvres - UC) publiée le 16/01/1998
Question posée en séance publique le 15/01/1998
M. le président. La parole est à M. Bécot.
M. Michel Bécot. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette question
s'adresse à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ignorés ou rejetés, les harkis et leurs descendants, aujourd'hui encore, plus de trente-cinq ans après la fin du conflit en
Algérie, continuent de vivre un drame.
Parce qu'ils ont fait le choix de la France, pays de la liberté et des droits de l'homme, ces hommes et ces femmes ont dû
tout abandonner.
Bien que partie intégrante de la communauté nationale, les harkis éprouvent des difficultés, et ce pour des raisons liées à
leur histoire, à s'insérer socialement, malgré leur désir farouche d'y parvenir.
On constate en effet, au sein de cette communauté, un taux de chômage particulièrement important, dû à un taux d'échec
scolaire élevé, un manque de formation professionnelle et des conditions de logement peu propices à l'intégration.
Leur fort regroupement dans des régions aujourd'hui sinistrées économiquement ne facilite nullement cette insertion qu'ils
appellent de leurs voeux.
De plus, les harkis n'ont de cesse de réclamer la reconnaissance de leur véritable identité et leur appartenance à la France,
désir qui ne peut qu'apparaître légitime et qui doit être pris en compte.
Certes, depuis 1975, des dispositions ponctuelles ont été prises en leur faveur ; tous n'ont pu cependant en bénéficier et, à
l'évidence, ces mesures n'ont pas été suffisantes.
Seule la volonté de mettre en place un projet global, destiné à régler ce que l'on appelle communément « le problème
harki » et qui doit cesser d'en être un, pourra remédier à cette situation.
A l'heure où vous avez annoncé comme l'une de vos priorités la lutte contre les exclusions, je vous remercie de bien
vouloir me faire part des mesures que vous entendez prendre en faveur des harkis. (Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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Réponse du ministère : Emploi publiée le 16/01/1998
Réponse apportée en séance publique le 15/01/1998
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous
remercier d'avoir posé une question sur les difficultés d'insertion des harkis et de leurs enfants.
Vous l'avez dit, ils vivent depuis trente-cinq ans, comme l'ensemble d'ailleurs des rapatriés, mais plus douloureusement
que d'autres, les conséquences de leur soutien à la France.
Il a fallu attendre, vous le savez, la loi du 11 juin 1994 pour que, à l'unanimité, la France témoigne la grande
reconnaissance qu'elle leur devait et affirme la dignité dans laquelle ils doivent vivre.
Les problèmes sont très divers.
A la première génération, nous devons qu'elle vive dans des conditions décentes, notamment de logement, alors que,
aujourd'hui encore, perdurent sur notre territoire des camps inacceptables.
J'ai chargé M. Lagarrigue, inspecteur général des affaires sociales, de visiter l'ensemble de ces sites. Il en a déjà vu les
deux tiers. Cela a d'ailleurs permis de régler un certain nombre de cas individuels et collectifs. Je disposerai dans les délais
les plus brefs d'un rapport global, dont je vous donnerai bien évidemment communication.
Les harkis, surtout ceux de la seconde génération, qui ont vécu dans des camps et n'ont pu être scolarisés, ont besoin
d'une aide à l'emploi et à la formation.
A cet effet, j'ai demandé aux préfets, par une circulaire du 22 octobre 1997 - elle commence d'ailleurs à porter ses fruits -
de mettre en place, partout où les harkis sont en nombre, des cellules de reclassement. Elles ont pour mission, d'abord,
d'établir un diagnostic des harkis et de leurs enfants qui sont au chômage, ensuite, de leur proposer des emplois ou des
mesures de formation lorsque c'est nécessaire. Ils sont actuellement reçus les uns après les autres. Dans deux mois, nous
disposerons d'un bilan complet, que je rendrai public.
S'agissant des emplois-jeunes, j'ai demandé que les harkis bénéficient d'une priorité. A titre d'exemple, dans le Rhône,
quinze fils de harkis ont été engagés comme agents de sécurité, une dizaine dans la région parisienne, et la ville de Roubaix
vient d'en engager cent.
S'agissant de l'endettement immobilier, qui est le problème majeur de ces familles, en vertu de la loi du 11 juin 1994, les
harkis de la première génération bénéficient d'une subvention de l'Etat au désendettement immobilier. Afin que les
procédures conduites par les commissions départementales se déroulent convenablement, l'article 101 de la loi de
finances pour 1998 vient de prévoir une suspension provisoire des poursuites jusqu'à la décision de l'octroi de l'aide.
Ainsi, un certain nombre de situations dramatiques pourront être améliorées.
J'ajoute que le travail accompli par le nouveau délégué aux rapatriés, qui a réparti avec un peu d'impartialité les crédits
entre harkis et rapatriés, a calmé globalement le jeu.
Certes, il subsiste encore quelques petits foyers de contestation. Mais nous nous en occupons en essayant de trouver des
réponses en matière d'emploi pour les jeunes, qui sont à la base de ces mouvements.
J'espère que, dans les jours qui viennent, les choses se calmeront, parce que des réponses concrètes auront été
apportées. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
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