Question de M. ECKENSPIELLER Daniel (Haut-Rhin - RPR) publiée le 04/12/1997
M. Daniel Eckenspieller attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la qualité des eaux de consommation humaine en Alsace. La teneur maximum d'atrazine autorisée en France est, en vertu de la norme européenne, de 0,1 milligramme au litre, la teneur totale en pesticides ne devant pas excéder 0,5 milligramme au litre. Cependant, la norme limite fixée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est de 2 milligrammes au litre. Comment expliquer une telle différence de taux ? Les seuils fixés par la réglementation européenne sont aujourd'hui régulièrement dépassés dans plusieurs communes du Haut-Rhin dont les productions agricoles sont fortement consommatrices de pesticides. Le coût de production (traitement et acheminement) de l'eau potable ne cesse, en conséquence, de croître dans ces collectivités. Il n'est pourtant pas possible de prohiber purement et simplement l'usage de ces produits sans pénaliser nos producteurs dans leur compétitivité. La sévérité européenne n'est pas davantage contestable, dans la mesure où elle répond à un louable souci de santé publique. Une solution de compromis peut-elle alors être trouvée ? Il lui demande, en conclusion, si une réglementation plus contraignante de l'usage des pesticides à base de triazines est envisagée et si elle a connaissance de recherches scientifiques qui permettraient de trouver, très prochainement, un palliatif aux pesticides du type atrazine.
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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 17/06/1999
Réponse. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance avec intérêt de la question concernant les teneurs maximales tolérées en pesticides à base de triazine dans les eaux destinées à la consommation humaine et la réglementation de l'usage de ces produits. La présence des pesticides dans les eaux superficielles, souterraines ou littorales est, en effet, un problème environnemental majeur. Une étude de l'Institut français de l'environnement réalisée en 1998 à la demande du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a mis en évidence une contamination préoccupante notamment par l'atrazine et la simazine : la quasi-totalité des cours d'eau et la moitié des nappes sont ainsi concernées. De plus, le dernier bilan sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, publiée en 1998 par la direction générale de la santé, indique que 9,7 % des situations de non-conformité sont liées à l'atrazine. Du point de vue réglementaire, dans ses dernières recommandations sur la qualité des eaux de boisson mise à jour en 1997, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a établi une valeur-guide applicable aux pesticides de 2 microgrammes par litre. Cependant, les données toxicologiques disponibles sur tous les pesticides n'ont pas encore été évaluées par l'OMS au plan toxicologique. Avec la directive nº 80/778/CEE du 15 juillet 1980 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, la réglementation européenne a fixé des concentrations maximales admissibles établies comme suit : 0,1 microgramme par litre par substance individualisée et 0,5 microgramme par litre pour le total des substances mesurées, en référence aux seuils de détection des appareils de mesure de l'époque, jugeant que ces substances qui ne se trouvent pas à l'état naturel ne devaient pas se retrouver dans les eaux de boissons. Ces valeurs ont été récemment confirmées par la nouvelle directive européenne nº 98/83/CEE. Cette dernière, qui prend aussi en compte les produits de dégradation des pesticides, remplace l'actuelle directive nº 80/778/CEE et sera prochainement transcrite en droit français. Même s'ils introduisent également un régime de dérogation temporaire sous conditions pour certaines substances chimiques, dont les pesticides, pour lesquelles serait observé un dépassement des valeurs paramétriques, ces textes nécessitent une action résolue pour réduire les pollutions dues aux produits phytosanitaires. Ainsi, en concertation avec les services du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, le ministère de l'agriculture et de la pêche a décidé, en 1997, l'interdiction de l'atrazine et de la simazine pour les usages non agricoles. Concernant les usages agricoles de ces substances, une procédure de réévaluation des homologations de ces produits est en cours au niveau européen ; elle pourrait aboutir à des restrictions d'usage supplémentaires, voire à leur interdiction totale. Des interdictions d'utilisation dans certaines zones peuvent également être décidées par les préfets sur la base de données étayées. Une circulaire aux préfets datée du 25 février 1997 des ministres chargés de la santé, de l'agriculture et de l'environnement leur demande de procéder à de telles interdictions dans les cas les plus avérés. Ainsi certains préfets, notamment en Bretagne, ont signé en 1998 des arrêtés préfectoraux limitant l'usage de l'atrazine. Il est actuellement possible d'éviter l'utilisation de l'atrazine mais cela s'opère au moyen d'autres techniques agricoles ou de produits de substitution qui peuvent s'avérer plus coûteux et plus compliqués à mettre en uvre par l'agriculteur. De plus, les produits de substitution sont susceptibles de poser d'autres problèmes environnementaux et d'être plus difficiles à mesurer que l'atrazine. C'est pourquoi la politique d'interdiction de produits n'est pas la seule voie d'amélioration. Il est nécessaire de développer à grande échelle les actions visant à modifier les pratiques des agriculteurs et faire évoluer leurs systèmes de production afin de les rendre moins dépendants des produits phytosanitaires et de rationaliser leur usage. C'est ainsi que le CORPEN (comité d'orientation pour la réduction des eaux par les nitrates, les phosphates et les produits phytosanitaires provenant des actités agricoles) a développé depuis 1993, dans le cadre interministériel et interprofessionnel, des outils permettant de faire le diagnostic des causes de pollution sur un bassin versant puis de construire des programmes d'action comprenant des recommandations adaptées à chaque situation. La politique contractuelle développée par le Gouvernement dans le monde agricole qui passe en particulier par les contrats territoriaux d'exploitation créés par la loi d'orientation agricole est de nature à encourager ce type d'évolution des pratiques. De même, l'application du principe " pollueur, payeur " aux pollutions diffuses d'origine agricole (fertilisants et pesticides) permettrait d'adresser aux agriculteurs un signal économique dissuasif pour les pratiques les plus polluantes. C'est pourquoi des réflexions sont actuellement en cours, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, pour déterminer l'opportunité et la faisabilité d'un régime d'écotaxes ou de redevances sur l'azote et les pesticides.
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